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Si tribus Anticyris caput insanabile numquam
Tonsori Licino commiserit.

(HORACE, Art. poét., v. 298.)

C'est de ne jamais confier au barbier Licinus une tête que trois Anticyres ne guériraient pas.

»

118. Non licet omnibus adire Corinthum; ou mieux, comme a dit Horace :

Non cuivis homini contingit adire Corinthum.

Il n'est pas permis à tout le monde d'aller à Corinthe. Corinthe était le lieu du monde le plus commode pour les courtisanes, à cause de sa situation et de son temple dédié à Vénus; aussi y en avait-il un fort grand nombre. Anacréon, qui ne comptait que trente-cinq maîtresses à Athènes, en comptait des légions à Corinthe (De Corinthe metsen des légions, car cette ville est de l'Achaie, celle où il y a les plus belles femmes de la Grèce). Comme ces courtisanes étaient très-magnifiques dans leurs parures et dans leurs dépenses, et comme elles étaient toujours à sec comme le sont leurs pareilles parmi les modernes, il n'y avait que les riches qui pussent assouvir leurs insatiables désirs; aussi étaient-ils les seuls qui fussent bien reçus chez elles, ce qui donna lieu au proverbe que les modernes commentent et appliquent souvent très-mal.

119. C'est du feu ajouté au feu. En parlant des mauvais conseils donnés à une personne, et qui tendent à sa perte; c'est enflammer la jeunesse en flattant ses passions, et lui ouvrir le précipice dans lequel elle risque de se jeter.

120. Ne te souviens plus des maux passés, puisque tu as pris Phylé. Proverbe tiré du Plutus d'Aristophane, et qui veut dire qu'il faut oublier les maux passés. Thrasibule ayant résolu de délivrer les Athéniens du joug des trente tyrans que les Lacédémoniens avaient établis à Athènes, s'empara d'abord de Phylé, qui était un port de l'Attique. Après cet heureux début, il vit tout lui réussir. Les Lacédémoniens furent vaincus, les tyrans expulsés, et, par le traité qui suivit la victoire, on défendit de parler des malheurs passés.

121. Il faut renvoyer le sac de cuir au corroyeur. C'était, chez les Athéniens, un axiome de droit proverbial, par lequel ils protestaient contre les accusations qui leur étaient intentées.

122. Qu'est-ce qui louera son père mieux que l'enfant malheureux. Le sens de ce proverbe a pour but de fermer la bouche à ceux qui, n'ayant aucun mérite ni aucune vertu en eux-mêmes, se parent des vertus de leurs ancêtres et sont toujours à les louer. Pour ceux en qui éclate naturellement la générosité de leurs pères, c'est une grande félicité de se souvenir toujours des gens de bien qui ont été dans leur famille, d'entendre rapporter leurs grandes actions et de les raconter eux-mêmes, car, faute de biens qui leur soient propres, ils ne font pas dépendre leur réputation de ces louanges étrangères; mais en ajoutant leurs bonnes actions à celles de leurs ancêtres, ils les bénissent et les louent non-seulement comme les auteurs de leurs races, mais encore comme les modèles de leur vie. C'est dans ce sens que Plutarque rend et développe

ce proverbe en la vie d'Aratus, qu'il envoie à son ami Polycrate, descendant d'Aratus. Il suit en cela l'interprétation donnée par Dyonisodore de Trésenne, et non celle du philosophe Chrysipe, qui, choqué du mauvais sens qu'il trouvait dans ce proverbe, le rendait ainsi : Qu'est-ce qui loue son père mieux que l'enfant heureux? En cela il était sujet à se tromper, car beaucoup d'enfans qui héritent des richesses acquises par les sueurs et les travaux de leurs pères, se dispensent de reconnaissance, et oublient bientôt, dans la prodigalité et dans les plaisirs, la source pénible d'une fortune qui ne leur donne d'autre peine que celle de la dissiper.

123. Vœux de Locriens. Ces peuples ayant été fort maltraités par ceux de Lucanie, qui étaient protégés par Vénus, crurent que pour contrebalancer le pouvoir de la déesse, ils pourraient se raccommoder avec la fortune, s'ils prostituaient leurs filles. Voilà certes une action abominable et bien propre à les couvrir d'infamie. C'est ce que fait entendre le proverbe.

124. Parler de dessus la charrette. Pour dire injurier, railler; proverbe grec du temps de Thespis, inventeur de la tragédie. Les acteurs jouaient leurs pièces sur des charrettes, et dans ce temps-là leurs pièces encore informes étaient remplies d'invectives, de railleries et d'injures. C'est ce que Boileau a voulu peindre par ces vers:

Thespis fut le premier qui, barbouillé de lie,
Promena par les bourgs cette heureuse folie,
Et d'acteurs mal ornés, chargeant un tombereau,
Amusa les passans d'un spectacle nouveau.

125. Sophisme thessalien. Athénée observe que l'on se servait en Grèce de cette expression devenue proverbiale, pour exprimer une injure grossière.

126. Non potes simul Thersitem et Agamemnomen agere. On ne peut remplir à-la-fois le personnage de Thersite et celui d'Agamemnon. Philippe, après avoir vaincu les Athéniens à la bataille de Chéronée, insultait les prisonniers par des railleries indécentes. Le fameux orateur Demade, qui était du nombre, lui dit : Il ne vous sied pas, seigneur, de jouer le rôle de Thersite, tandis qu'il vous est si facile de jouer celui d'Agamemnon. Cette réponse est passée en proverbe pour faire entendre qu'il ne faut jamais manquer à sa dignité, ni sortir de son rang pour jouer un rôle ignoble.

127. De la coupe à la bouche, mille malheurs peuvent arriver. Voici le fait qui a donné lieu à ce proverbe qui répond à ceux-ci : De la main à la bouche, se perd souvent la soupe; Vin versé n'est pas avalé. Ancée, fils de Neptune et d'Astypalée, faisait planter des vignes et harcelait sans cesse ses esclaves pour que leur tache fût achevée. L'un d'eux, épuisé de fatigue, lui déclara avec humeur qu'il ne boirait jamais du vin de ses vignes. Lorsque la vigne eut réussi et qu'elle eut produit des raisins, Ancée, transporté de joie, s'empresse de la vendanger et de se faire apporter du vin nouveau par ce même esclave. En approchant la coupe de ses lèvres, il se rappelle la prédiction qu'il lui avait faite Eh bien! lui dit-il, penses-tu maintenant que je ne boirai pas de ce vin? L'esclave piqué de l'apostrophe lui répondit: De la coupe à la bouche, mille

malheurs peuvent arriver. L'événement vint de suite justifier les paroles de l'esclave. Au moment où Ancée allait avaler la liqueur nouvelle, on vint lui annoncer qu'un énorme sanglier ravageait ses vignes; il pose aussitôt sa coupe, s'arme et court au-devant du sanglier qui l'éventre et le tue.

128. Le poisson commence à puer par la tête. Les anciens Grecs se servaient fréquemment de ce proverbe; il signifiait que lorsque la tête ne se porte pas bien, les autres membres sont malades.

129. Une imagination digne de Palamède. C'était un proverbe très-ancien parmi les Grecs. On donnait le nom de Palamède à celui qui inventait ou proposait quelque projet utile. Les poètes se servaient également de ce nom pour désigner un génie inventif comme celui de Palamède, fils de Nauplius, roi de l'île d'Eubée (Négrepont), qui augmenta l'alphabet grec des cinq lettres 0,,,,, expliqua la cause naturelle d'une éclipse, aux Grecs réunis devant Troye, leur donna les premiers élémens de la tactique, inventa, dit-on, les poids et les mesures, ainsi que les jeux des dés et des échecs pour amuser les soldats que la longueur d'un siége de dix ans faisait périr d'ennui. Malgré tant de talens et d'inventions utiles, il fut sacrifié à la vengeance de l'astucieux Ulysse, qui, à force d'intrigues, le fit condamner à être lapidé. Il avait excité contre lui le ressentiment du roi d'Ithaque, en démasquant la folie simulée dont ce prince se faisait un prétexte pour ne pas se rendre au siége de Troye. Suidas prétend que Palamède avait même composé des poëmes intéressans sur la guerre de

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