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soins particuliers du gouvernement. A la fin, Alexandre faisait encore cette déclaration : « Nous leur (aux Polonais) avons ⚫ donné et donnons la présente charte constitutionnelle, que

nous adoptons pour nous et pour nos successeurs. › Mais après la mort d'Alexandre, et avant 1830, le bien-être de la religion catholique a-t-il été réellement, en Pologne, l'objet des soins particuliers du gouvernement? Disons-le pour l'honneur de la vérité: il résulte des faits que, par rapport aux intérêts de la religion catholique, le successeur d'Alexandre marchait dans une voie tout opposée à celle de son prédécesseur.

Il fallait remarquer aussi que dans ce royaume on voulait voir les droits de la religion catholique non-seulement respectés, mais protégés et défendus ; et à ce sujet, laissant de côté les temps plus éloignés de nous, nous citerons deux documents, l'un de 1791, l'autre de 1768. Le 5 mai 1791, la diète polonaise sanctionna à l'unanimité une constitution dont le § 1 décrétait : « La religion catholique apostolique romaine est et restera à jamais la religion nationale, et ses lois conserveront toute leur vigueur. Quiconque abandonnerait son culte pour tel autre que ce soit, encourra les peines portées contre l'apostasie. En 1768, de concert avec Catherine II, impératrice de Russie, un traité (comme plusieurs veulent l'appeler) fut conclu par la diète polonaise, le 24 février, où on lit en tête: « La religion catholique ‹ sera nommée la religion dominante dans tous les actes pu‹blics. Et ensuite, pour assurer ses intérêts dans l'avenir, on disait: Aucun prince ne pourra aspirer au trône s'il n'est ca

tholique, ni aucune princesse être couronnée reine si elle ne ⚫ professe la religion romaine. Ceux qui changeront de religion ⚫ seront punis du bannissement. ›

Le traité et la constitution que nous venons de citer sont insérés dans la Collection des Constitutions, etc., par MM. Dufau, Duverger et Guadet, publiée à Paris et à Rouen en 1823 (com mencement du quatrième volume).

Mais revenons au clergé polonais. La conduite qu'il a tenue dans les derniers événements a fini, dit l'article, par avilir l'union aux yeux des grecs unis eux-mêmes, tant cette conduite était contraire aux préceptes du christianisme. Laissons à d'autres le soin d'examiner comment cet avilissement exagéré peut se concilier avec la fermeté par laquelle les grecs unis ont pro

testé contre les efforts qui veulent les détacher de l'union. Considérons la conduite en elle-même du clergé de Pologne; nous déclarons sincèrement qu'elle est digne de blâme pour avoir été, comme nous le reconnaissons nous-mêmes, peu compatible avec les préceptes du christianisme; mais disons aussi que l'on ne doit pas attribuer à tout le clergé catholique de la Pologne une faute de ce genre, quelle qu'elle soit, puisqu'elle n'a été commise que par une partie seulement du clergé. Quelques ecclésiastiques, et non tous, quelques ecclésiastiques et même un tout petit nombre, en proportion de leur totalité en Pologne, se trouvent avoir pris part aux troubles excités contre le gouvernement. Nous croyons de plus pouvoir franchement affirmer que les ecclésiastiques qui se rendirent alors coupables ne doivent pat être réputés indignes d'excuse et d'indulgence. Ne vivons-nous pas à une époque où les voix trompeuses des droits des nations et des peuples se font entendre dans tous les coins de la terre? Ces droits si vantés ne sont-ils pas offerts au monde avec une apparence de titres et de raisons, propres à enflammer les esprits et à les induire en erreur? Ajoutez que, dans le cas particulier de la Pologne, on fit surtout valoir le prétexte de défendre la religion et l'Eglise autant que l'honneur de Dieu. Si un motif aussi spécieux produisit sur le peuple une grande impression, il ne pouvait pas manquer d'entraîner quelques prêtres, puisque les intérêts de la religion et de l'Eglise doivent être plus chers encore au cœur du clergé qu'à celui du peuple.

Faut-il donc supposer que les ecclésiastiques polonais ignoraient les préceptes du christianisme sur les devoirs des sujets envers leur souverain? On ne peut entacher d'une si honteuse ignorance un clergé aussi respectable Les prêtres polonais connaissent certainement les exemples laissés par nos pères, quand la nécessité et les malheurs des temps les mirent sous la puissance de tyrans ou de princes de religions différentes ; l'histoire nous dit qu'alors les catholiques se signalèrent au-dessus de tous les autres sujets par leur obéissance et leur fidélité; et que, dans le conflit des lois du prince avec celles de Dieu et de l'Eglise, ce ne fut point par la révolte, mais par les souffrances, les tourments et la mort, qu'ils rendirent témoignage à leur religion. Mais dans la dernière révolution de Pologne, plusieurs ecclésiastiques de ce royaume, effrayés du grand péril dont la foi catho

lique était menacée, crurent que pour la défendre ils pouvaient alors, comme en d'autres circonstances on avait cru pouvoir le faire, user de la force pour se soustraire au joug du gouverne ment. Dans le trouble général, au milieu du bruit des armes, à la vue de l'immense multitude des morts et des blessés, avec la perspective fondée d'un avenir souverainement fatal à la religion, il était trop facile de confondre les idées et d'établir une assimilation entre des cas tout à fait différents. Nous ne cherche. rons pas ici comment, dans les esprits troublés des prètres de Pologne, se sont représentées offertes les guerres des Machabées; surtout s'ils estimaient vraie l'opinion de Grotius, qui, dans le liv. 1, chap. 4, § 7, de jure belli ac pacis, soutient que les rois de Syrie, contre qui se battaient les Machabées, étaient les rois légitimes des Hébreux. On voit encore, après la venue de JésusChrist et dans le sein de son Eglise, quelques exemples que par erreur on pourrait croire applicables à l'état de la Pologne. Quand l'empereur Léon l'Isaurien déclara, l'an 720, la guerre aux saintes images, il se fit de la part des catholiques sujets de l'empereur, en Orient comme en Occident, divers soulèvements pour la défense de la doctrine et de la discipline catholiques sur le culte des images. Le premier mouvement fut celui des îles Cyclades et des autres peuples de la Grèce, qui se révoltèrent en 726, et donnant la couronne impériale à un certain Cosme, s'avancèrent avec une armée navale contre Léon. L'impie Constantin Copronyme, fils et successeur de Léon, vit se révolter contre lui Artabas, son cousin, qui s'étant toujours montré ferme dans la foi, fut très-aimé et reconnu pour empereur par les sujets de l'empire. On connaît mieux les soulèvements de l'Occident, dont les peuples, alors soumis à l'empire d'Orient, irrités contre Léon l'Isaurien, à cause de son édit qui ordonnait l'incendie des saintes images, secouèrent le joug de leur antique dépendance, et, aidés d'autres princes et peuples d'Occident, pourvurent à leur salut, non moins qu'à la défense de la foi catholique. Nous ne pouvons nous étendre sur l'histoire des entreprises des sujets catholiques contre les empereurs iconoclastes. Nous engageons à consulter, sur cette matière délicate, la dissertation écrite par Orsi, en italien, sous ce titre: De l'origine du Domaine et de la souveraineté des Papes sur les États qui leur sont temporellement soumis. Le chapitre 5 de cette dissertation

va surtout à notre but, parce que les observations de l'auteur sur le caractère particulier de la persécution des empereurs iconoclastes et les effets qu'elle produisit dans le monde catholique nous conduisent à expliquer l'équivoque que peuvent avoir présenté ou pourraient offrir pour excuse les ecclésiastiques polonais. Orsi observe donc que la persécution des hérétiques iconoclastes différait essentiellement de celles excitées par les païens ou les autres hérétiques. Les Gentils, en effet, étaient tellement éloignés d'attaquer Dieu directement, qu'ils déclaraient persécuter les chrétiens comme coupables d'athéisme, pour avoir renoncé au culte de leurs dieux, et s'être mis à vénérer un homme crucifié, un séducteur de la Judée.

Les autres hérétiques, tout en attaquant quelques-unes des vérites enseignées par Jésus-Christ, ne dirigeaient toutefois pas leur colère directement contre Jésus, mais contre des hommes qu'ils jugeaient faussement, à la vérité, être ennemis du Christ. Tandis que pour les iconoclastes, leur persécution allait directement contre les images de Jésus, reconnu par eux pour,vrai Dieu, et, par conséquent, elle attaquait Dieu lui-même, et leur haine ne se déversait seulement pas sur les catholiques, défenseurs des saintes images, mais sur les images elles-mêmes par eux indignement profanées, foulées aux pieds et livrées aux flaimes. De cette différence il résulte que les chrétiens, bien qu'ils eussent souffert en paix les autres persécutions, ne crurent pas être obligés à souffrir celle des iconoclastes. Et, dans la ville de Constantinople, quand un officier de Léon l'Isaurien vint par son ordre frapper une célèbre image de Jésus-Christ, pour l'ébranler et la renverser, les catholiques présents à cette scène ne purent s'empêcher de sauter impétueusement sur l'échelle où l'officier était monté, de le précipiter à bas avec elle, et de le mettre à mort. On fit alors un grand massacre de ces catholiques, par ordre de l'empereur; et de leurs actes, rapportés en grec et et en latin par les Bollandistes, sous la date du 9 août, nous sa vons qu'ils n'étaient pas tous de la populace et du sexe féminin, dont le zèle irréfléchi eût pu être excusé par l'ignorance, mais de tout sexe et de toute condition. « Multique, dit l'auteur de • ces actes, multique illa eadem die redimiti fuere corona martyrii: inter quos erant mulieres ac viri, sacerdotes ac levitæ, innuptæ ac moniales, præsides ac subditi: quorum numerum

• et nomina solus novit Dominus: neque enim in nobis tanta ⚫est facultas ut numerum eorum inire possimus. ›

Il faut ici observer que ces catholiques sont nommés dans les actes: redimiti corona martyrii, ce dont l'auteur ne voulait pas laisser de doutes, puisqu'il ajoute : si quidem hoc debet vere martyrium censeri. En effet, comme l'a observé justement Orsi, qui nous fournit ces réflexions, bien que l'Eglise défende d'adinettre au nombre des martyrs ceux qui provoquent imprudemment la fureur des tyrans, elle n'a point usé de cette rigueur envers ceux qui précipitèrent l'officier impérial, profanateur d'une image de Jésus-Christ, et la gloire des saints martyrs ne leur a été refusée par personne. L'Eglise elle-même, latine et grecque, en célèbre la mémoire le 9 août. Dans l'Eglise latine, le martyrologe romain, audit jour, les propose à la vénération des fidèles, au nombre de dix, et les dit martyrisés : Ob Salvatoris imaginem quam in porta cenea constituerant. L'Eglise grecque en marque un bien plus grand nombre dans le ménologe de Basile, qui décrit aussi l'histoire abrégée de leur martyre. L'autorité de ce ménologe est grande, puisqu'il a été compilé au dixième siècle, sous l'empereur Basile Porphyrogénète.

Il fut pour la première fois publié en entier avec la traduction latine en regard du texte grec, par le cardinal Albani, neveu de Clément XI, à Urbin en 1627. Suivant cette traduction, on lit, à la date du 9 août : Certamen sancti martyris Juliani et sociorum... At imperatore Leone iconoclasto claruere........... Animadvertentes enim illum a sanctorum imaginem adoratione aversum atque eas igne absumere, zelum ex hoc concipiebant, mærore contabescentes. At cum viderunt venerandum etiam Christi imaginem quæ in ærea porta extabat, effringi, dignum animi sensum in medium protulerunt spathario qui scalam, effigiem destructurus, ascendebat, eum una cum scala dejicientés, interfecerunt; atque ad iram commoto tyranno, alii quidem statim gladio consumpti (multi enim erant numero inter qua plures feminæ et Maria Patricia), alii custodiis traditi, a facie combusti plurimosque passi cruciatus, capite fuere obtruncati. »

Revenant maintenant au clergé de Pologne, nous avons déjà observé que, dans les derniers troubles, on chercha à insinuer l'idée que, combattre contre le gouvernement russe, c'était dé

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