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mille pelegrinorum', petunt pro naulo sive loquerio illius octingitas

à

questionibus que contingerent emergi, tam supra plateis navium, quam supra << aliis inter dominos navium.....» (Ci-dess., p. 606). Bien que ce fût l'usage à Marseille de louer des places sur les navires (naulisare ad plateas), comme il pouvait convenir aux envoyés de Louis IX de louer les nefs dans leur entier, pour que les gens du roi en disposassent à leur guise, on stipulait le prix de 800 marcs, 56 sous tournois le marc, pour le loyer de chaque nef capable de porter mille passagers, si on voulait l'avoir en entier (si voluerit habere ad.....). Dans le projet de convention de 1246, on voit (ci-dess., p. 608) que la commune laissait le choix de payer par place ou pour la nef dans son entier : «< Vel pro naulo tocius navis dare pecuniam sub hac forma..... >> Nous avons expliqué déjà le double système du nolis marseillais, p. 608; si nous y avons consacré de nouveau l'explication qu'on vient de lire, c'est que nous avions à cœur de ne laisser aucune obscurité sur une question où nous avons le malheur d'être en désaccord avec un savant dont le travail n'est pas moins estimé que celui de du Cange. On voit maintenant que le mot lu par dom Carpentier : escharfach, et par le copiste du XVIIIe siècle : escharfulchum, quelqu'il fût dans le projet original du Contractus, devait signifier: en entier, opposé qu'il est à platea, Serait-il impossible d'arriver à une restitution du mot qu'out défiguré et la copie du Contractus connue par dom Carpentier, et celle que nous annotons? Nous avons cherché longtemps, et, à la fin, nous nous sommes cru autorisé à proposer une restitution qui nous parait tout à fait vraisemblable. Au lieu d'escharfach nous nous sommes plus attaché à la leçon donnée par Carpentier qu'à celle d'un copiste inconnu croyons qu'on doit lire esthatfach, mot

--

nous

composé d'estat (status) et de fach, participe du verbe provençal far (Voir Dictionnaire de la Provence, Marseille, 1785, t. II). L'estatfach signifierait, selon nous, état fait, état dressé, état de lieu, inventaire. Les nefs auraient été inventoriées, de la cale au sommet des mâts, et nolisées sur inventaire « ad estatfach, » en entier, telles qu'elles étaient, ou dans l'état le plus convenable, sauf au locataire à les rendre dans le même état. Ce qui nous porte à croire que ce sens est le véritable, c'est que, dans les marchés génois, nous voyons la plupart des contrats contenir des inventaires; les pièces n° III et XXIV (Voir ci-dess., p. 528 et 601) surtout sont remarquables sous ce rapport. Au reste, en transformant escharfach en estatfach, nous ne lui faisons réellement aucune violence; il est facile de se rendre compte de la transformation du ten c, et du second ten r dans une copie faite d'après un original du XIIIe siècle, par un scribe du XIV qui, affaire à un terme de pratique qu'il ayant ne connaissait pas plus que l'idiome méridional auquel appartenaient les deux mots contractés : estat, fach, dessina plutôt qu'il n'écrivit le mot dont le sens lui échappait. Quant à l'h parasite, faut-il y voir une négligence du scribe ou un second t mal conformé? Peu importe, cette faute d'orthographe n'altère pas essentiellement le mot auquel nous venons de rendre une forme qui a l'avantage de présenter, on en conviendra, un sens au moins très probable.

'Les statuta Massilia, chap. 34, liv. 1er, parlent du navire de mille peregrinorum ; ils mentionnent aussi celui qui portait plus de mille passagers, et c'est l'espèce de nef dont le texte que nous annotons dit : «< Si major esset, etc. » Voir, pour ces grandes nefs, p. 147 et 427, t. II, de notre Archéologie navale.

marchas, Lv. s. Ts. pro marcha 1; et mensura illius navis talis est quod sit quatuordecim palmorum in stavrum2 et octo palmorum et dimidii in

'La Sainte-Marie, la plus grosse des nefs proposées par les Vénitiens dans leur Contractus, devait être nolisée au prix de 1,400 marcs d'argent (Voir Archéologie navale, t. II, p. 355); il est vrai qu'elle était beaucoup plus grande que la nef marseillaise à inille pèlerins, car elle avait 108 pieds de longueur totale (35m 08), tandis que celle-ci avait seulement de 85P 6Po. à 87P. 9po. (27,77 à 28TM, 50), (a triginta octo gois usque ad triginta novem goas de roda in roda). A ce sujet, nous ferons une remarque: c'est que, des quinze navires offerts par les Vénitiens, douze étaient à peu près de la grandeur de ceux dont le nolis est proposé par Marseille, c'est-à-dire capables de donner passage à mille pèlerins. Quant au prix de ces douze nefs, il était porté par les Génois à 700 marcs, lorsque les Marseillais demandaient 800 marcs pour chacune d'elles. Pour se bien rendre compte de cette différence, il faudrait savoir le rapport du marc à 65 sous tournois, spécifié dans le contrat marseillais, avec le marc d'argent dont le document vénitien parle en ces termes : « Marcis argenti, ejus bo<«<nitatis, cujus est Venetiæ grossus ad «pondus de Parisiis. » Nous avouons l'ignorer complétement, et nous n'avons pu nous éclairer sur cette question. Nous devons croire, cependant, qu'une différence assez notable existait entre les deux marcs, puisqu'on rejeta, dit-on, les propositions de Venise comme trop onéreu-ses. Trois des nefs vénitiennes, la SainteMarie, la Roche-Forte ou Château-Fort (Rocca-Fortis), et le Saint-Nicolas, étaient plus grandes que les douze dont nous venons de parler, c'est-à-dire étaient capables de porter plus de mille passagers. Les vaisseaux de cette importance n'étaient pas rares à la fin du XIIIe siè

cle, et ce fait montre dans quelle étrange erreur sont tombés tous les historiens qui, parlant des armements maritimes du moyen âge, ont donné avec mépris le nom de barques aux navires de ce tempslà (Voir Archéologie navale., Mémoire n° 7, t. II). Le marché projeté de Marseille (1246) stipule que toute nef de la grandeur de la Comtesse de l'Hôpital sera payée 1,300 marcs sterlings bons et légaux, chaque marc étant compté à 53 sous et 4 deniers tournois.

2 Stavrum est un mot défiguré comme escharfulchum, mais qu'il est plus facile de ramener à sa forme véritable. Les mots : « Quod sit quatuordecim palmorum >> auraient suffi à nous mettre sur la voie, quand nous n'aurions pas été familier avec l'espèce de formule descriptive dont cette phrase est le commencement. Cette formule, nous l'avons lue dans presque tous les contrats de nolis que nous connaissons, et dans les prescriptions relatives aux constructions navales des XIVe et XVe siècles que contiennent les statuts de Gazarie (Impositio officii Gasariæ, manuscrit des Arch. de la marine, imprimé en partie par M. Pardessus, dans le tome IV de sa Collection des lois maritimes. Voir notre Archéologie navale, t. I, p. 251 et suivantes). Sentená ou sentina est le mot qu'il fautsubstituer à stavrum qu'un copiste inin. telligent laissa tomber de sa plume, sans prendre aucun souci du sens. C'est la hauteur de la nef, de la cale ou sentine à la première couverte, qui est donnée ici; cette hauteur, ou creux, devait être de 14 palmes ou 10 p. 6 po. (3,41). Les informationes Massiliae pro passagio transmarino, citées par du Cange au mot goa, disaient : << Primo ad navem habentem quindecim palmos in sentena expedit habere, etc. »> On voit quel rapport il y a entre les nefs

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cooperta' equorum', et 2 in cooperta inferiori a triginta palmis usque ad triginta unum palmos, et habebit a triginta octo gois triginta novem goas de roda in roda 4; et si minor esset diminuetur

de notre Contractus et celles dont les Informationes détaillaient l'armement, et l'on peut se convaincre, par le rapprochement des deux textes, que nous ne nous hasardons pas en dégageant le mot sentena du voile grossier sous lequel le cache ce stavrum iniutelligible. Nous avons d'ailleurs un moyen de contrôle dans le texte des marchés génois. On lit, pièce n° 1 (cidess., p. 520): «Altitudinis in sentina palmorum et septem cum dimidio. »

Il s'agit ici de la hauteur de l'écurie ou entre-pont affecté aux chevaux pendant le passage. Le document donne à cette hauteur 8 pal. 1/2, c'est-à-dire 6 p. 4 po. 6 lignes (2,05); c'est, à peu de chose près, la hauteur qu'on attribue aujourd'hui aux écuries établies à bord. P. 420, t. II, de l'Archéologie navale, nous avons dit que les écuries, dans les bâtiments du convoi organisé pour le passage de l'armée française à Alger, en 1830, avaient 2,20 de hauteur.

2 Un mot ou plusieurs manquent ici; nous croyons, et le sens de la phrase nous détermine, qu'il devait y avoir : « sit ampla, » ou seulement : « ampla. » Il s'agit de la largeur qu'avait la couverte inférieure, celle sur laquelle devait être établie la litière des chevaux, si des chevaux étaient embarqués en effet; couverte qui recouvrait la cale, et était éloignée du fond ou de la carlingue du navire de 14 palmes (3m,,41). Un plan d'écurie, large de 22 p. 6 po. (7,30), ou 23 p. 3 po. (m,55) dans une nef longue de 87 pieds. 9 po. (28,50) on seulement de 85 p. 6 po. (27,77), pouvait suffire au logement de 60 chevaux; en effet, la longueur de cette écurie devait avoir de 69 à 70 pieds (22,57), et à 27 pouces (om,73) par lar

usque ad

geur de cheval, chaque côté de la nef devait contenir 30 chevaux à leur aise. (Voir la restitution en plan que nous avons faite, p. 422, t. II, Archéologie navale, de l'écurie de ces nefs louées par la commune de Gènes à saint Louis, dont la pièce no 1, ci-dess., p. 516, fait connaître. les proportions et l'armement.)

3 La nef, << aura de rode à rode (Voir ci-dess., p. 519), ou dans sa plus grande longueur, «de 78 à 79 goues. » Or, la goue de Marseille, au XIIIe siècle, et il en était encore de même au XVIo, avait trois palmes ou 27 pouces (om,73), comme nous l'apprenons par le passage des Informationes Massilia que nous avons cité en partie, note I, p. 612, ci-dessus : « Et est ad sciendum quod quelibet goa continet tres « palmos. La longueur totale de la nef à mille passagers était donc de 85 p. 6 po. (27,77) ou 87 p. 9 po. (28,50).

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♦ Le document marseillais ne donne que quatre des mesures de la nef « de mille peregrinorum; » il ne mentionne ni la longueur de la quille, ni la distance entre la première et la deuxième couverte, ni la hauteur du corridor, ni celle de la pavesade, ni la hauteur totale du navire que le contractus vénitien appelle : « Altitudo in pedibus columbæ; » c'est là une étrange lacune qui ne saurait être du fait des nolisateurs, mais qui doit être une négligence du scribe ancien à qui deux ou trois lignes de l'original qu'on lui avait donné à copier échappèrent complétement. Le soin avec lequel les rédacteurs des marchés de Gênes et du Contractus vénitien détaillèrent les dimensions des navires qu'ils offraient aux envoyés du Roi nous autorise à rejeter sur le copiste un oubli qui, sans ôter de son prix

naulum pro modo diminutionis, et si major esset augmentetur naulum pro modo augmentationis. Item si voluerint nauligare' naves ad plateas, secundum quod consuetum est fieri in Massilia, tunc petunt pro naulo platee equi et ejus scutiferi sive custodis, cum aqua, quatuor et dimidium, scilicet Lv. s. Tur. pro marcha 2. Item pro singulis plateis castelli et pontis et paradisi LX. s. Tur., cum aqua 3. Item pro singulis cooperte medie xxxv. s. T., cum aqua 4. Item pro singulis plateis cooperte inferioris, si non portentur ibi equi, xxv. s. T., cum aqua 5.

Item dicunt quod ubicumque dictæ naves portum facerent et distarivarent, quod sint quitte et absolute 7.

à notre document, le rend incomplet. Il
nous serait facile de suppléer au silence
de notre copie fautive, en prenant pour
bases de notre restitution les mesures
connues, en les comparant aux mesures
correspondantes des nefs du contractus de
Venise, et de la pièce no I des marchés de
Gênes; mais il suffit que nous indiquions
la manière de procéder; il ne restera que
quelques règles de proportions à faire.
'Pour : naulisare.

Dans le projet de contrat rédigé à Marseille pour le premier voyage de saint Louis en Palestine, le prix de la place pour un cheval et un écuyer était fixé à 5 marcs sterlings d'argent, à 53 sous et 4 deniers tournois le marc. En 1268, les Vénitiens demandèrent quatre marcs et demi, ainsi que nous l'avons dit ci-dess., p. 526.

En 1246, Marseille avait stipulé pour chaque place dans le château d'arrière, le château d'avant et le paradis, le prix de 4 livres tournois (ci-dess., p. 607). Le nolis était moins cher en 1268, peut-être parce que les armements étaient moins nombreux, ou que le sous tournois valait plus, ce qui n'est pas probable.

'Chaque place, sur la couverte du milieu, était portée, par le marché projeté de 1246, au prix de 60 sous tournois, qui est le prix d'une place dans l'un des châteaux ou dans le paradis en 1268. La location de ces places, sur le second pont, était donc descendue de 50 pour 100 environ, car l'argent n'avait certainement pas gagné cette plus-value, si tant est qu'en effet il en eût gagné une.

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La place sur cette couverte inférieure était de 40 sous tournois, en 1246 (cidess., p. 607), quand elle n'est plus que de 25 sous, en 1268.

"C'est discaricarent qu'il faut lire. Cette stipulation rappelle celle du projet de contrat de 1246: « Vel alium ubi portum fecerint, voluntate sua, predicte naves discaricare libere sint et prorsus absolute. » (Voir ci-dess., p. 609 ).

7 La formule ordinaire des conventions entre nolisateurs et passagers manque à cette copie. Elle ne devait pas différer beaucoup de celles qu'on a lues dans les marchés génois et dans le contrat marseillais de 1246; nous devons peu les regretter.

(*) OBSERVATION DE L'ÉDITEUR.

Les copies d'après lesquelles nous avons publié les contrats qu'on vient de lire sont à peu près sans ponctuation. A peine, çà et là, y trouve-t-on quelques points et quelques virgules. Nous avions eu la pensée de reproduire ces documents tels qu'ils sont aux Archives du royaume : les habitudes de la typographie ont pré

valu sur notre volonté. Les contrats de Marseille et de Gênes se sont un peu éclaircis par la précaution du prote, mais quelques fautes sont sorties de cette précaution même. Nous n'en signalerons que deux qui nous paraissent affecter le sens ; les autres n'ont aucune importance réelle. Page 564, lig. 26, on lit : « Guillelmum de Mora, servientes nostros, latores etc. » Le manuscrit dit : « Guill. de Mora servientes nostros latores presencium. » Servientes est une faute; il fallait servientem; le sic, que nous avions mis après servientes, ayant disparu et la virgule ayant été mal placée, la qualité de serviens s'applique mal à propos, en même temps qu'à Guillaume, à Henri et à Jean, qui étaient, l'un: clericus, l'autre : miles. Même page, lig. 15, on lit : « Nicholaus quondam Manuel.» Il devrait y avoir ce que nous avions eu soin de maintenir d'après le manuscrit : « Nicholaus Quondam, Manuel etc. » Quondam est nom propre. Manuel d'Oria ne s'était point appelé autrefois Nicolas d'Oria.

A. J.

No XXIII.

DOCUMENTS INÉDITS RELATIFS A JEAN, SIRE DE JOINVILLE, HISTORIEN DE SAINT-LOUIS;

RECUEILLIS ET PUBLIÉS PAR M. CHAMPOLLION-FIGEAC.

AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.

La variété infinie, et d'époque et de sujet, des nombreux documents historiques assemblés dans les collections manuscrites de la Bibliothèque royale, m'a toujours semblé promettre à toutes les recherches d'heureuses découvertes ; j'en ai du moins embrassé la pensée, et depuis longtemps j'en ai tiré la profonde conviction de l'utilité immédiate et générale qu'on trouverait dans le dépouillement de ces immenses recueils de pièces historiques. J'ai eu plusieurs fois occasion de déclarer publiquement cette conviction, et j'en pourrai prouver peut-être la justesse par la publication successive de quelques documents importants qui ajoutent réellement des faits nouveaux à ceux que l'histoire a déjà recueillis, remplissent des lacunes souvent remarquées, ou rectifient et complètent des notions qui, pour être universellement adoptées, n'en sont pas moins ou erronées ou insuffisantes.

On est bien loin d'être pleinement instruit sur la personne, la famille, les services et les ouvrages du Sire de JOINVILLE, qui fut le fidèle serviteur et le fidèle historien de

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