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» auxquelles il était attaché; il a mis le plus grand zèle à copier exactement les réglements » de police qui ont long-temps servi et qui servent encore de base à ceux en vigueur >> aujourd'hui: ROISIN est cité souvent et fait autorité sur les matières municipales et les >> autres objets qu'il a traités. »

C'est sur de fausses indications que M. Lebon fait de ROISIN un Secrétaire des états de Flandre au seizième siècle. Le manuscrit attribué à RoISIN a été évidemment commencé pendant la première moitié du quatorzième siècle; ce qui le prouve c'est que toutes les notes et pièces de son recueil postérieures à l'an 1348 sont d'une autre écriture que celle du corps de l'ouvrage. Une autre preuve résulte de la radiation faite en 1351 du chapitre intitulé: Comment on doit aller à Saints (voyez ci-après page 35). Si le manuscrit eût été d'une date plus récente, ce chapitre n'en ferait point partie. Il est clair que lorsque ROISIN l'a inséré dans son livre, cette manière de faire serment en justice était encore usitée; or, les abus qu'elle entraînait l'ayant fait réformer en 1351, par délibération solennelle des principaux habitants, confirmée par lettres patentes du roi Jean, l'époque certaine où ROISIN accomplit son important travail se trouve circonscrite entre les années 1300 et 1350. La qualification de Secrétaire des États de Flandre donnée à ROISIN est également erronée. Il n'y avait point d'États de Flandre au quatorzième siècle. Nous avons vu ailleurs que ROISIN était greffier de la ville. A cette même époque la ville de Lille n'avait point de greffier, mais des clercs dont le nombre variait de deux à trois. ROISIN remplissait probablement cette fonction. Il est remarquable que parmi les noms, en assez grand nombre, qu'il cite dans son ouvrage on ne voie le sién figurer nulle part. Nous l'avons cherché dans les registres aux réceptions de bourgeois qui se trouvent aux Archives, et nous y avons trouvé les deux articles suivants : Registre N° 1.

« Puis le Toussain l'an mil CCIIII** et XII (1292) Jaquemes Roysins fils Jehan Roysin >> le clerc. »>

<< Puis le Toussain l'an mil CCCIII (1303) Pier Roisins fils Jehan Roisin, clerc de le >> ville.

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D'après ces indices, il nous semble qu'on peut attribuer avec assez d'apparence de réalité à Jehan Boisin, clerc de la ville, au moins le commencement du recueil qui porte son nom et l'un de ses fils a pu le continuer.

Quoiqu'il en soit, le modeste écrivain dont nous livrons le travail à la publicité rendit un immense service à ses contemporains, et il peut encore être utile à la génération présente et à celles qui lui succéderont, en donnant des détails aussi intéressants que certains sur les

mœurs, et sur les coutumes de son temps. Nous croyons donc qu'on pourrait rectifier ainsi l'article de M. Lebon:

ROISIN, écrivain du quatorzième siècle, appartient à la ville de Lille. Il a recueilli en 'un volume in-folio manuscrit et mis dans un certain ordre toutes les coutumes traditionnelles qui avaient force de loi à Lille, où le droit romain était inconnu. On ignore si la rédaction de ces coutumes est son ouvrage, ou s'il n'a fait que les écrire sous la dictée des magistrats; mais ce recueil n'en est pas moins précieux, parce qu'il offre un tableau exact et complet de tout ce qui constituait l'ordre social dans cette partie de la Flandre. Il retrace dans ses nombreux chapitres les droits et les devoirs des citoyens, ceux du prince, de ses officiers et des magistrats municipaux. Les privilèges et les franchises de la ville y sont surtout traités avec un soin minutieux. Viennent ensuite les formes de procédure en matière civile, la saisie la prise de corps, la propriété mobilière et immobilière, les loyers, les rentes, les gages et privilèges. Plusieurs chapitres sont consacrés aux guerres particulières et aux trèves légales. Les crimes et les délits sont définis avec soin, ainsi que la manière de les réprimer. Enfin le livre de Roisin embrasse dans sa première partie toutes les branches de la législation. La seconde se compose d'un grand nombre de chartes et d'actes divers dont la plupart ont encore aujourd'hui une importance incontestable, et auxquels l'administration actuelle est parfois obligée de recourir. Ce livre, regardé comme authentique, conserva toute son autorité jusqu'au temps où Charles-Quint ordonna la révision de toutes les coutumes de Flandre. Celle de Lille où l'on retrouve une grande partie des dispositions contenues dans le recueil de ROISIN fut homologuée en 1533 et devint alors la loi fondamentale du pays; mais ce recueil ne fut point pour cela considéré comme inutile puisque les magistrats le firent copier en 1617, pour pouvoir encore le consulter sans altérer davantage l'original qui fut déposé dans la trésorerie.

Pour nous, après avoir long-temps étudié ce livre qui n'a point, nous le croyons, de semblable dans les Pays-Bas et peut-être dans la France, ce livre qui est à la fois une constitution, un code et une histoire, nous avons cru accomplir un devoir en l'offrant au public et surtout en le rendant intelligible pour tous les lecteurs. Des amis éclairés, informés de notre projet, l'ont hautement approuvé en nous engageant à en suivre l'exécution avec persévérance. Nous l'avons fait, et, parvenus à la fin de notre tâche, nous n'espérons point d'autre récompense que le fruit qu'en pourront retirer les amateurs de l'histoire réelle des peuples, histoire si différente de celle des rois dont on s'est occupé presque exclusivement jusqu'aujourd'hui.

GLOSSAIRE

Des vieux Mots contenus dans cet Ouvrage.

AVANT de livrer à l'impression le manuscrit de RoISIN, nous nous sommes demandé quel était le meilleur moyen de le faire comprendre facilement au lecteur. Le traduire en langage moderne était le moyen le plus certain; mais aussi c'était lui ôter cette naïveté, cette bonhommie de style qui donne tant de grâce aux écrits du moyen-âge. On pouvait, sans rien changer au style, rajeunir l'orthographe ainsi qu'on l'a fait dans plusieurs publications récentes. Sans désapprouver des exemples respectables, nous avons pensé que notre manuscrit étant non seulement un monument d'histoire, de législation et de mœurs, mais aussi un tableau curieux de l'émancipation de notre langue à l'époque où elle passa de l'usage vulgaire dans les écrits et jusques dans les actes officiels, il fallait le reproduire dans toute sa simplicité, avec ses incorrections et ses obscurités où les savants prennent plaisir à chercher

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eux-mêmes le sens qui échappe quelquefois au commentateur; mais, en même temps, pour épargner un travail pénible aux personnes peu familiarisées avec ce genre de lecture, nous avons, dans la première partie, fait suivre chaque paragraphe de sa traduction, de sorte qu'il ne reste plus rien d'inintelligible dans le texte. Ce travail nous a paru inutile pour la seconde partie, parce que ceux qui auront lu la première seront déjà assez identifiés avec les formes et l'orthographe de la langue romane (qui n'est autre que la langue gauloise enrichie d'une foule de mots grecs, latins et teutons) pour se passer du secours d'un traducteur. D'ailleurs pour suppléer à tout ce qui pourrait manquer sur ce point, nous avons extrait de ROISIN tous les vieux mots maintenant hors d'usage, pour en former un glossaire particulier à ce livre.

Nous ferons remarquer que, dans le texte original, il n'y a jamais d'apostrophes; ainsi dans tous les mots commençant par une voyelle et précédés de l'article le, la, de la préposition de ou du pronom se, la première lettre de l'article, de la préposition ou du pronom se confond toujours avec le mot qui suit. Ainsi on écrivait lusage pour l'usage; lost pour l'ost; dune part pour d'une part; sen aller pour s'en aller. On supprimait aussi fréquemment la lettre h non aspirée. Ainsi on trouve lome, loneur pour l'homme, l'honneur. Le pronom son était souvent réduit à une lettre lorsqu'il précédait un mot commençant par une voyelle. Sarme signifie également son arme et son ame. Ces sortes d'élisions avaient lieu pour les noms de villes tels qu'Ypres, Amiens. On écrivait la ville dyppre, la ville damiens ou bien Dyppre Damiens; l'emploi des majuscules étant tout à fait arbitraire on en décorait à volonté la préposition ou le nom propre.

On ne trouve pareillement dans notre manuscrit aucun accent sur les voyelles: a du verbe avoir et à préposition, ou conjonction et où adverbe de lieu ne sont différentiés par aucun signe; beaute, feaute, signifient beauté, féauté, etc.

La ponctuation n'était pas inconnue alors; mais il ne paraît pas qu'elle fût soumise à des règles certaines, et elle ne consistait guères qu'en virgules placées, suivant l'intelligence de l'écrivain, entre les différents membres de phrases ou entre les phrases elles-mêmes pour tenir lieu de points.

Nous avons cru ces observations nécessaires pour que le lecteur sache que dans tous les endroits de ce livre où le texte sera pourvu d'apostrophes, d'accents et de points, nous les y avons placés pour rendre certains passages plus faciles à comprendre. Partout où cette

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précaution nous a paru inutile, nous avons conservé scrupuleusement l'orthographe du manuscrit comme un curieux objet d'étude, sans même corriger les fautes qui s'y rencontrent, mais que nous signalons dans des notes.

Les chartes écrites en latin fournissent aussi matière à plus d'une remarque: les doubles lettres œæ ne s'y rencontrent nulle part, non plus que les accents. Nous ne parlerons pas des différences dans l'ortographe, des constructions vicieuses, des gallicismes multipliés ; Ducange n'a rien laissé à dire sur ce sujet.

L'absence totale d'apostrophes et d'accents que nous avons signalée plus haut, de même que celle des doubles lettres œ æ, n'est pas un fait isolé, particulier au recueil de Roisin, tous les manuscrits de la même époque, et jusqu'aux lettres des Rois de France, qu'on doit considérer comme le type de la bonne écriture du temps, s'accordent sur ces divers points avec l'écrivain flamand. Il diffère d'eux, sur quelques autres qui tiennent à la prononciation locale et à ce que, dans cette province éloignée, les progrès de la langue étaient naturellement plus lents que dans la capitale. Par exemple, les lettres ch remplacent presque partout le c simple et les deux ss de même que le k est substitué à ch. Ainsi on prononçait et l'on écrivait blechier pour blesser, kachier pour chasser, un kien pour un chien, chest li pour c'est lui, etc. Cette prononciation est encore usitée dans les campagnes en Picardie en Artois, en Hainaut et dans la Flandre française et le Cambresis. Nous la regardons comme l'indice certain d'une communauté d'origine entre les diverses peuplades belges qui vinrent se fixer dans le nord des Gaules. Les Flamands eux-mêmes, quoiqu'arrivés les derniers, ont conservé l'usage du k pour ch dans beaucoup de mots communs à notre langue et à la leur, tels que chat qu'ils écrivent et prononcent kat comme les paysans wallons et picards, en appuyant seulement un peu plus sur le t. Côte qu'ils écrivent choote et prononcent koote, etc.

La substitution de ch à c se remarque également dans beaucoup de titres en latin. Ainsi dans la copie d'une charte de 1160 (page 224) on lit pachi pour paci, chenobii pour cœnobii, fechimus pour fecimus. Nos écrivains flamands mettaient ordinairement nichil ou nicil pour nihil.

La manière d'écrire les noms propres des Teutons et des Francs nous donne la raison de ce changement de lettres. Clovis s'écrivait Hlodwig, Cloter Hloter. Pour les peuples du

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