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SUR CETTE PREMIÈRE LIVRAISON.

Le désir que le Public a témoigné de connaître ce Dic

tionnaire, nous aurait déterminés à en accélérer l'impression, si nous n'avions pas été persuadés qu'il importe beaucoup plus de donner à une telle entreprise tous les soins qu'elle exige, que d'en devancer le tërme de quelques mois. Cependant, aujourd'hui que nos matériaux sont prêts, et que notre marche est invariablement fixée, nous pouvons assurer qu'elle sera plus rapide, sans que nous nous écartions d'une seule des précautions dont nous nous sommes fait une loi rigoureuse. Convaincus que ce n'est que par un grand concours de lumières qu'un tel ouvrage peut être porté à sa plus grande perfection, nous n'imprimerons pas un article avant de l'avoir mis successivement sous les yeux de plusieurs collaborateurs, et nous continuerons à donner les plus grands soins à la correction des épreuves.

Ces soins ne contribuent pas seulement à nous garantir d'un grand nombre d'erreurs ; ils servent encore à éviter des répétitions et des doubles emplois, qui tiennent beaucoup plus de place qu'on ne pense dans la plupart des Dictionnaires historiques. C'est dans cette vue que nous nous sommes quelquefois bornés à renvoyer à un article plus important, pour des articles secondaires, qui, faits séparément, auraient dû néanmoins être répétés dans l'article principal. Le seul fait, par exemple, qui donne de la célébrité à Acerronia, suivante d'Agrippine, devant étre nécessairement rapporté dans l'article de cette princesse, on trouvera, au mot Acerronia, un simple renvoi à celui d'Agrippine. Il en est de même de Virginie, pour laquelle nous renverrons à l'article d'Appius, où l'on peut voir que rien de ce qui concerne cette Romaine n'est omis. Pressés par l'abondance des matières, et décidés à n'en

employer que de véritablement utiles, nous avons aussi rejeté, quoique avec beaucoup de réserve, quelques articles insignifiants, et qu'il eût été ridicule de présenter dans un Dictionnaire des hommes célèbres.

Le défaut d'attention et de discernement dans le choix des articles et des détails qui les composent, nous a paru un des vices les plus remarquables des dictionnaires historiques qui ont précedé celui-ci ; le moindre inconvénient de cette absence d'ordre et de critique est de présenter une multitude confuse et bizarre de noms connus ou qui méri tent de l'être, mêlés à des noms obscurs et tout-à-fait étrangers à l'histoire des peuples et à celle des lettres, des sciences et des arts. Un pareil travail où le bon est confondu avec le mauvais, ne peut être qu'une compilation indigeste, dont l'étendue est sans bornes, et dans laquelle le lecteur n'a lui-même d'autre guide que le hasard qui a dirigé l'entreprise. Nous avons cherché à éviter cet inconvenient; tous les noms qu'on trouvera dans ce Dictionnaire ne sont pas des noms célèbres, mais tous les articles ont un objet d'utilité, et peuvent servirà jeter quelque lumière sur une époque de l'histoire poli tique ou littéraire, soit des anciens, soit des modernes.

Le plan d'un dictionnaire n'est pas moins vicieux lors que chaque article n'est pas fait dans les proportions, e avec l'étendue qu'exige son importance. Cette étendue re lative eût offert plus de difficultés dans une entrepris exécutée par un grand nombre de collaborateurs, si ce collaborateurs ne s'étaient pas fréquemment communi qué leur travail, et si tous n'avaient pas été, dès le com mencement, parfaitement d'accord sur le systême généra de rédaction, si bien tracé dans le discours préliminair Qu'il nous soit permis ici de rendre hommage au bon es prit qui a constamment animé tous ces écrivains recon mandables. Nous ne craignons pas d'assurer que que le mêm zèle les dirigera jusqu'à la fin de cette entreprise, et que de notre côté, encourages comme nous le sommes par le applaudissements et les secours de tout ce que l'Europ offre d'hommes célèbres dans les sciences et dans I lettres, aucune peine, aucun sacrifice, ne pourront no écarter du but que nous nous sommes proposé.

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

L'HISTOIRE et la Biographie ont toutes deux pour objet de retracer les actions et les travaux des hommes célèbres; mais elles y procèdent d'une manière différente et même opposée. L'Histoire, dans ses tableaux peints à grands traits, déroule la série et l'enchaînement des faits de Stout genre, et ce n'est pour ainsi dire qu'accessoirement qu'elle y attache le nom et le caractère des personnages. La Biographie, au contraire, dans ses portraits finis et détaillés, présente séparément les personnages eux-mêmes, et les entoure des évènements qui tiennent a eux par un rapport immédiat. L'une a l'avantage de donner à ses vastes compositions plus de variété, d'éclat et de mouvement; mais, justement occupée de l'ensemble, elle évite de trop soigner les figures, elle les subordonne entre elles, les place dans la lumière ou dans l'ombre, et alternativement les offre et les soustrait à nos yeux. L'autre, consacrant chacun de ses petits ouvrages détachés à un seul objet, qui en détermine et en remplit les dimensions, a le mérite de concentrer et d'arrêter nos regards sur un personnage qui d'ordinaire nous intéresse, et de nous le faire considérer à la fois sous tous les points de vue et dans toutes les attitudes les plus diverses. Ici, l'homme se produit à son tour, en public et sur un théâtre, toujours plus ou moins. st éloigné du spectateur qui, suivant l'expression de Bacon, ne le voit e jamais que du seul eôté qui est tourné vers lui (1). Là il se laisse approcher et en quelque sorte toucher; on le suit, on l'observe, on l'écoute en tous lieux et dans tous les instants de sa vie. Aussi, tandis que l'Histoire donne de hautes leçons aux politiques, ou présente un spectacle attachant à la multitude avide d'émotions, la Biographieoffre des exemples profitables aux hommes de toutes les conditions et fournit aux moralistes la matière de leurs méditations les plus profondes: le premier des Biographes, Plutarque, a la gloire d'avoir formé, et pour ainsi dire créé parmi nous, Montaigne, et J.-J. Rousseau.

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La Biographie, par cela même qu'elle peint isolément les personmages historiques de tout genre, a seule le pouvoir de les comprendre tous dans un même ouvrage, en les rangeant dans un ordre systématique que l'Histoire ne coniporte pas, ou, plus facilement encore,

(1) Chronica personarum facies externas et in publicum versas propovint. De Augmentis Scientiarum, lib, 2, cap. 4.

dans cet ordre alphabétique décrié avec si peu de raison, puisqu'il est également favorable à la frivolité qui veut se distraire, à l'ignorance qui veut s'instruire, et à la science qui veut épargner des moments précieux. Ce n'est pas tout encore: une Biographie universelle, renfermant la Vie des hommes célèbres de tous les temps, de tous les pays et de toutes les professions, offrira nécessairement plus de choses qu'on n'en pourrait trouver dans une Histoire générale, ancienne et moderne, politique et littéraire à la fois (si une telle Histoire était exécutable), puisqu'à l'exposé des faits et des travaux publics qui sont du domaine de toutes deux, la Biographie doit joindre encore le détail des mœurs et des habitudes privées qui composent son apanage particulier. C'est peut-être à ces réflexious qu'est due la naissance du premier des Dictionnaires historiques.

Nous ne nous arrêterons point à parler de Suidas, écrivain grec du onzième siècle, qui imagina de mêler, dans un même lexique, à l'interprétation des mots, des traits d'histoire et des vies de personnages célèbres, idée aussi bizarrement conçue qu'imparfaitement exécutée; ni de Charles Étienne qui, à la fin du seizième siècle (en 1596), rédigea en latin, sur les Mémoires du savant Robert Étienne, son parent, un Dictionnaire historique, géographique et poétique; ni de Juigné, dont le Dictionnaire français, réimprimé huit fois dans l'espace de huit années, n'offrait guère qu'une traduction du latin de Charles Étienne (1); ni même de l'anglais Nicolas Lloyd qui, écrivant dans la même langue qu'Etienne, et s'emparant aussi de son travail, sut du moins l'agrandir et le perfectionner. Nous arriverons tout de suite à Louis Moréri qui, sur le plan et avec les matériaux de Lloyd, bâtit son Grand Dictionnaire historique, dont la première édition parut, l'an 1674, en un seul volume in-folio. Victime de son application au travail, il mourut à trente-huit ans, sans avoir eu la satisfaction de mettre lui-même au jour la seconde édition en deux volumes qu'il avait préparée (2). Plusieurs années après la publication de cette seconde édition (en 1689), on donna un premier Supplement, qu'aussitôt on fondit dans une troisième, et celle-ci fut, à peu de distance, suivie de plusieurs autres dans lesquelles l'ouvrage de Moreri se purgeait lentement de ses fautes, mais recevait de nombreuses additions. Cependant le célèbre Bayle, savant philologue et puissant dialecticien, blessé des imperfections qui déshonoraient toujours le Grand Dictionnaire historique, entreprit de les corriger, du moins en partie. Il releva des inexactitudes, redressa de faux jugements, suppléa des omissions, et imprimant son génie à ce travail qui semblait ne promettre que d'arides

(1) Il parut pour la première fois en 1664. (2) Cette seconde édition parut en 1681.

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