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on ne peut se dissimuler qu'en général cette lecture n'était guère propre à justifier la sévérité de goût dont l'Académie venait de faire preuve en rejetant, sans aucune exception, cette foule d'ouvrages qui s'étaient présentés cette année au

concours.

Lemagnétisme vient de perdre, en la personne de M. Deslon, son second prophète; ce médecin, d'une bonne constitution, âgé seulement de quarante-cinq ans, supportait à lui seul, depuis l'hégire de Mesmer, toute la fatigue de l'apostolat. La chaleur magnétique, dont il était continuellement imprégné, a allumé son sang, et il s'est trouvé attaqué à la fois d'une fluxion de poitrine, d'une fièvre maligne, de coliques néphrétiques. Dans cette complication de maux, qui n'aurait peut-être pas cédé aux remèdes ordinaires de la faculté, il les a continuellement refusés, et quatre de ses élèves magnétisans ont exercé sur lui, sans relâche, le pouvoir de ce grand art jusqu'à ce que mort s'en soit ensuivie. Loin d'exciter quelques doutes sur les effets infaillibles de la puissance magnétique, cette mort illustre n'a servi qu'à les confirmer. Un mois ou six semaines avant l'évènement, il avait consulté sur son état une personne mise en état de somnambulisme; elle avait prédit que le grand homme, qui alors se portait fort bien, ne tarderait pas à être attaqué d'une maladie trèsgrave, et qu'il serait bien difficile de le sauver.

Le docteur Deslon lui-même fit part de cette prédiction à monseigneur le comte d'Artois, dont il avait l'honneur d'être le médecin ordinaire, et qui lui demandait en riant des nouvelles de ses succès magnétiques. A la manière dont le pauvre docteur avait été frappé de cette triste prophétie, il ne serait pas bien étonnant que le trouble de şon imagination n'en eût hâté l'accomplissement, et qu'il n'ait péri ainsi victime de sa propre folie.

OCTOBRE 1786.

ON a donné, le jeudi 24 août, sur le théâtre Français, la première représentation des Amours de Bayard, drame héroïque en prose et en trois actes, mêlé d'intermèdes, de M. Monvel, l'auteur de Clémentine et Désormes, de l'Amant Bourru, de Blaise et Babet, etc. etc. C'est un petit roman de M. Mayer, inséré, en 1780, dans la Bibliothèque des Romans, qui a fourni le fond de ce nouveau drame.

La première représentation de ce drame a été fort orageuse, et son succès n'a pas répondu à ce que semblaient promettre, et les noms célèbres des personnages qu'il offrait sur la scène, et le talent connu de l'auteur. La difficulté d'exposer ce qui constitue l'intérêt et l'action du roman dont ce drame est tiré a forcé M. Monvel à introduire presque coup sur coup tous les amans de madame de Randan, et ne lui a pas permis de motiver convenablement l'amour qu'elle leur a inspiré. On a trouvé assez étrange que cette veuve, renfermée depuis deux ans dans son château, et ne voulant voir personne, reçût le même jour, et presque à la même heure, ce nombre d'amans et de tendres déclarations. Son amour pour Bayard, et surtout la manière dont

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elle l'exprime à la fin du second acte, n'a pas paru assez préparé. On a été surpris de voir cette veuve qui, au premier acte, ne répond à l'aveu de l'amour de Bayard qu'en lui montrant l'inscription qui est sous le buste de son mari, signer sans balancer un seul instant la promesse de mariage qu'il lui fait au second, et employer à l'instant avec lui et comme lui ces expressions d'une familiarité intime qui n'appartiennent qu'à des époux ou à des amans heureux. C'est même à la certitude de leur amour mutuel que l'on doit imputer peut-être le faible intérêt qu'inspire le troisième acte. Peut-être était-il difficile, après nous avoir fait trembler pour les jours de Bayard, si tendrement aimé, de nous attacher encore par la seule idée de l'enlèvement projeté et exécuté par Sotomajor; il est sûr au moins que ce sont les moyens qui le préparent, et surtout le rôle odieux du valet de chambre de la comtesse, qui avaient le plus indisposé contre ce troisième acte. On a condamné aussi comme inutile la scène qu'a Bayard avec la comtesse dans ce dernier acte; on n'a pas jugé moins sévèrement la conversation galante que le roi a avec elle à l'instant du dénouement. La plupart de ces défauts ont été corrigés à la seconde représentation de cet ouvrage, et son succès a été complet. De nombreux retranchemens, en donnant plus de vivacité à la marche de l'action, ont fait disparaître en même tems plusieurs expressions qui avaient paru trop communes ou trop hasar

dées. Les détails qu'offre cette pièce sur les mœurs de notre ancienne chevalerie, qu'elle met pour ainsi dire en action, plusieurs traits heureux dans le dialogue, l'intérêt de la belle scène du second acte et la pompe d'un spectacle imposant, ont fait pardonner à M. Monvel ce qu'il peut y avoir d'invraisemblable dans la manière dont il a rassemblé dans ce drame, et les principaux évènemens de la vie du chevalier Bayard, et tous les personnages célèbres qui eurent quelque rapport avec lui. On n'a rien épargné d'ailleurs pour la mise de cet ouvrage; les costumes du tems y sont parfaitement observés, et avec autant de magnificence que d'exactitude. Il en a coûté, dit-on, plus de 10,000 écus à la comédie, et ce compte ne paraît pas exagéré. Le rôle qui a fait généralement le plus de plaisir, et qui a peut-être été aussi le mieux rendu, est celui de La Palice, joué par Fleuri. Malgré tous ses offorts pour paraître sans peur et sans reproche, Molé, dans le rôle de Bayard, n'a jamais été qu'un chevalier du 18e siècle. La belle tête de mademoiselle Contat a paru ravissante sous la coiffure simple et noble de madame de Randan.

DISCOURS de M. Beausset, évêque d'Alais, à madame Elisabeth, en lui présentant le cahier des Etats de Languedoc,

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« Si la vertu descendait du ciel sur la terre, si elle se montrait jalouse d'assurer son empire

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