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curs. Car comment y aurait-il foi, disent-ils, dans ce que l'esprit perçoit évidemment? Les autres prétendent qu'il est possible d'avoir la foi sur un objet connu d'ailleurs, comme l'existence de Dieu, la vie de Jésus-Christ, que nous connaissons par le raisonnement et par l'histoire. Nous nous arrêterons à ce dernier sentiment qui me paraît le plus probable. Car ne puis-je pas admettre l'existence d'un objet qui m'est attesté par mes sens, par le témoignage des hommes et me dire en même temps: Dieu révèle aussi cet objet de son côté ; j'en ai la conviction; je veux y adhérer, j'y adhère à cause de sa véracité divine, que je prétends honorer; j'y adhère par ce motif surnaturel, comme si cet objet ne m'était point connu d'ailleurs.

LE D. Suivant cette réponse, les saints pourraient donc avoir la foi, puisque en voyant Dieu ils croient aussi en lui sur sa, véracité.

LE THI. Il existe une grande différence entre l'é.. tat des bienheureux et le nôtre, concernant l'impression que Dieu fait sur eux par la vision intuitive, et sur nous par la connaissance de notre entendement. Cette vision est si intense, si surabondante dans les saints, que leurs facultés en sont pénétrées, inondées; elles ne peuvent s'en isoler pour concevoir, et formuler l'acte de foi sur l'existence de Dieu et de Jésus, son divin Fils. Quant à nous, vous conviendrez que nous pouvons faire cet acte et l'appliquer à beaucoup d'autres objets qui nous seront déjà connu

d'ailleurs; car cette connaissance physique ou morale ne nous pénètre pas d'une manière si vive, si intense, qu'il soit impossible de porter notre entendement et notre volonté, sur des motifs d'un ordre supérieur. On peut ajouter, pour rendre celte différence plus sensible, que les saints contemplant Dieu par la vision intuitive, surnaturelle, nous ne comprenons pas comment ils croiraient en lui dans ce même ordre; tandis que nous qui connaissons naturellement son existence, quelques-unes de ses perfections, et encore d'une manière si imparfaite, nous pouvons l'envisager sous le rapport surnaturel, et croire sur son autorité ce que nous pouvons connaître d'ailleurs par des moyens naturels.

LE D. Voyez-vous quelque inconvénient dans le premier sentiment?

LE TH. Celui-ci au moins, dont vous apprécierez la gravité : c'est que la foi aura plus ou moins de propositions ou d'articles, suivant qu'on possédera plus ou moins d'instruction: ainsi l'ignorant qui ne connaît point par l'histoire la vie de Jésus-Christ, la croira par la foi, selon le symbole; et l'érudit l'admettra comme un simple fait historique. Ce n'est pas là, pouvonsnous dire, l'unité de la foi, si admirable dans l'Eglise de Jésus-Christ. Il la faut complète et la même en tous pour le principe et pour l'objet. Voilà les deux propriétés de la foi dont nous avions à nous occuper. Je ne dis rien d'une troisième appelée certitude de la foi, tant il est facile

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de comprendre que cette vertu reposant sur la véracité même de Dieu, elle offre le motif de la plus haute certitude possible. Considération puissante, qui démontre aux incrédules et aux ennemis du christianisme que les catholiques ne font pas acte de simplicité stupide en croyant, puisque leur foi repose sur les bases de la certitude la plus parfaite, la parole même de Dieu.

LE D. Qu'allez-vous dire de la nécessité de la foi?

LE TH. J'en dirai que dans l'état actuel, l'homme n'a jamais été sauvé sans la foi surnaturelle, plus ou moins étendue, plus ou moins explicite dans son objet. J'en dirai que sans la foi il n'y a point de vertu, d'action surnaturelle possible. Tout ce qui est fait sans cette vertu reste dans l'ordre purement naturel; nous aurons l'occasion d'examiner encore dans le Décalogue cette nécessité de la foi.

LE D. Depuis l'avènement de Jésus-Christ, quel est l'objet de la foi indispensable pour le salut?

LE TH. Selon le sentiment commun des théologiens, on doit croire explicitement les mystères de la sainte trinité, de l'incarnation et de la rédemption. Pour le reste, il suffira de le croire d'une foi implicite. N'allez pas vous préoccuper du sort des infidèles qui vivent dans la pratique des vertus morales vous savez ce que nous en avons dit dans un autre entretien. Dieu pour

voira à leur sort, en faisant arriver jusqu'à eux d'une manière quelconque cette connaissance de la foi, sans laquelle ils ne pourraient être sauvés.

DIX-HUITIÈME ENTRETIEN.

L'ESPERANCE ET LA CHARITÉ.

LE D. En suivant l'ordre des vertus théologales, nous avons à parler de l'espérance dans cet entretien. Je commence donc par vous prier de m'expliquer ce qu'est l'espérance, considérée philosophiquement. Vous en ferez ensuite l'appli

cation à l'ordre surnaturel.

LE TH. Je suis bien aise que vous m'adressiez cette question; la réponse vous rendra plus facile ce que nous aurons à dire de l'espérance comme vertu théologale. Prise dans le sens philosophique, on peut la définir : un désir véhément d'un bien absent, difficile, mais possible, avec la confiance de l'obtenir.

Vous comprenez d'abord que l'espérance ne peut être une simple velléité; l'âme doit éprouver quelque chose de plus, un désir véhément, ou comme d'autres disent, un mouvement, une tendance vers l'objet qu'elle veut obtenir. Ce bien doit être absent pour caractériser l'espérance. S'il était passé, le sentiment qu'il ferait

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