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vous dire vrai, je ne puis comprendre pourquoi Dieu nous fait subir les suites de ce péché, ni comment il avait imposé un précepte dont il connaissait d'avance la violation.

LE TH. Nous examinerons votre première difficulté dans la question du péché originel, et vous verrez pourquoi nous avons à subir les suites du péché d'Adam. Quant à la seconde observation, relative au précepte imposé par le Seigneur, je ne suis pas étonné que vous y trouviez un mystère au-dessus de votre intelligence; saint Augustin avait fait cet aveu avant vous. Il affirme néanmoins que la prescience divine n'influe en aucune manière sur nos actions; nous sommes toujours dans notre libre arbitre, pour l'accomplissement ou la violation de nos devoirs. Non, la prévision de Dieu ne gêne en rien la liberté, et ne peut l'empêcher d'imposer des préceptes que l'homme est le maître de remplir ou de transgresser. Comment expliquer autrement les obligations que nous avons nous-mêmes à observer aujourd'hui ! Dieu les aurait donc imposées pour nous faire tomber dans une violation inévitable, dont cependant il nous punirait par les plus terribles châtiments? Ces hypothèses sont révoltantes, impossibles. Nous avons le sentiment de notre libre arbitre, et la conviction que le Créateur ne peut être injuste ni cruel.

LE D. Avant de clore cet entretien, je vous prie de me dire quel mode de providence Dieu exerce sur le monde ?

LE TH. Les théologiens en distinguent deux : le premier consisterait en ce que le Créateur aurait formé, disposé l'univers, de sorte que tout s'y conservât dans l'ordre primitif, sans action, sans influence aucune de sa part, jusqu'à ce qu'il vînt détruire ou modifier son ouvrage, par un nouvel acte de sa volonté. Dans le second mode de providence, les êtres auraient besoin, pour continuer d'exister, de l'action vitale qui les a fait sortir du néant. C'est le sentiment admis généralement par les philosophes et les théologiens. Voici en quels termes nous le trouvons exprimé dans le catéchisme du concile de Trente: « Mais en recon>> naissant Dieu pour l'auteur et pour le créateur >> de toutes choses, il ne faut pas s'imaginer que » son ouvrage, après avoir été achevé et fini par » lui, ait pu subsister indépendamment de sa puissance infinie. De même, en effet, que toutes » choses ont eu besoin, pour exister, de la sa» gesse, de la puissance et de la bonté du Créa>>teur, ainsi, elles réclament l'action conti>>nuelle de sa providence, et ne se conservent » que par la même force qui leur a donné >> l'existence. Sans cette assistance nécessaire, >> elles rentreraient aussitôt dans le néant. » (C. 11. $ 5.)

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LE D. Vous venez de me fixer sur le nom de Dieu, sur ses attributs, ses ouvrages et sa providence. J'espère que tout prochainement vous me parlerez de la réparation de l'homme, à moins que vous ne veuilliez examiner la question de la

Trinité, pour la placer, comme complément, à la suite de cet entretien.

LE TH. C'est mon intention, d'ailleurs la réparation de l'homme ayant été opérée par la médiation du fils de Dieu, il nous importe de connaître la nature du Verbe fait chair pour notre rédemption.

SECOND ENTRETIEN.

LA TRINITÉ.

LE D. J'ignore comment vous allez envisager le mystère de la Trinité. La manière dont je l'ai entendu expliquer autrefois, m'a paru bien obscure, et peu conforme à la raison.

LE TH. Cette question est le complément de nos recherches sur la nature divine, dont nous nous sommes occupés dans le premier entretien; nous examinerons donc ici ce sujet important et difficile. La manière de l'envisager sera simple, lucide et satisfaisante, je l'espère, pourvu que vous ne preniez pas d'avancé le parti de nier, de rejeter des raisons et des autorités que vous pourrez apprécier aujourd'hui beaucoup mieux qu'à l'époque dont vous voulez parler. Commençons par nous faire une idée claire de ce dogme chrétien. Il y a en Dieu, unité de nature; les philosophes l'admettent comme les théologiens. Mais nous ajoutons que cette nature divine est commune à trois Personnes : au Père, au Fils et au Saint-Esprit, et nous croyons avec saint Atha

nase,

« un seul Dieu dans une trinité de personnes, et cette trinité dans l'unité de nature, sans confondre les personnes, sans diviser la nature. » (Symb.) Ainsi, le mot trinité signifie l'unité des trois personnes divines, quant à la nature, et leur distinction réelle, quant à la personnalité; ou bien encore, c'est un seul Dieu en trois personnes, réellement distinctes, et ayant toutes trois la même nature divine.

LE D. Quelle idée avez-vous du mot personnes? Les confondez-vous avec les attributs divins, comme la bonté, la puissance, etc.?

LE TH. Il y a une différence. Les attributs que vous citez ne sont pas réellement distincts entre eux, tandis qu'il y a entre les personnes divines une distinction véritable. Une hypostase ou personne, selon la notion des philosophes et des théologiens, est une substance intelligente, complète, qui possède l'individualité, de sorte que les actions lui appartiennent, et doivent lui être attribuées. Nous verrons bientôt si cette notion s'applique rigoureusement aux personnes de la

sainte Trinité.

LE D. J'admettrais volontiers les trois personnes en Dieu, comme trois attributs semblables à la puissance, à la sagesse, à la bonté, tandis que les notions que vous donnez d'une personne, me forceraient de reconnaître en Dieu trois personnes séparées, distinctes, comme trois hommes, ce qui: détruit complètement l'unité de Dieu.

LE TH. Il n'y a pas de trinité possible, en bornan'

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