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vos paroles Dieu était avant... avant Marie, comme vous vouliez dire; par conséquent elle n'a pu l'engendrer. Sachez que nous laissons intacte l'éternité de Dieu, et que nous nous bornons à croire avec saint Athanase (Or. c. Arian.) « que le Sauveur a toujours été Dieu, mais qu'ayant pris chair de la vierge Marie, mère de Dieu, il s'est fait homme. » Pour comprendre dans quel sens nous disons que Marie est mère de Dieu, il faut se souvenir que dans Jésus-Christ il n'y a qu'une personne, la seconde de la sainte Trinité, et que dans cette personne du Verbe sont unies et la nature divine, et la nature humaine; de sorte que Jésus-Christ est Dieu parfait et homme parfait, selon le symbole de saint Athanase. Je pourrai donc appliquer au Christ homme les attributs de Dieu, et au Christ Dieu les attributs de l'homme, puisque ces attributions se feront en définitive à la personne qui est à la fois Dieu et homme. Ecoutez comment s'expriment sur ce dogme nos livres saints et nos symboles: Nous reconnaissons la charité de Dieu en ce qu'il a donné son âme pour nous. Vous voyez là attribué à Dieu ce qui est de l'homme. (Joan. Ep. 1. 3.) Mon père et moi, nous sommes une même chose. (Joan. 10.) Ce que mon père fait, je le fais aussi. (Joan.5.) Voilà ce qui appartient à Dieu, attribué au Christ. Notre symbole l'exprime de la même manière : « Je crois en son Fils unique ; Dieu de Dieu, vrai Dieu...» et il ajoute sur ce Fils de Dieu: « Qui a été conçu, est né, a souffert, est mort, etc...» Serez-vous étonné, après cela, si l'on

affirme que le Christ engendré de Marie était Dieu; que cette Vierge sainte a engendré Dieu? comme saint Jean Damascène le dit si clairement? « Quæ verum Deum genuit. » Ne soyez pas désobligé, si j'achève par une réflexion qui ne peut vous concerner : c'est qu'on n'attribue des absurdités à la croyance des catholiques, que par ignorance, ou par malice. Qu'on l'examine attentivement et de bonne foi, on se convaincra bientôt que tout, tout, dans sa doctrine, est fondé sur les autorités les plus respectables, et que la raison ne saurait trouver dans ses dogmes saints aucune espèce de contradiction.

LE D. Votre réflexion, moins la malice, me va très bien, et je n'ai pas trop à me plaindre de cette opinion de mon ignorance, qui me protége et m'enhardit dans mes naïvetés. En voici peut-être une autre dans la question que je vous ferai relativement à l'âme de Jésus-Christ. Avaitelle une volonté propre ? en d'autres termes, y avait-il dans le Sauveur deux volontés, l'une divine et l'autre humaine ?

LE TH. Rassurez-vous: la question que vous proposez est très importante, et mérite d'être examinée avec grande attention. Oui, il y a en Jésus-Christ deux volontés. N'avons-nous pas vu qu'il est Dieu parfait, homme parfait ? Où serait cette perfection de l'homme, si l'âme était ou purement sensitive, ou intelligente sans la faculté de vouloir ? Concevez-vous sur la terre un homme parfait avec une telle privation? Au reste

les livres saints sont clairs et explicites sur ce point de notre foi; la volonté humaine de notre Seigneur y est exprimée de la manière la plus formelle. Je suis descendu du ciel, nous dit-il luimême, non pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. (Joan. 6.) Je ne cherche point ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. (5.) Entendez-le au moment de sa passion : O mon père! si c'est possible, que ce calice s'éloigne de moi; mais néanmoins, qu'il en soit, non comme je le veux, mais comme vous le voulez. (Matth. 26.) Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la vôtre. (Luc. 22.) Comme Dieu, Jésus-Christ avait essentiellement la volonté de son Père, commune aux trois personnes divines, et cependant il est parlé ici d'une volonté différente de celle de son Père, laquelle évidemment ne peut être que la volonté humaine. C'est ainsi que les théologiens et les docteurs expliquent les textes précédents : « Il montre là deux volontés, l'une humaine, l'autre divine. En disant, non ma volonté, il rapporte la sienne à l'homme, celle de son père à la divinité.» Voilà comment s'expriment saint Athanase et saint Ambroise. (Or. de inc. in Lucam.) De ces deux natures parfaites, de ces deux volontés, il résultera deux sortes d'opérations en Jésus-Christ. L'opération divine, vous l'admettez avec la volonté divine. Il reste donc à vous montrer l'opération humaine, dout vous avez des témoignages positifs dans ces passages des livres saints: Il s'est rabaissé lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la

mort. (Philipp. 2.) It a appris l'obéissance par tout ce qu'il a souffert. (Heb. 5.) Mon âme est triste jusqu'à la mort. (Matth. 26.) Son obéissance, sa tristesse, ses larmes, etc., ne peuvent être que des opérations humaines, tout le monde le comprend. Citons encore la décision du troisième concile général de Constantinople contre les Monothélites qui niaient ces vérités. Il y fut défini que, selon la doctrine des saints pères, on doit confesser qu'il y a en Jésus-Christ deux volontés naturelles, et deux opérations naturelles, sans division, sans conversion, sans séparation, et sans confusion.

LE D. Vous venez de démontrer que JésusChrist avait une volonté humaine, puisqu'il était homme parfait. Je le pensais ainsi avant de vous proposer ma question; mais la difficulté portait principalement sur les qualités de cette volonté. Si on la dit sans liberté, comme celle des saints au ciel, à la bonne heure: tout se trouvera concilié, Jésus-Christ aura été un homme parfait avec une volonté sous l'empire d'une sainte nécessité. Si vous prétendez que cette volonté a été libre, je vois une impossibilité manifeste à accorder la liberté du Sauveur avec son impeccabilité.

LE TH. C'est là en effet, au jugement des théologiens, une des plus grandes difficultés. Lors même que nous ne viendrions pas à bout de comprendre cet accord dont vous parlez, il faudrait bien affirmer que Jésus-Christ a vraiment été impeccable, vous en convenez, et aussi qu'il a

eu la liberté indispensable pour le mérite, puisqu'il a réellement mérité. Examinons donc la nature de cette liberté, et commençons par nous fixer sur les préceptes que le Sauveur avait à observer. Quels étaient-ils ? les préceptes naturels, moraux, et le précepte de la mort. Je me hâte de vous dire que le Christ ne pouvait violer ces commandements, à cause de son impeccabilité; et cependant il restait libre pour les préceptes naturels en tout ce qui était relatif aux circonstances de ces préceptes; et pour la mort, sa liberté s'étendait jusqu'à la substance même du précepte.

LE D. Veuillez me donner une explication de ce que vous appelez substance, motif, et circonstances d'un précepte.

LE TH. Dans tout précepte, la substance est la chose commandée, et le motif, une raison qui porte à accomplir le commandement. Dans l'aumône, par exemple, on pourra être déterminé par la compassion envers le pauvre, par l'amour de Dieu, etc. Les circonstances accompagnent l'accomplissement d'un précepte, sans y être essentiellement attachées, comme dans l'amour, l'obéissance 9 tel degré d'intensité. Ecoutez à présent l'application de ces notions:

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Jésus-Christ n'était pas libre sur la substance des préceptes naturels, qu'il n'aurait pu violer sans pécher, et dont d'ailleurs il ne pouvait pas être dispensé. Mais dans les actes de ces préceptes, il n'y a pas ordinairement de motif déter

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