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çaise lorsqu'on a trouvé quelque chose en commun; je retiens part.

83. Sage comme Hermenia. Herménia était une des plus belles filles d'Athènes. Les qualités de son esprit ajoutaient encore aux grâces extérieures dont elle était douée. Son nom seul était un éloge: il était passé en proverbe pour exprimer la sagesse et la douceur même. Tous les jeunes Athéniens se disputaient le cœur d'Herménia.

84. Abstiens-toi des fèves. Tout le monde connaît le dogme de Pythagore sur l'abstinence des fèves. Quelques commentateurs prennent le dogme au pied de la lettre; d'autres, et ce sont les plus sensés, l'interprètent d'une manière allégorique, et prétendent que Pythagore lui-même ne l'a donné figurément que comme un précepte moral, et que par là il a engagé ses disciples à ne point se mêler des affaires politiques et du gouvernement, à cause des dangers. Cette interprétation est fondée sur ce que le mode de procéder à l'élection des magistrats consistait à donner son suffrage avec des fèves. On sait que Pythagore, instruit dans la science énigmatique et dans les mystères des Égyptiens, qui s'abstenaient des fèves, avait emprunté d'eux ce préjugé. Les prêtres égyptiens les tenaient pour immondes. C'était se souiller que d'oser les regarder. La haine superstitieuse de Pythagore était telle pour ce légume, qu'il aima mieux se laisser tuer par des gens qui le poursuivaient, plutôt que de traverser un champ de fèves. D'autres interprétateurs s'attachent au sens littéral et s'appuient sur des raisons mystérieuses que nos paysans, grands

mangeurs de fèves, sont loin de deviner. Pythagore, dit-on, a prétendu défendre les plaisirs de l'amour, ce qui serait aujourd'hui une chose des plus difficiles et un très-grand malheur pour les pauvres gens qui n'ont que cette petite distraction, pour les riches qui ont besoin d'enfans, et pour le produit de la conscription. Cicéron penche à croire que l'interdiction des fèves était fondée sur ce qu'elles empêchaient les prêtres de faire les fonctions divinatoires; car elles échauffent, donnent des coliques venteuses, irritent les esprits abdominaux et ne permettent pas à l'âme, qu'elles troublent par leurs rapports impétueux, de jouir de la quiétude nécessaire à la recherche de la vérité; c'est cependant aujourd'hui la nourriture la plus habituelle des couvens. L'école de Salerne, antique sybille et vieille radoteuse s'il en fut jamais, la prohibe pour la raison qu'elle donne dans l'ordonnance suivante: Manducare fabam caveas facit illa podagram.

85. Odi memorem convivam. Ce proverbe a rapport à une coutume des Lacédémoniens qui mangeaient tous ensemble à tables d'hôte. Le plus âgé disait aux nouveaux venus pour conserver la franchise de la table et la liberté des festins: Il ne sort rien de tout ce qui se dit ici.

86. Es Dodoneum. Le chaudron de Dodone.

Dans le temple de Jupiter à Dodone, ville de l'Épire dans la Thesprothie, selon Pausanias, et dans le pays des Molosses, suivant Strabon, étaient deux colonnes parallèles et très-voisines l'une de l'autre. Au haut de l'une était un chaudron d'airain d'une grandeur médiocre, sur le sommet de l'autre une

statue d'enfant qui tenait dans sa main un fouet composé de chaînettes déliées, qui, quoique d'airain, étaient flexibles au gré du vent. Ainsi, lorsque le vent soufflait, elles ne cessaient de frapper le chaudron, qui retentissait tant que le vent durait. De là est venu le proverbe as Dodoneum, qu'on a appliqué au babillard, plus incommode que le chaudron de Dodone, en ce que celui-ci ne faisait du bruit que lorsque le vent soufflait, au lieu que le babillard ne cesse de parler.

87. Spartam quam nactus orna. Cela veut dire que dans quelque condition que l'on soit placé par la Providence, il faut se soumettre à son sort, tacher d'embellir son existence et de la rendre heureuse, remplir ses devoirs en bon citoyen et rendre à la patrie tous les services qu'elle doit attendre de vous. La patrie est la médine de tous les hommes c'est vers elle qu'ils portent leurs derniers regards. Ce proverbe était particulier à Lacédémone.

88. Les silènes d'Alcibiade. Cela se disait d'une chose vile et ridicule au premier abord, mais admirable pour celui qui la regardait dedans et de près. Les silènes étaient des figures faites de plusieurs pièces rapportées et tellement agencées, qu'on pouvait les lever et les déployer facilement. Lorsqu'elles étaient serrées et jointes, elles représentaient alors un objet grotesque ou ridicule; un magot, un jouet, comme ceux dont les charlatans se servent pour amuser la populace. Cette expression proverbiale s'explique par le propos que tint Alcibiade au banquet de Platon. Il dit que Socrate res

semblait aux silènes, parce qu'il était bien autre par le dedans qu'il n'était au-dehors. On sait que la nature avait mieux partagé Socrate du côté de l'esprit que du côté de la figure.

89. Naulum etiam perdere. Perdre même le prix du passage, n'avoir pas la troisième partie de l'obole qu'il fallait présenter dans la bouche au terrible nautonier Caron. Les Athéniens avaient la coutume de mettre dans la bouche d'un mort ou sous sa langue une petite pièce de monnaie représentant le tiers de l'as, afin qu'il n'errât pas dans les enfers et qu'il pût payer son passage à Caron. Ils croyaient que les âmes de ceux dont les corps n'avaient pas reçu la sépulture, erraient cent ans entre le ciel et la terre. C'était, suivant le sens figuré du proverbe, perdre le fruit de ses travaux au moment d'en jouir.

90. Abderitana mens. Les Abdéritains ont été fort décriés du côté de l'esprit et du jugement. Cicéron représente Abdère comme un lieu où les affaires se traitaient sottement et sans raison. Martial n'a guère jugé plus avantageusement des Abdéritains quand il dit en parlant de Mucius, Epig. XXV, liv. X:

Si patiens, fortisque tibi, durusque videtur,
Abderitanæ pectora plebis habes.

S'il t'a paru patient, courageux, insensible, tu portes un cœur digne de la populace d'Abdère. » Vossius prétend que ce n'est pas de la stupidité des habitans d'Abdère qu'est né le proverbe qui décriait cette ville, mais plutôt de la passion agréable

qui succédait à une fièvre particulière dont ils étaient attaqués. Ils devenaient passionnés pour les vers et pour la musique. On doit inférer du sentiment de Cicéron, non pas que les Abdéritains fussent stupides, mais seulement que leur imagination était déréglée: c'est dans ce sens qu'il faut entendre ce proverbe. D'autres commentateurs l'attribuent à la fièvre chaude dont les Abdéritains, sous le règne de Lysimaque, furent saisis au milieu d'un été fort chaud, à la suite de la représentation d'Andromède, tragédie d'Euripide, jouée devant eux par le comédien Archélaüs. Ainsi cette fièvre est moins une marque de stupidité que de vivacité. Moreri prétend que les Abdéritains mouraient sur le théâtre à la suite de leur fièvre chaude.

91. Cleanthis lucerna. La lanterne de Cléanthe. En parlant d'un ouvrage bien châtié, bien correct, on dit qu'il a été composé à la lumière de la lanterne de Cléanthe. Cléanthe, fils de Phanis et disciple de Zénon, avait une telle ardeur pour le travail, que son activité était passée en proverbe. Comme il était extrêmement pauvre, il travaillait la nuit à arroser des jardins pour se procurer la nourriture, afin de pouvoir étudier tout le jour : on l'appelait à cause de cela, par antonomase, puteorum exhaustor. Sa pauvreté était si grande, que lorsqu'il n'avait pas le moyen d'acheter des tablettes, il écrivait sur des os de bœuf ou sur des tessons et des tuiles.

92. Baotica sus. Pourceau béotien. Les Béotiens furent nommés pourceaux, au rapport de Pindare et d'autres notables auteurs, parce qu'ils étaient

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