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perfections. Le Père, à la vérité, est principe sans principe, c'est-à-dire, qu'il ne procède point d'une autre personne. Mais on ne peut induire de là, ni dépendance pour le Fils, ni dignité supérieure pour le Père, attendu que le Fils n'a pas une nature différente, produite par le Père; ils ont essentiellement une seule et même nature, une seule et même divinité. Dans nos idées, je l'avoue, il y a plus de dignité à donner qu'à recevoir; parcequ'on donne librement. Ici vous ne trouvez pas de don libre de la part du Père. Il engendre le Fils en lui-même et nécessairement, il n'y a pas non plus preuve de dépendance ni d'infériorité dans les missions des personnes divines. Voici comment cette question est expliquée par les théologiens.

Une mission est l'envoi d'une personne divine par une autre, pour opérer un effet temporel. On distingue deux sortes de missions; l'une intérieure, spirituelle; l'autre extérieure et sensible. Les livres saints renferment des témoignages précis de ces deux missions. La première, nous la trouvons indiquée dans ces paroles de saint Paul aux Galates Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans vos cœurs... (4.) encore dans celles-ci, adressées aux Romains: La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné. (5.) La mission sensible, extérieure, se voit manifestement dans la rédemption de JésusChrist, et dans la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres, le jour de la Pentecôte. (Act. 2.)

LE D. Mais d'où vient cette mission? de quelle volonté?

LE TH. Ayez un peu de patience, et permettezmoi d'achever l'explication de ces missions divines. Les personnes de la Trinité ne peuvent être envoyées dans un endroit où elles ne fussent pas auparavant, puisque l'immensité de leur nature les rend présentes en tout lieu. Cela signifie seulement qu'elles opèrent des effets nouveaux, là où elles étaient déjà. Ainsi, le Verbe divin était dans le sein de la sainte Vierge avant l'union hypostatique avec la nature humaine, et il remplissait le monde de son immensité avant de s'y montrer uni à son humanité sainte. Il en est de même de la présence du Saint-Esprit dans nos âmes; il y était véritablement avant ce temps où il est dit envoyé en nous, pour nous communiquer ses dons et nous sanctifier. Les personnes envoyées, ne sont donc pas inférieures en science, en immensité, à celle qui les envoient.

Mais, dites-vous, d'où vient cette mission? de quelle volonté? Les missions suivent l'ordre des processions. Ainsi, le Père, qui ne procède d'aucune personne, ne nous est signalé nulle part comme envoyé. Le Fils, ne procédant que du Père, n'a jamais mission du Saint-Esprit; c'est toujours du Père seul. Il nous dit dans saint Jean: Comme mon Père vivant m'a envoyé.... (6.) Je ne suis pas seul; mais moi et le Père qui m'a envoyé. (8.) Le Saint-Esprit, qui procède du Père et du Fils, est envoyé par ces deux personnes divines.

Le Paraclet que mon Père enverra, (Joan. 14.) et que j'enverrai. (16.) Ainsi s'opèrent ces missions, sans indiquer aucune dépendance des personnes envoyées, mais simplement l'ordre de procession. Saint Augustin l'exprime très clairement par ces mots : « Ce n'était pas le Père qui devait être envoyé par le Fils, mais le Fils par le Père. Toutefois, cela n'indique aucune inégalité de substance; on y voit seulement l'ordre de nature. » (Contrà Max.)

Vous désirez savoir de quelle volonté proviennent ces missions. Ici, nous en reconnaissons une opérant avec liberté, et non par nécessité de nature, comme dans les processions essentielles, immanentes en Dieu. Alors, direz-vous, c'est probablement le Père qui commande au Fils, ou bien l'un et l'autre donnent des ordres au Saint-Esprit. S'il n'y a pas commandement formel, j'y verrai insinuation, conseil, exhortation. Vous êtes dans l'erreur avec toutes ces suppositions humaines en Dieu, il n'y a qu'une volonté commune aux trois personnes; par conséquent, les missions doivent provenir de cette unique volonté. D'ailleurs, les personnes divines sont inséparables, et elles contribuent toutes trois aux opérations produites en dehors de leur nature. On attribue souvent, il est vrai, à une seule de ces personnes l'opération accomplie par les trois; mais c'est par appropriation, et non comme une action propre à cette seule personne. Ainsi, la sanctification des âmes est attribuée, appropriée

au Saint-Esprit, bien qu'elle soit l'oeuvre des trois personnes divines, parceque les dons sanctifiants étant pour nous un témoignage de la bonté, de la charité divines, on les attribue au Saint-Esprit, appelé dans les livres saints, bonté et charité de Dieu.

LE D. Je ne comprends pas assez clairement la différence que vous établissez entre approprié et propre.

LE TH. Cela n'offre aucune difficulté, dès qu'on a saisi la valeur des termes. On appelle propre ce qui est particulier à une seule personne de la sainte Trinité, et approprié ce qui appartient aux trois. Ainsi, nous trouverons, dans la Trinité, des noms, des qualités propres à chaque personne, avec des noms et des qualités appropriés à chacune de ces personnes divines. Commençons par les premières de ces qualités. On en compte trois qui caractérisent les trois personnes divines, en les distinguant réellement entre elles; ce sont : la paternité propre au Père, la filiation au Fils, et la spiration passive au Saint-Esprit. Il est impossible de changer cet ordre, de faire à une des personnes l'attribution de la qualité qui ne lui est pas propre: ce serait détruire la distinction des personnes, et par là même le dogme de la sainte Trinité.

Voici quelques perfections communes aux trois personnes divines, et appropriées à quelqu'une d'elles. La toute-puissance, la création, sont appropriées au Père, parcequ'étant, dans la Trinité, le principe des autres personnes, on lui attribue cette qualité de principe relativement aux

créatures; la toute-puissance lui est aussi appropriée, parcequ'elle éclate de toutes parts dans l'oeuvre de la création. Au Fils sont appropriées la sagesse, et la vertu de Dieu, comme au terme de la connaissance la plus sage, la plus parfaite, puisqu'il est engendré par le Père, comme terme de son entendement. La bonté est attribuée au Saint-Esprit, en ce qu'il procède de la charité la plus parfaite du Père et du Fils, et que la bonté est l'effet de la charité.

LE D. Je crois avoir bien compris la différence entre les qualités propres et les qualités appropriées; voulez-vous aussi me la montrer pour les noms des personnes divines?

LE TH. Les noms propres à la première personne,sont ceux de Père,d'innascible ou improducible. Elle est aussi appelée principe sans principe. La seconde personne a en propre les noms de Fils, parce qu'elle procède du Père par génération; de Verbe, c'est à dire, engendré par l'intellect du Père. On l'appelle encore l'image parfaite du Père, selon ces paroles de saint Paul: l'image du Dieu invisible. ( Col. 1.) Les noms propres à la troisième personne sont les suivants : Esprit, via, en grec, qui signifie vent, souffle; parcequ'elle est produite par la spiration active du Père et du Fils : on l'appelle amour ou charité, comme procédant de l'amour du Père et du Fils; enfin don de Dieu, de ce que l'amour est le plus précieux des dons,et que le Saint-Esprit procède de l'amour le plus parfait du Père et du Fils. Il faut

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