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est juste et ne nuit à personne, autrement il perd tous les droits que lui accordait la société; en conséquence, la liberté, dans l'ordre social, est le droit de faire tout ce qui ne peut nuire à personne, tout ce qui n'est pas défendu par la loi.» Te! aurait dû être le langage de législateurs bien intentionnés. Il convenait, en outre, qu'en instruisant l'homme de ses droits, ils lui fissent connaître aussi ses devoirs; mais il n'en aurait résulté ni des meurtres, ni des pillages, ni des incendies; et il fallait, dans l'esprit de la conjuration, une loi qui laissât une porte dérobée ouverte à tous les crimes.

Quant à l'égalité, c'était la marotte des jongleurs, et c'est par elle qu'ils ont trompé les ignorans et les faibles; dans la nature, tous les hommes naissent et meurent égaux, et ils ont le même droit à toutes ses productions; mais dans l'ordre social, les conjurés savent bien eux-mêmes qu'il n'y a d'autre égalité parmi les hommes, que le même droit à la protection et au secours de la loi. Or, ils auraient dû développer ces vérités et dire « Tous les hommes ont un droit égal au bénéfice des lois, à la protection du gouvernement; tous, à mérite égal, ont un même droit aux emplois et aux honneurs publics, soit civils, soit militaires.» Mais, en décrétant de cette manière, ils n'eussent point séduit le peuple, ils n'eussent anéanti les rangs, honneurs, les distinctions; ils n'eussent pas achevé la désorganisation de l'empire, et conséquemment, ils 'n'eussent pas favorisé, facilité, protégé le succès du plan de conjuration.

pas

les

Quant à l'anéantissement de l'autorité royale, c'était l'un des points capitaux pour empêcher le souverain d'opposer une barrière aux factieux. Quant à l'avilisse'ment de la religion, c'était le moyen le plus sûr d'en

hardir au crime les cœurs qu'aurait pu retenir le remords.

Mais, pour assurer le succès de tant de manœuvres perfides et dans toutes les parties de l'empire à la fois, il fallait aussi pouvoir embrasser l'opinion générale, pour diriger ensuite les esprits à volonté. Tel fut le motif de l'établissement de la première société populaire, connue d'abord sous la dénomination de Club de 1789, séant au Palais-Royal; ensuite sous celle d'Amis de la Constitution, enfin sous celle de Jacobins; société dont le germe a pullulé, depuis, dans presque toutes les villes de France scus le titre de Sociétés affiliées à la Société-Mère, séante à Paris; enfin, société dont les principes anti-monarchiques, anti-civiques et anti-sociaux se sont bientôt propagés d'une extrémité du royaume à l'autre.

Une fois assise sur des bases assez solides, elle est devenue le contre-poids de toutes les autorités, de tous les pouvoirs; la correspondance générale et facile que la Société-Mère parvint, de cette manière, à établir, la rendit bientôt maîtresse de tous les esprits comme de toutes les places, et de tous ceux qui les remplissaient ou qui désiraient y parvenir; et c'est de ce moment qu'elle a dit impérieusement : Nous ne voulons qu'une seule opinion dans l'État, il faut étre Jacobin, ou

sinon......

Jugez, Français! vous qui depuis près de quatre ans gémissez sous le despotisme jacobile, si j'exagère le tableau que je vous présente; il fallait subjuguer l'opinion nationale, pour arriver plus sûrement au renversement de tous les principes, et faire naître sans résistance le nouvel ordre de choses dont vous et moi sommes aujourd'hui les victimes.

B.-IX.

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C'est donc en captivant ma personne, en enchaînant ma volonté, que l'on me demandait la sanction d'une constitution qui n'existait encore qu'en projet; constitution que j'avais le droit d'examiner et de critiquer; constitution enfin que je ne devais sanctionner que dans la plénitude de la liberté, dans le silence et la maturité de la réflexion, pour ne compromettre ni l'intérêt géné, ral du royaume, ni l'intérêt individuel de ses habitans.

Dans une circonstance qui devait invariablement fixer le bonheur ou le malheur constant des peuples, je crois qu'il était de la sagesse et de la justice de l'Assemblée de soumettre le projet entier de la constituțion aux mêmes assemblées qui avaient rédigé les cahiers, afin de prendre les observations et de se procurer les lumières nécessaires sur un ouvrage de cette impor

tance.

Mais, je le répète, l'objet de la faction était fort éloigné de s'occuper de l'intérêt et du bien publics; le mal fut toujours en croissant, et la suite des évènemens qui me restent à décrire en fournira la preuve.

Après avoir trouvé le moyen de subjuguer les opinions par le secours des sociétés populaires, il fallait soutenir l'exécution du système des conjurés par un crédit puissant et des ressources constantes; s'emparer et disposer du trésor public, ne suffisait pas, parce qu'il fallait subvenir aux dépenses courantes, et masquer les déprédations qu'entraînait le but secret de la révolution. Mille moyens se présentèrent au génie de la faction : s'approprier les biens du clergé, les déclarer appartenant à la nation, en ordonner la vente, créer, sous le prétexte d'en faciliter l'acquisition, un papiermonnaie qui pût se multiplier à volonté; décréter des remboursemens pour servir de palliatifs aux abus; dé

naturer le système des finances pour en compliquer les opérations, parvenir enfin à pouvoir disposer à son gré des fonds de la nation, soit pour alimenter les agens, sans nombre, de la faction, soit pour récompenser les chefs et les conducteurs de la machine, soit pour parer aux inconvéniens et aux obstacles,

Tels furent les moyens qu'adopta le parti. De ce mo ment, le voile le plus impénétrable a masqué l'adminis tration des finances, et surtout depuis que la faction est parvenue à se choisir des ministres disposés à la servir; aussi, depuis que je n'ai plus eu la manutention ni la surveillance des finances, n'a-t-il été rendu à la nation aucun compte des sommes effrayantes qui sont entrées depuis ce temps dans le trésor public; et j'ose assurer d'avance qu'il ne sera jamais rendu, si les dé partemens ne se déterminent à l'exiger impérieusement par la voix de l'impression, et s'ils ne nomment pas des commissaires intègres et instruits pour les examiner.

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Alors, on verra l'affreuse dilapidation qui existe, on verra quelle est la source des fortunes des députés, dont la médiocrité connue, à leur arrivée à Paris, est ensevelie maintenant sous l'opulence qu'ils affichent sans crainte comme sans pudeur; mais à cet égard, la nation ouvrira les yeux. Je poursuis:

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L'année 1790 fut celle de la destruction générale; la faction, quoique séparée pendant quelque temps de son chef, ne le servit pas avec moins d'ardeur, tout fut impitoyablement sacrifié aux criminels projets des conjurés; des écrivains atroces prêchaient ouvertement la révolte et le carnage, et le plus horrible d'entre eux, couvert du sceau de la réprobation publique, délivré par l'amnistie générale de 1791, d'un décret de prise

de corps, indigne de figurer dans une société d'hommes, siége cependant à la Convention, et s'est constitué l'un de mes juges, ou plutôt l'un de mes bourreaux; mais le grand point était de détruire la royauté; tous les moyens étaient bons pour parvenir à ce but.

Cependant il était difficile de heurter de front l'opinion et l'habitude d'une nation entière, accoutumée depuis treize à quatorze siècles au gouvernement monarchique; il fallait, en sapant la monarchie par les fondemens, avoir l'air de conserver le trône, et c'est ce qu'a fait l'Assemblée par l'acte constitutionnel, où l'on voit la royauté entièrement détruite dans son essence comme dans son principe, et réduite à la nullité la plus absolue. Les rois, d'après ces dispositions, ne sont plus qu'un fantôme de réprésentation, et n'offrent plus pour l'avenir qu'une continuation à l'histoire des rois fainéans.

C'est néanmoins ainsi que, contre le vœu textuel, précis et impératif des cahiers des bailliages, l'Assem blée s'est fait un jeu d'avilir la royauté dans la dignité de ses prérogatives et de ses fonctions, dans l'étendue de ses pouvoirs et dans l'essence de son institution; c'est encore ainsi qu'en affaiblissant tous les ressorts de la monarchie, en atténuant tous les pouvoirs, en détruisant toutes les autorités, on a réduit au dernier degré de marasme le corps politique de l'État.

Cette vérité, Français, est si constante, et le projet de la faction était si réel, que l'un de ses écrivains affidés, qui, le 12 juillet 1789, provoquait la révolte le pistolet à la main dans le jardin du duc d'Orléans, qui maintenant siége au rang des législateurs, qui se trouve enfin l'un de mes juges, disait en 1791, que « la royauté « était placée avec tant d'art dans la constitution, que

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