DE L'ORIENT DE L'ALGÉRIE ET DES COLONIES BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ORIENTALE DE FRANCE CONSTITUÉE PAR DÉCISIONS DE LL. EE. Le Ministre de l'Instruction publique et des Cultes et le Ministre de l'Intérieur, RECUEIL MENsuel rédigé PAR LE COMITÉ DE PUBLICATION SOUS LA DIRECTION DE MM, ÉDOUARD DULAURIER, Professeur à l'École impériale des langues orientales vivantes, membre de l'Institut Lazareff des langues orientales de Moscou, Le télégraphe nous a apporté la nouvelle de la signature du traité additionnel récemment conclu entre la Russie et la Chine et qui se compose de quinze articles avec un protocole de ratifications échangé le 14 novembre 1860 entre le général Ignatief, ministre de Russie à Péking, et le prince de première classe de l'Empire, Daijzin-Gim-Zimwan. Ce traité abroge les stipulations de celui de Nestihinsk (1689) et sert de complément à ceux d'Aïgoune (16128 mai 4858) et de Tien-Tsin (1113 juin 1858), qui, tout en donnant à la Russie la rive gauche de l'Amoûr et les bouches du fleuve, limitaient au 53° degré de latitude nord, les possessions de cet empire sur le rivage de la mer. Le nouveau traité les amène au 42° degré et ajoute ainsi 660 milles de côtes aux possessions russes sur le Pacifique. D'un autre côté, la frontière occidentale nouvellement acquise incorpore à la Russie un vaste territoire et aboutit au Khokand. Ainsi la Russie qui, pendant deux siècles, avec une rare constance et, malgré de nombreux échecs, avait poursuivi ses vues sur l'Amoûr, voit aujourd'hui ses efforts atteindre un résultat dont on ne saurait nier ni l'éclat ni l'importance. XIII.-Janvier 1861. 1 Sans verser le précieux sang de ses enfants, elle a enrichi la couronne moscovite d'un de ses plus beaux fleurons et a reculé ses frontières, d'un côté, jusqu'à la Corée, de l'autre, jusqu'au Khokand, gagnant ainsi un immense territoire arrosé par un des plus grands fleuves du monde 1. Mais si les récentes relations de la Russie avec la Chine occupent en ce moment l'attention générale, on connaît peut-être moins les hardis exploits des Cosaques qui, après avoir découvert le fleuve au XVIIe siècles, vinrent, momentanément il est vrai, le placer entièrement sous la domination russe. Aussi nous pensons que l'article qu'on va lire et qui rend compte des premiers efforts tentés par la Russie pour l'acquisition de l'Amoûr, ne sera pas dénué d'un intérêt d'actualité. Dans la première moitié du xvi siècle, les Russes occupèrent la Sibérie orientale; mais ils ne s'arrêtèrent point là. Trouvant le butin facile, des compagnies de Cosaques et d'aventuriers se dispersèrent en tous sens des confins du gouvernement de Tomsk jusqu'aux rives de la mer d'Okhotsk, soumettant facilement les indigènes, prélevant sur eux l'impôt en pelleteries, et y élevant des blockhaus qui leur servaient de points d'appui pour les expéditions ultérieures. En peu d'années, les peuplades mongoles et toungousses ployèrent sous le joug des Russes, et jusqu'aux rives mêmes de la Léna, les Cosaques ne rencontrèrent point de sérieuse résistance; mais au delà de la Léna la lutte devint plus difficile. Les Yakoutes défendirent assez longtemps leur indépendance contre les Russes numériquement plus faibles. Enfin cette peuplade fut soumise, et le fort Yakoutsk s'éleva au centre du pays conquis (1632). De ce point, de nouvelles compagnies de Cosaques se dirigèrent vers les bords de la mer d'Okhotsk en subjugant les peuplades qu'ils rencontraient les Lamoutes, les Youka 1 Le bassin de l'Amour qui ne le cède qu'aux grands systèmes des Amazones, de la Plata, de l'Obi, du St-Laurent, du Mississipi et de l'Iénisséï, a une superficie évaluée à 38,000 milles carrès. |