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cueillis et conservés; dont les rédacteurs enfin, sans être étrangers aux sentimens et aux doctrines favorables à la liberté, au bonheur social, à la dignité humaine, fussent disposés à rendre justice à tous les talens, à faire valoir tous les bons ouvrages. C'est pour satisfaire à ce besoin, plus puissant de jour en jour, que plusieurs amis des sciences et des beaux arts ont conçu l'idée d'un journal spécialement littéraire. Une telle entreprise méritait le succès qu'elle obtient; la classe nombreuse des amateurs des lettres s'est empressée d'accueillir un ouvrage qui se présentait sous les auspices les plus propres à inspirer la confiance.

En effet, parmi les collaborateurs de ce recueil, on compte plusieurs auteurs honorablement connus par leurs travaux dans les diverses branches des connaissances humaines. Plusieurs membres de l'Académie française, dont -quelques-uns prennent aussi part à la rédaction de notre REVUE; des auteurs dramatiques, applaudis au théâtre, sont les principaux rédacteurs de ce journal, dirigé par une femme dont le nom est connu de quiconque est sensible au charme des beaux vers. Dans le premier volume, que nous avons sous les yeux, nous avons remarqué un grand nombre d'articles, ou piquans par la forme, ou intéressans par le fond. Plusieurs morceaux de M. de Ségur portent l'empreinte de son talent aimable et facile; on retrouve, dans un portrait du président de Thou, le profond et spirituel auteur de l'Histoire de l'établissement monarchique de Louis XIV, M. Lemontey. M. Viennet, dans une analyse pleine de verve et de franchise, a très-bien caractérisé le talent des deux Chénier; et la plume élégamment ingénieuse de M. Dupaty a tracé, avec autant de goût que de finesse, la critique d'un des meilleurs romans de l'époque actuelle.

Sans doute, tout, dans ce volume, n'est point à la même hauteur. Tout recueil, et surtout un recueil qui commence, a nécessairement ses parties faibles. Mais nous avons remarqué avec plaisir que la rédaction s'améliorait de jour en jour. Les derniers cahiers sont supérieurs aux premiers; il y a plus d'égalité entre les divers articles, et l'ensemble a plus d'intérêt. Que les auteurs continuent leurs efforts, et bientôt leur journal deviendra la lecture obligée de tous les hommes qui ont conservé le goût de la bonne littérature.

La Minerve littéraire fût-elle une entreprise émule de la nôtre, nous n'en serions pas moins empressés à lui rendre justice; car jamais les étroits calculs de la jalousie ou de l'intérêt n'entreront dans notre pensée : uniquement occupés des progrès de la société, nous ne connaissons point les considérations personnelles : nous élevons un monument, nous ne faisons pas une spéculation. Mais nous voyons dans la Minerve nouvelle une sœur plutôt qu'une rivale. Nous ne courons point la même carrière. L'une est spécialement consacrée à la littérature nationale; l'autre offre le tableau comparé de toutes les littératures : l'une n'a que les lettres pour objet; l'autre réunit toutes. les branches des connaissances humaines; l'une cherche plutôt à plaire, l'autre se propose plutôt d'instruire; toutes deux acquièrent du prix l'une par l'autre, et peu vent se prêter de mutuels secours heureuse image de l'union qui doit régner entre les amis des sciences et des arts!

B.

III. BULLLETIN

BIBLIOGRAPHIQUE.

par

162.

LIVRES ÉTRANGERS (1).

AMÉRIQUE.

HAITI.

- L'Abeille Haïtienne, journal politique et littéraire, rédigé J. S. MILSCENT. Port-au-Prince (8e année), 1820. Petit in-4o, -Ce journal paraît deux fois par mois. L'abonnement est de 12 gourdes par an.

Voici l'indication de ce que renferme le cahier que nous annonçons. - Épitaphe en vers de M. de Montègre. (Voyez ci-après aux Nouvelles littéraires de ce cahier, page 595). —L'Union, chant guerrier, sur l'air: La victoire en chantant. Cet hymne est calqué, sur l'hymne français, pour les paroles aussi bien que pour la musique. -Le Philosophe physicien, comédie en prose, mêlée de couplets, et en un acte. Le reste du journal est consacré à la politique; nous y remarquons l'indication d'une loi sur l'instruction publique, promulguée le 4 juillet 1820 d'après cette loi, dit le journaliste, l'instruction publique, placée sous la surveillance de commissions, est libre dans l'état d'Haïti.

EUROPE.

ANGLETERRE.

163.- Narrative of the operations and recent discoveries.—Récit des opérations et des découvertes récemment faites dans les pyramides, les temples, les tombeaux et les excavations, en Égypte et en Nubie; d'un voyage à la côte de la mer Rouge, à la recherche de l'ancienne Bérénice, et d'un autre voyage à l'Oasis de Jupiter-Ammon; par G. BELZONI. Un vol. in-4° de 500 pages. Londres, 1820, avec un atlas, grand in-fol., de 4t planches.

(1) Nous indiquerons, par un astérisque (*) placé à côté du titre de chaque ouvrage, ceux des livres étrangers ou français qui paraîtront dignes d'une attention particulière, et dont nous rendrons quelquefois compte dans la section des Analyses.

Ce volume renferme les découvertes les plus nouvelles et les plus importantes, relatives aux plus antiques monumens de l'Égypte. L'auteur y montre une partialité aveugle contre les voyageurs français dont les travaux ont servi à le diriger, et en général contre les auteurs qui ont écrit sur l'Égypte. Il a pu aller plus loin que ses de- vanciers; mais ils lui avaient ouvert la route. La traduction française de cet important ouvrage va bientôt paraître.

164.-Walks through Ireland, etc. - Excursions faites dans l'intérieur de l'Irlande en 1812, 1814 et 1817; ou Série de lettres sur l'Irlande adressées à un gentilhomme anglais; par Jean-Bernard TROTTER, Secrétaire particulier de feu l'honorable C. J. Fox. Londres, 1820. Phillips et co., 1. vol. in-8° de 600 pages.

Cet auteur est déjà connu en Angleterre par ses Mémoires sur les dernières années de M. Fox, qui lui attirèrent des querelles avec les amis et les successeurs de son protecteur. L'imprudence avec laquelle il divulgua des choses secrètes, les suppositions hasardées qu'il se permit, nuisirent beaucoup à son ouvrage, et lui méritèrent des reproches graves. Il fit ensuite plusieurs entreprises littéraires qui n'eurent aucun succès. Il ne réussit pas mieux en politique, et mourut de chagrin, dans la 43o année de son âge, après avoir épuisé les ressources de ses amis et celles d'un esprit fertile en projets, mais faible et inconstant. M. Trotter a fait à pied les trois voyages. dont on offre aujourd'hui la relation au public. Le premier date de 1812; il comprend les comtés de Wicklow et de Wexford, et une partie du pays au sud de Dublin. Le second eut lieu en 1814; c'est le récit d'une course de Dublin jusqu'à l'embouchure de la Boyne, mais le troisième embrasse un espace de trois mois, et un pélerinage de 1000 milles, dans le sud et dans la partie occidentale de l'Irlande. L'auteur s'est particulièrement attaché à décrire la situa- ́ tion du peuple irlandais, ses moeurs et son caractère. «Nous nous `arrêtâmes (dit-il), pour demander le chemin, à une petite chaumière bâtie sur le bord d'un marais. Les murs étaient de boue, et soutenaient à peine un misérable toit couvert de paille. C'était la demeure d'un paysan, de sa femme et de quatre beaux enfans. Ils nous racontèrent leur histoire. Elle était courte, et simple comme les annales du pauvre. Ce paysan avait eu une très-bonne ferme, qu'il cultivait encore l'année dernière, mais les taxes et l'augmentation du fermage l'avaient ruiné; il avait tout veudu, et il exis

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tait maintenant sur le bord du marais, ne sachant comment procurer du pain à ses enfans, faute d'ouvrage. De combien de malheureux ce récit n'est-il pas l'histoire ! Ce paysan avait une physionomie franche et spirituelle. Nous lui dîmes que nous souhaitions de toute notre ame voir soulager la misère du peuple irlandais, et que nous ferions de notre mieux pour améliorer sa situation et celle de sa famille. Il nous écoutait, comme pour s'assurer de la vérité de nos promesses; sa figure s'anima, ses yeux se remplirent de larmes. Il jeta par terre les souliers et les bas qu'il tenait à la main; et, au lieu de nous montrer la route qu'il fallait prendre, il courut en avant pour nous servir de guide. Il nous conduisit par la route qu'il croyait la plus courte; il fallait passer un petit bras de mer; et, malgré nos refus, il voulut nous porter dans ses bras jusqu'à l'autre hord, quoique l'eau lui vînt aux genoux. Nous ne pûmes jamais le faire consentir à recevoir notre argent. Si une simple promesse suffit pour exciter tant de reconnaissance dans le cœur d'un pauvre paysan, combien ne seraitil pas facile au gouvernement de se concilier l'affection de ces bonnes gens? L'hospitalité, le dévouement à ses bienfaiteurs sont les traits distinctifs du caractère irlandais. La sensibilité de ce peuple est extraordinaire: elle a été pour lui la source de beaucoup de peines et de quelque joie. L'Angleterre l'a méconnu, elle n'a pas compris le parti qu'on pouvait tirer de ses bonnes qualités; elle l'a écrasé sous un joug pesant, et a fait naître en lui les vices qu'elle lui reproche. >>

A son retour, M. Trotter eut la consolation d'obtenir de M. Péel, alors secrétaire d'état pour l'Irlande, des secours du gouvernement pour les pauvres de plusieurs villes qui avaient horriblement souffert d'une fièvre contagieuse; il n'oublia pas le paysan de la chaumière. En présentant le tableau des maux qui affligent l'Irlande, M. Trotter a désigné quelques-uns des moyens qui pourraient les prévenir; il a visité plusieurs districts, et particulièrement celui de Connaught, où la culture a fait à peine quelques progrès, et où se trouvent des terres fort étendues qu'on laisse couvertes de ronces et d'épines, tandis qu'une industrie bien dirigée les convertirait facilement en plaines riantes et fertiles. Ce fait l'a surtout frappé, en parcourant les rives occidentales de l'Irlande: d'un côté, s'étendent des vallées incultes et solitaires; de l'autre, la côte disparaît sous une énorme quan

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