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"Mais je vais commencer par vous faire la description de notre maison, de celle de notre voisin, et de nos deux jardins. La nôtre-vous me comprenez bien, n'estce pas ? c'est la maison de mon bon papa dont je parle était entourée de beaux arbres que l'on appelle des marronniers ; il y avait aussi des ormes, des hêtres, et des chênes tous ces arbres-là, je les connais très-bien, parceque ma bien bonne maman, avant que le bon Dieu nous l'eût enlevée, m'avait souvent répété leurs noms. Ah! cette chère maman, vous ne la connaissiez pas; si vous aviez été chez elle, elle vous aurait tous reçus comme ses propres enfants; car elle aimait également tous les petits garçons et toutes les petites filles qui se conduisaient bien. Que de fois je l'ai vue pleurer au sujet de ce malheureux Jean, qui faisait tant de peine à son pauvre papa et à sa maman!"

Gustave ne peut ici s'empêcher de verser quelques larmes au souvenir des tendresses et de la bonté de sa mère. Tous les enfants pleurent aussi; surtout la petite Amélie, dont la mère se trouvait à l'instant même attaquée d'une dangereuse maladie.

"Eh bien, mes amis, notre maison, au milieu de tous ces arbres, ressemblait à un charmant petit palais. Il y avait un perron par lequel on descendait au boulingrin; deux balcons, un de chaque côté du perron-celui du salon, et celui de la salle à manger; tous deux étaient ornés de pots de fleurs, qu'Estelle, que vous voyez là, ne manquait pas d'arroser tous les matins. Moi, j'avais soin de la vigne, des jasmins, des rosiers, et des clématites, qui grimpaient le long d'un treillis tout à l'entour des fenêtres. Oh! que c'était joli tout cela! Même les petites croisées des

chambres à coucher avaient des fleurs de toutes sortes; car papa y avait fait mettre de longues caisses, où nous semions du réséda, des balsamines, des pois de senteur, et toutes les graines que le jardinier nous donnait, quand il avait fini d'en semer au jardin. Il me semble les voir encore, toutes ces jolies fleurs, et ces papillons qui venaient s'y reposer, et ces abeilles dont le doux bourdonnement nous donnait l'idée d'une fanfare lointaine de petites trompettes et de petits clairons. Quel dommage que papa ait vendu cette charmante demeure! Mais aussi comment pouvoir s'y plaire après la mort de maman? Oui, il a bien fait de la vendre; nous y pleurions si souvent tous ensemble, lorsque nous étions réunis dans le bosquet où elle aimait tant à nous voir autour d'elle. "Ce bosquet se trouvait au bout du boulingrin, faisant face à la rivière.

Le

jardin s'étendait à droite et à gauche, flanqué d'arbres fruitiers, et complètement enclos d'une haie superbe d'aubépine, dans laquelle il y avait des oiseaux; mais des oiseaux! je n'en ai jamais vu tant de toute ma vie.

"En faisant le tour des plates-bandes, et en traversant un petit bois, composé de lilacs, de noisetiers, de seringats, et d'autres arbustes odoriférants, on arrivait sur le bord de l'eau. Notre jardinier, qui nous aimait beaucoup, avait construit dans cet endroit, pour nous surprendre, un petit banc de bois, sur lequel nous allions apprendre nos leçons tous les soirs au coucher du soleil, lorsqu'il n'avait pas plu pendant la journée. C'est un plaisir que je regrette encore très-souvent. Le bord opposé de la rivière était si joli ! On y voyait d'un côté des champs de blés à perte de vue; de l'autre, des montagnes; et, par ci par là, le clocher

ou bien la tour de quelque charmant petit hameau, tel que ceux que dessinait quelquefois pauvre maman.

"J'ai maintenant quinze ans, comme Vous savez, et cependant je n'ai point oublié, et je n'oublierai jamais tous ces plaisirs de mes premières années. En même temps, si je vous donne tous ces détails sur l'endroit où nous demeurions, c'est qu'ils sont nécessaires pour vous faire mieux comprendre tout ce qui regarde les méchancetés de ce malheureux Jean. Cette histoire me fait beaucoup de peine, sous plusieurs rapports; mais comme les dangers de la désobéissance me paraissent si terribles, je ne puis m'empêcher de tout vous raconter, pour que vous en avertissiez d'autres, s'il y en a qui sont assez méchants pour oser désobéir à leurs bons parents."

Ici tous les enfants tournèrent leurs yeux vers Adolphe, un des conviés: il

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