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tère, étaient parfaitement connues. C'était le terme extrême de la comparaison des Grecs avec les Barbares. Quand les instituteurs de ces temps parlaient des jeunes Cappadociens qu'on leur donnait à élever, il y allait pour eux comme d'une entreprise très-difficile, comme d'un nègre à blanchir. On peut en croire sur cela le témoignage de Strabon, qui étant lui-même Cappadocien, dit de ses compatriotes, qu'ils ne pouvaient se gouverner eux-mêmes et que les Romains leur ayant permis de vivre suivant leurs lois, ils les prièrent de ne pas leur laisser une liberté qui leur était insupportable.

71. Elle a vu le loup. Elle est restée muette, en parlant d'une personne étonnée. C'était chez les Grecs une opinion populaire que la vue d'un loup rendait muet; la frayeur paralysait la langue. Dans l'Idylle de Théocrite, intitulée l'Amour de Cynisca, on voit que l'amant que cette bergère préférait à Eschine, s'appelait le Loup, équivoque de noms bien plus familière que dans notre langue. Toute la plaisanterie porte sur l'équivoque.

72. Les chats veulent dormir à leur aise. Cela se disait proverbialement des esclaves paresseux qui tuaient le temps et ne voulaient servir qu'à leur aisé, comme font aujourd'hui les valets dans les antichambres des grands.

73. Il est plus sot et plus laid que Philonide. Philonide, fils de Melius de la ville d'Athènes, était un des plus laids et des plus sots hommes qu'il y eût au monde; c'est dans ce sens qu'en ont parlé Platon, Nicocharès et Théopompe; mais il était fort riche; et tel est l'ascendant des richesses sur la

beauté, qu'il était inscrit au nombre des Grecs à qui Laïs accord ait ses faveurs. Il était bien dans ses papiers, comme l'on dit proverbialement en Français.

74. Ne te trouve jamais devant un homme qui meurt de faim. Les Latins pour marquer un grand danger disaient également en proverbe,

Esurienti leoni ex ore exculpere prædam.

Arracher la proie de la gueule d'un lion affamé. »

75. Les Milésiens étaient braves jadis. Cette expression s'employait communément pour exprimer les grands changemens survenus, soit dans les mœurs, soit dans la fortune des particuliers et des peuples; en voici la raison : Les Milésiens avaient été le peuple le plus puissant et le plus redoutable de la Carie ils avaient entrepris et soutenu plusieurs guerres mémorables; ils avaient envoyé de nombreuses colonies dans la Propontide et le Pont Euxin; mais Darius avait eu sur eux des avantages qui avaient détruit leur ancienne gloire et les avaient rendus souples et peureux, de fiers et vaillans qu'ils étaient.

76. Mala Hesperidum. Atlas, roi de Mauritanie, avait, dit la mythologie, un jardin spacieux, orné d'arbres qui portaient des pommes d'or. Il le laissa à ses filles Hesperides, Egle, Arethusa et Hyperthusa. Un énorme dragon (serpent) était commis à la garde de ce jardin. Hercule ayant été envoyé par Eurysthée courir le monde et les aventures, tua le dragon et apporta de ces fruits dans la Grèce.

Varron ne croit pas que ce soit des pommes, mais bien des brebis à bonnes toisons (comme celles que M. Ternaux a importées du royaume de Cachemire). Cette erreur provient, dit-il, de l'ambiguïté du mot grec μax, qui signifie également pommes et moutons.

77. Un bœuf a parlé. Érasme prétend que ce proverbe est tiré du récit que l'on trouve dans les annales de quelques nations, que quelquefois les bœufs ont parlé. Valère Maxime dit que sous le consulat de P. Volumnius et de Servius Sulpitius, un bœuf dans ses mugissemens imita la voix humaine. Pline dit que, parmi les prodiges rapportés par les anciens, on a cité quelquefois des bœufs qui avaient parlé, et que lorsque cela arrivait on tenait le sénat en plein air. Le bon sens repousse cette origine ridicule donnée à ce proverbe; il est plus probable qu'il la tire d'une monnaie de la Grèce, sur laquelle était l'empreinte d'un bœuf. L'éloquence des orateurs grecs était très-vénale, et en les payant grassement, on était sûr de leur faire dire ce qu'on

voulait.

78. Mœurs de Crotoniates. Les habitans de Crotone menaient la vie la plus déréglée. Ils se mariaient pour la forme et prenaient une femme ad honores, comme les roués du temps du régent, et ils la délaissaient pour s'attacher à des concubines. C'était donner aux femmes le prétexte et l'occasion d'imiter leur mauvais exemple, et en provoquant l'application de cette maxime frangenti fidem frangetur eidem, rompre sans pudeur tous les liens de la fidélité conjugale. Pythagore, outré de tant de

dissolution, résolut d'y mettre un terme : ce n'était point une entreprise aisée. Voici le moyen ingénieux dont il se servit pour frapper fortement l'imagination de ces peuples, aussi superstitieux que corrompus. Il disparut et s'enferma pendant quelques mois dans une obscure retraite; il recommanda auparavant à sa mère d'écrire sur des tablettes tout ce qui se passerait d'intéressant dans Crotone. Quelque temps après ayant lu attentivement ce bulletin de la police de Crotone, il sort de sa solitude, le visage pâle et défait, il assemble le peuple sur la place, il l'assure qu'il est descendu aux enfers et lui raconte qu'il y a vu parmi les âmes des damnés, celles des maris défunts les plus connus de la ville, qui n'avaient pas rendu à leurs femmes le devoir conjugal, qu'il y en avait un grand nombre qu'il s'abstenait de nommer crainte de scandale, qu'il les exhortait instamment à réformer leurs mœurs. Le récit de Pythagore fit une telle impression sur l'esprit des Crotoniates, qu'ils renoncèrent à leurs mauvaises pratiques, et que leurs femmes légitimes se trouvèrent bien de la leçon.

79. Convives de Mycone. On appelait ainsi proverbialement les parasites, parce qu'ils se présentaient à un festin sans y être invités, par allusion aux habitans de l'ile de Mycone qui passaient chez les Grecs pour les plus grands parasites de la terre; habitude que provoquaient en eux la misère, la gourmandise et un manque absolu de délicatesse. On appelait encore les Myconiens têtes chauves. On prétend que c'était un défaut naturel et comme le résultat d'une maladie endémique avec laquelle ils

venaient presque tous au monde. On ne remarque plus dans les habitans actuels de l'île, qui a pris le nom moderne de Miconi, cette disposition à devenir chauves.

80. A Samos, les poules ont du lait. Les anciens admiraient la brillante fertilité de l'île de Samos, et pour donner une idée de l'abondance qui y régnait, on disait communément qu'à Samos les poules mêmes avaient du lait.

81. Thessala philtra. Philtres thessaliens. Les Grecs ayant peu d'occasions d'approcher des femmes, employaient des moyens singuliers pour les instruire de leur passion: ils écrivaient leur nom sur le mur de leur maison, ils ornaient leurs portes de guirlandes, ils y faisaient des libations de vin: quand une femme tressait à son tour une guirlande, elle était censée partager l'amour qu'elle inspirait. Un Grec qui ne réussissait pas à plaire par ces moyens employait les philtres. Les Thessaliennes passaient pour être très-habiles dans l'art de les composer. Ces philtres étaient si violens qu'ils troublaient la raison et causaient quelquefois la mort. On se servait aussi d'une petite figure représentant l'objet aimé, on la plaçait devant le feu. Il était convenu que plus la petite figure s'échauffait, plus le cœur de l'être aimé s'enflammait. Quand un Grec parvenait à dérober quelque chose appartenant à la personne qu'il aimait, il l'enterrait à sa porte et dès ce moment il se croyait sûr de lui plaire.

82. Mercure est commun. Expression proverbiale chez les Grecs, et qui revient à l'expression fran

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