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on a vu aussi M. Bradel à Paris perfectionner les démi-reliures, c'est-à-dire celles dont le plat du volume n'est point recouvert en peau de basane ou de veau, mais d'un simple en appliquant sur celui-ci un papier servant de couverture et qui imite parfaitement le maroquin.

carton,

Nous ne parlerons pas des relieurs allemands, italiens et espagnols, parcequ'ils n'ont encore rien produit de remarquable, bien que ces derniers aient cherché à encourager cette branche d'industrie en prohibant impitoyablement les reliures étrangères.

CHAPITRE XXVIII.

De la collation des livres.

On ne doit jamais acheter un livre de prix sans le collationner. Par la collation on s'assure s'il est complet, s'il y a des taches, des piqûres de vers, des déchirures, des transpositions, enfin s'il existe quelques imperfections qui peuvent en diminuer la valeur et autoriser à le rendre au vendeur.

Cette opération n'est pas aussi facile qu'on l'imagine, elle demande beaucoup d'attention et une connaissance particu lière des livres, surtout lorsqu'il s'agit de ceux imprimés dans le 15e siècle, et de ceux à figures.

Parmi les différentes manières de collationner un livre les plus usitées sont celles qui se font par le moyen des signatures, ou par le moyen des chiffres placés au haut des pages. Mais, quoi qu'il en soit de l'une ou de l'autre de ces deux méthodes, elles ne sont pas suffisantes pour être assuré que l'ouvrage qui a paru complet l'est réellement. Dans un ouvrage en plusieurs volumes, dans l'in-8 par exemple, la signature a du premier volume finit à la page 16 et celle b commence à la 17o et ainsi de suite jusqu'à la fin: or les mêmes signatures portent aussi le même chiffre dans les volumes suivans; et si par hasard un relieur a mis un cahier d'un volume dans un autre

et que ce soit la même lettre paraissant devoir occuper cette place, alors il doit être difficile de ne point se tromper. Toutefois pour éviter cette méprise, on peut consulter la réclame qui se trouve placée à la fin de chaque cahier et qui indique le premier mot du suivant.

Mais si un ouvrage ordinaire qui possède tout ce qui peut en faciliter la collation exige autant d'attention, combien de difficultés ne rencontre-t-on pas dans celui qui date des premiers temps de l'imprimerie, lequel ne présente aucune de ces facilités, puisqu'il est sans chiffres, signatures et réclames. Cette difficulté est quelquefois telle qu'il n'est pas possible de s'assurer qu'un exemplaire dont on est possesseur est complet qu'en le conférant avec un autre auquel on est certain que rien ne manque. Cette ressource, lorsqu'il est possible de se la procurer, est infiniment précieuse, mais on ne peut avoir cet avantage que dans les grandes villes qui possèdent des bibliothèques; autrement on n'a que des données incertaines.

Les ouvrages qui doivent être ornés de figures demandent d'autres connaissances et un autre genre de lumières et d'attention, parce que ces figures sont susceptibles de diverses modifications soit quant au nombre, soit quant à la qualité des épreuves. Quant au nombre, parce qu'il serait possible qu'on en eût soustrait quelques-unes qui n'auraient paru qu'après l'ouvrage fait et livré; tels sont le frontispice de l'Encyclopédie, les Phallus antiques dans le voyage de Saint-Non, les deux grandes planches du Temple des Muses, édit. de 1733, in-fol., etc. Pour la qualité elle consiste dans la beauté des épreuves qui sont avant la lettre ou du moins des premières épreuves, avec les remarques qui servent à les faire reconnaître.

Il est nécessaire de connaître le nombre des figures qui enrichissent un ouvrage, ainsi que le lieu où elles doivent être placées; il faut les compter et surtout prendre garde qu'il ne s'en trouve quelqu'une répétée, à la place de celle qui doit s'y trouver, ce qui arrive quelquefois; nous en

avons un exemple dans l'Orlando furioso de l'Arioste, édition de Venise, 1584, avec les figures de Porro, où la figure du 34 chant manque presque toujours; mais pour masquer ce défaut on a mis à sa place celle d'un autre. Dans d'autres ouvrages, il y a des figures qui doivent être doubles, ou du moins porter les remarques qui indiquent les premières épreuves, il y en a beaucoup de cette espèce.

Ces figures peuvent encore être avant la lettre, ou tirées en couleur, ou bien même coloriées ; comme dans la plupart des ouvrages sur l'histoire naturelle dans tous les cas il est nécessaire d'apporter beaucoup d'attention, afin de découvrir les supercheries qu'on met souvent en œuvre pour tromper. Les graveurs savent masquer l'inscription placée au bas d'une estampe de manière à induire en erreur celui qui ne serait pas en garde contre une pareille tromperie. Il faut aussi examiner si toutefois les figures sont d'une égale beauté et n'ont point été mélangées, ce qui ne pourrait former qu'un exemplaire médiocre.

Les ouvrages composés de différentes pièces, de manière que chaque traité semble former un ouvrage seul et indépendant, parce que les chiffres du haut des pages et les signatures recommencent à chacun des traités; ces ouvrages sont trèsdifficiles à collationner, à moins qu'on ait des renseignemens positifs sur l'ordre d'assemblage par rapport aux temps où ils ont été composés ou aux matières dont ils traitent, ou ce qui vaut mieux, un exemplaire complet du même livre. Parmi ces sortes d'ouvrages, on peut citer l'Historia Conchyliorum de Martin Leyster, l'Harmonie universelle du P. Mer

senne. etc.

Il n'est pas très-aisé non plus de collationner les ouvrages de certains auteurs, qui ont composé un grand nombre de pièces peu volumineuses sur diverses matières, lesquelles ont été imprimées à des époques éloignées l'une de l'autre tels sont ceux de Catharinot, de Bluet d'Arbere, qui prenait le titre de comte de Permission, et de quelques autres originaux

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du même acabit, dont les productions diverses sont devenues très-rares et très-difficiles à trouver complètes. Mais la difficulté est bien moindre dans ces sortes d'ouvrages, parce que leur ordre chronologique est à peu près indifférent et que celui des matières est absolument nul.

Une autre espèce d'ouvrage bien plus pénible à collationner est celle dans laquelle doivent se trouver des cartons; mais comme ce mot de carton n'est pas compris de tout le monde, nous allons entrer dans quelques explications à ce sujet.

On appelle carton en terme d'imprimerie, un ou plusieurs feuillets détachés d'une feuille entière, et imprimés séparément, que l'on ajoute à un ouvrage, soit lorsque la matière qui reste à un imprimeur ne suffit pas pour compléter la feuille ou la demi-feuille, soit pour corriger une erreur, en substituant le carton à un ou plusieurs feuillets que l'on supprime dans un volume. Sous le bienfaisant régime de la censure qui a précédé la révolution, lorsqu'un auteur avait inséré quelque chose dans un ouvrage qui avait échappé aux ciseaux des douaniers de la pensée, et qui néanmoins avait déplu soit au gouvernement, soit à des corporations ou à quelques personnages puissans, alors il se croyait fort heureux d'en être quitte pour supprimer les passages qui avaient déplu ; ce qu'il ne pouvait faire qu'en réimprimant à ses frais tous les feuillets sur lesquels il se trouvait un de ces passages, et le relieur substituait ces feuillets réimprimés à ceux qui avaient été proscrits, et c'est là ce que l'on nomme des cartons.

Toutefois ces cartons n'ont

pas été supprimés dans tous les exemplaires; les curieux sont parvenus à s'en procurer qui n'ont subi aucun retranchement, et ils les ont réunis soit à la fin des volumes, soit à la page où ils doivent se trouver naturellement. Bien que beaucoup d'ouvrages imprimés avant la révolution aient éprouvé de pareilles mutilations; néanmoins il n'y en a qu'un petit nombre dont on soit parvenu à conserver les cartons; ce qui donne une plus grande valeur aux exemplaires dans lesquels ils se trouvent.

Il existe d'autres ouvrages dont la collation présente encore des difficultés, ce sont ceux qui, étant terminés et n'ayant rien qui indique qu'ils doivent avoir une suite, passent néanmoins pour imparfaits lorsqu'on n'y a pas joint un traité ou une dissertation ou quelques autres pièces données après coup, mais que sans en faire partie intégrante il est d'usage d'y joindre, tels par exemple que le traité des Serpens et des Dragons dans l'Historia animalium de Gesner, la dissertation sur quelques monnaies de Charlemagne, à la fin du Traité historique des monnaies de France, par Leblanc, etc.

CHAPITRE XXIX.

De la manière de restaurer les livres et d'enlever les taches dont ils sont souillés.

Il est essentiel qu'un bibliographe connaisse la manière de restaurer les livres qui ont pu être endommagés, soit par vétusté, soit par a ccident. Il est beaucoup de personnes qui, quand elles voient un livre taché d'encre ou d'huile, ou piqué de vers, le mettent impitoyablement au rebut; cependant il n'est pas rare d'en voir de très-curieux et de trèsprécieux par leur ancienneté être infectés de ces défauts, et qui néanmoins méritent d'être conservés.

L'art de restaurer les livres consiste à blanchir le papier, à enlever toute espèce de taches, à réparer les ravages des vers, à rétablir tout ce qui a pu leur servir de pâture, soit lettres, soit vignettes, à redonner au papier la force qu'il a perdue. Il est des hommes patiens qui ont le talent de recoller fort adroitement du papier neuf, et qui font disparaître par ce moyen les piqûres de vers. Ce remède, qui peut être employé utilement sur la marge des livres, n'est pas sans inconvénient quand les vers ont endommagé l'impression; mais alors on peut corriger ce défaut avec un imprimeur adroit. Quant aux taches d'encre ou d'huile, on enlève aisément les

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