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DÉPARTEMENT DES PYRÉNÉES-ORIENT"".

LETTRES DE M. HENRY,

BIBLIOTHÉCAIRE de la ville de PERPIGNAN ET CORRESPONDANT DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE,

I. PREMIÈRE LETTRE.

27 février 1835.

Dans le rapport que j'eus l'honneur d'adresser à M. le préfet, en réponse à la circulaire du mois de novembre 1833, je signalais l'état où se trouvent les débris des archives des différents établissements d'une partie du Roussillon, anciennement transportés à Perpignan, et déposés depuis à la Bibliothèque dont la conservation m'est confiée, aussi bien que les restes des archives, qui y ont été déposés aussi, de l'ancienne cour du domaine. Ces dernières archives, composées de registres nombreux et de liasses de feuilles détachées, chartes, comptes, amortisations, etc., sont cataloguées en très-grande partie, et il sera facile de reconnaître quelles sont les pièces qui pourraient entrer dans le cadre des publications historiques : c'est le premier travail dont je m'occuperai.

Quant aux ruines des archives ecclésiastiques, il n'existe à leur égard ni catalogue ni répertoire, et c'est un travail qui se fera à mesure du dépouillement des pièces.

J'ai pensé qu'une des premières opérations à faire, c'était de s'assurer de ce qu'il peut exister encore des débris des différentes archives, dans les communes du département, soit aux hôtels-de-ville, soit aux marguilleries des paroisses, soit chez des particuliers; je viens de prier

M. le préfet, qui a bien voulu m'offrir son obligeante intervention, de demander aux maires des communes une indication de tout ce qui pourrait être à leur connaissance en ce genre. En attendant de pouvoir vous informer du résultat, je puis répondre à ce qui concerne ceux de ces dépôts qui se trouvaient dans la ville de Perpignan.

Les archives du Greffe du conseil souverain existent presque en totalité; quelques pièces seulement en ont été enlevées, soit pour être livrées aux flammes au commencement de la révolution, soit pour être gardées par des particuliers qui avaient intérêt à les soustraire, ou que des motifs de curiosité portaient à s'en emparer.

En répondant à la circulaire de novembre 1833, j'ai parlé de l'état des archives de l'Hôtel de ville de Perpignan, réduites à quelques registres seulement, pour les temps antérieurs à la domination française : ces registres sont importants. Parmi les pièces qui ont été détruites dans ces archives, la perte la plus sensible, à ma connaissance, c'est celle du procès fait, au nom de la cour de Rome, au dernier roi de Majorque, après sa spoliation par Pèdre IV, roi d'Aragon. Un double de ce procès pourrait se retrouver peut-être dans les archives de Barcelone. L'histoire du royaume continental de Majorque se lie essentiellement à l'histoire de France, par la possession du Roussillon et de Montpellier, qui en faisaient partie, et par le rôle très-actif que joua Philippe de Valois dans la spoliation de Jayme II.

Les archives de l'Université de Perpignan se trouvent réduites à un seul registre, celui des statuts, vraie macédoine, où des notes sont éparses, sans ordre et sans chronologie, sur les différentes feuilles dont se compose le volume. Les seules de ces notes, en très-petit nombre, qui présentent quelque intérêt, je les ai mentionnées dans mon Histoire de Roussillon, maintenant sous les presses de l'imprimerie royale.

Quant aux archives des Églises, elles sont à peu près anéanties; les restes de celles de l'église de Saint-Jean, qui sont les plus nombreuses, forment trente et un registres et dix liasses de papiers divers.

Les autres archives de maisons religieuses de Perpignan ne consistent guère qu'en quelques registres de censaux et quelques liasses de papiers.

Les archives dites du Temple ou de l'ordre de Saint-Jean de Jérusa

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lem, ont laissé, 1o un très-gros registre en parchemin rempli des actes divers concernant l'ordre, et qui sera très-intéressant à cataloguer; 2o un registre des priviléges accordés à l'ordre par le roi Alphonse; 3o un paquet de pièces diverses et procès.

Des dépôts où doivent exister nécessairement bien des pièces trèsimportantes, principalement touchant les règnes de Louis XI, de Louis XIII et Louis XIV, ce sont les archives de la ville de Barcelone. C'est dans cette ville que se sont traitées, en grande partie, les affaires relatives à l'engagement du Roussillon et de la Cerdagne, sous Louis XI, et qu'ont été emportées toutes les pièces des cours de l'audience royale, de la députation, et des autres cours qui étaient venues s'établir en Roussillon pendant que Louis XIII se trouvait dans cette province; c'est là, enfin, que se sont consommées toutes les opérations des autorités provinciales pendant la révolution qui avait jeté la Catalogne dans les bras de la France, qui finit par en conserver le Roussillon. J'aurais bien désiré pouvoir aller exploiter cette mine.

à

Les découvertes à faire dans les archives royales citées par Carbonel propos des démêlés de Pèdre IH avec Charles d'Anjou, frère de Philippe le Hardi, et par les autres historiens catalans au sujet des discussions entre l'Aragon et la France, indemniseraient, bien probablement, de toutes les peines.

Si l'arrondissement de Prades fournit, comme je le pensé, surtout pour la Cerdagne, pays tranquille où l'on a assez conservé les anciens titres, des documents à explorer, on me fait espérer la coopération d'un notaire très au fait des vieilles écritures.

J'aurai l'honneur de vous adresser, Monsieur le Ministre, le rapport des explorations faites par mes collaborateurs et par moi, à mesure qu'un certain nombre de pièces auront été examinées, avec l'analyse de chacune d'elles, en ayant soin d'indiquer les particularités historiques qui pourraient présenter quelque intérêt, tant sous le rapport des faits, que sous celui de la géographie du moyen âge, applicable à cette localité tant de fois bouleversée par les guerres de France et d'Aragon, et où une infinité de communes ont disparu complétement du sol, sans laisser de traces de leur existence topographique.

II. DEUXIÈME LETTRE.

3 juin 1835.

Monsieur le Ministre, j'ai l'honneur de vous adresser un premier rapport sur les résultats des recherches faites jusqu'à ce jour dans les débris des archives provinciales et ecclésiastiques déposés à la bibliothèque communale. Après plusieurs mois de travail, j'ai la douleur de dire que les résultats sont à peu près négatifs dans l'objet de votre circulaire du mois de décembre 1834.

Un long et pénible dépouillement de plusieurs liasses de vieux parchemins, provenant de l'ancienne cour dite du domaine royal d'Aragon, ne m'a rien fourni pour l'histoire de France. Un gros paquet, qui se rapporte au règne de Louis XI, et que j'ai exploré avec la plus scrupuleuse attention, dans l'espérance d'y faire quelques découvertes, n'a lui-même rien produit : ce sont des quittances du salaire des offices exercés en Roussillon pendant la durée de l'engagement, des notes de travaux exécutés aux fortifications, et surtout au petit château ou Castillet, pour le convertir en prison d'État; des lettres royaux confirmant diverses personnes dans leurs charges; mais rien qui se rattache aux événements politiques ou militaires de cette époque. J'ai lieu'de croire que ces liasses ont subi bien des mutilations à une époque quelconque. Les autres liasses contiennent :

Soixante-sept chartes, édits ou pragmatiques de différents rois d'Aragon ou de Majorque.

Quarante-quatre bulles, brefs, indults ou autres pièces émanées du saint-siége, toutes d'intérêt local et sans importance.

Deux cent soixante-seize pièces émanées de personnes sacerdotales de toute dignité.

Deux cent quarante et une émanées de seigneurs ou de particuliers, d'intérêt privé.

Enfin, six cent quarante-cinq relatives à des aliénations de propriétés

par vente, échange, inféodation, engagement, donations à des églises ou à des particuliers. Je dois ajouter que peu de ces pièces pourraient fournir des documents utiles pour de prolixes histoires de localité.

Depuis longtemps je savais qu'on avait soustrait à la destruction quelques-uns des registres des anciennes archives du chapitre de SaintJean de Perpignan; mais un esprit de localité bien rétréci m'avait toujours laissé ignorer le lieu où se trouvaient déposés ces registres. Parvenu, enfin, à les découvrir, il y a quelques mois, j'ai pu les compulser. Ces registres, réduits au nombre de sept, sont des livres de mémoires, commençant à l'an 1459 et finissant à 1740, mais non sans lacunes. Je les ai examinés avec soin, et je n'ai pas été dédommagé de l'ennui de cet examen. Ce qui m'a surtout frappé d'étonnement, c'est que l'archiviste, si soigneux d'enregistrer des faits de la plus grande insignifiance, n'ait jamais pris la plume pour y consigner aucune des circonstances relatives à l'occupation de Perpignan par les Français, sous Louis XI, et à une époque qui fut si féconde en événements et quelques-uns si graves! La pagination non interrompue est la preuve que c'était un parti pris de la part du clergé, tout dévoué au roi d'Aragon, de s'imposer le silence le plus sévère sur tout ce qui concernait son adversaire. Le seul acte qui ait été transcrit sur le premier registre, pour l'époque dont j'ai l'honneur de vous parler, est la confirmation de ce que j'avance: c'est une lettre du comte de Pallas, capitaine général de la Catalogne, écrite le 3 septembre 1462, aux prêtres de Saint-Jean et à tout le clergé de la ville, pour les engager à soutenir de tous leurs efforts la révolte des Perpignanais contre Louis XI, et dans laquelle se lisent ces mots : « Si <<< vous connaissez quelques personnes suspectes, odieuses ou rebelles «< (au roi d'Aragon), lancez-les du haut des murailles en bas.» A la suite de cette lettre est la réponse des prêtres, qui promettent de s'exposer à tout péril pour la défense de la patrie.

Un autre registre m'a fourni une pièce très-importante; c'est une relation de ce qui se passait dans l'intérieur de la place de Perpignan pendant la durée du siége entrepris par le dauphin, fils de François I. Ce journal est, à ma connaissance, le seul document que nous ayons sur les faits et gestes des assiégés, qui forcèrent François Ier à rappeler son fils. Cette pièce tient cinq pages de ces registres in-folio.

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