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PARIS

TYPOGRAPHIE GEORGES CHAMEROT

19, RUE DES SAINTS-PÈRES, 19

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35,36 et 37, Passage des Panoramas et Galerie de la Bourse, 1et 10

1878-1879

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LES BIBLIOPHILES

ET LES LIVRES

Depuis que M. A. Fontaine a pris l'habitude d'offrir, chaque année, aux bibliophiles un ample et plantureux Catalogue des beaux livres qu'il a rassemblés, à leur intention, dans sa librairie si connue et si appréciée des amateurs, ç'a été pour moi un véritable plaisir et une sorte d'honneur, dont je m'efforce d'être digne, que d'avoir toujours reçu communication des bonnes feuilles de ces Catalogues, qu'on attend avec une fiévreuse impatience pendant des mois entiers et qu'on se dispute à l'envi dès qu'ils paraissent pour la plus grande joie des bibliophiles. Le plaisir extrême que j'éprouve à lire ces Catalogues, à les juger, à les annoter avant tout le monde, est, pour ainsi dire, platonique et désintéressé, car, si j'aime à la folie les beaux livres, si je les admire, si je les respecte plus que personne, je ne les achète pas, je ne les possède jamais, à moins que ce ne soit les posséder en idée que savoir ce qu'ils valent bibliographiquement, et partager ainsi jusqu'à un certain point les jouissances des bibliophiles qui possèdent en réalité. J'ai pu, en parcourant le nouveau Catalogue que M. A. Fontaine va mettre au jour, me figurer que tous les trésors qu'il contient, toutes les merveilles qu'il décrit, étaient bien à moi durant vingt-quatre heures, puisque j'avais le bonheur d'être le premier et le seul bibliophile qui eût le privilège de les voir, dans leur ensemble incomparable, par les yeux de l'esprit et de la mémoire. N'est-ce pas surtout des livres précieux qu'on peut dire, avec les Bohémiens de Béranger: VOIR, C'EST AVOIR ?

J'ai donc vu et bien vu tout ce qu'il y a dans le dernier Catalogue de M. A. Fontaine, et. sans m'arrêter avec stupeur devant des prix formidables qui auraient fait reculer les plus ardents, les plus généreux bibliophiles du siècle passé, je me sens suffisamment

préparé à parler des beaux livres que je viens de passer en revue, en parcourant les 1,629 articles qui composent ce Catalogue extraordinaire et qui ne représentent pas moins de 800,000 fr. O ma chère et glorieuse Bibliothèque de l'Arsenal, à combien de millions devrait-on estimer, non pas les 350,000 volumes que tu renfermes, mais seulement les 80,000 volumes que j'avais choisis moi-même, propria manu, pour les cacher dans les souterrains du vieux palais des grands-maîtres de l'Artillerie de France; pour les sauver, à la veille du siège de Paris, en les mettant autant que possible à l'abri des obus et des boulets de l'armée prussienne! Et vous aussi, mon cher Monsieur A. Fontaine, à la même époque sinistre, vous aviez enfoui dans votre cave la meilleure partie des livres de votre librairie : il y en avait là pour un petit million, et, depuis neuf années, ces livres que les bombes ont épargnés, Dieu merci! et qui n'ont pas même eu à souffrir de l'humidité de leur cachette, vaudraient six fois, dix fois peut-être, ce qu'ils valaient alors. Il nous faut reconnaître, en conscience, que la République a fait hausser considérablement le prix des livres, en augmentant sans cesse le nombre des bibliophiles. O fortunati nimium sua si bona norint!

Je ne résiste pas à la démangeaison de m'occuper un peu des bibliophiles, avant de parler des beaux livres de M. A. Fontaine. C'est un sujet que j'ai à cœur et que je n'aborde jamais sans une profonde émotion de sympathie. J'aime bien les livres, on le sait, mais j'aime paternellement (c'est un vieillard qui s'adresse aux jeunes) les bibliophiles, parce qu'ils aiment aussi les livres et qu'ils les font aimer. Nous sommes tous, à différents degrés et sous diverses influences, les sincères et fidèles adorateurs de cette grande Divinité, qui se revêt d'une forme matérielle multiple et qui se montre à nous, avec tant d'aspects charmants, pour nous séduire, pour nous enchanter, pour nous ravir; cette Divinité, c'est le LIVRE, qui a été si dignement célébré par Jules Janin. Heureux celui qui croit en elle, qui lui rend un culte idolâtre, au risque même de devenir un peu égoïste et matérialiste avec elle !

Les bibliophiles de notre temps sont ce que notre temps les a faits, plus difficiles, plus exclusifs, plus fougueux, plus passionnés que leurs prédécesseurs. Ils sont aussi, ce me semble, meilleurs juges et plus fins connaisseurs, avec moins de fracas et moins d'ostentation. Je n'ai pas connu Naigeon, ni Marie-Joseph Chénier, ni Firmin-Didot père, ni de Cotte, ni Renouard; mais j'ai connu et fréquenté Bérard, Aimé-Martin, Charles Nodier, Guilbert de Pixerécourt, Motteley, et bien d'autres. Il m'est permis de faire une comparaison qui sera tout à l'avantage des bi

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