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non-seulement pour le temps qui lui est personnellement assuré, c'est-à-dire pour toute la durée de sa vie, mais encore pour le temps accordé à ses héritiers après son décès, a excité quelques ob

la contrefaçon appartiendra à l'auteur pendant toute la durée de sa vie, et à ses héritiers pendant trente ans, à partir de sa mort. A l'expiration de ce terme, la protection assurée par la loi cessera d'avoir effet. La loi ne prononce nulle part le mot de propriété et ne parle que de protection contre la contrefaçon, parce que c'est, en effet, tout ce que peuvent réclamer les auteurs. Les mêmes dispositions sont appliquées aux œuvres de l'art et aux compositions musi-' cales. La représentation d'un ouvrage dramatique ou musical ne pourra avoir lieu qu'avec la permission de l'auteur pendant sa vie, où de ses héritiers et ayans droit pendant dix ans après son décès.

Le code pénal bavarois porté que tout individu qui, sans le consentement de l'auteur, de ses héritiers ou ayans cause, aura publié, par l'impression ou par toute autre voie, un ouvrage de science ou d'art sera condamné à des dommages et intérêts et aux peines portées par le privilége accordé à l'éditeur, ou, à défaut, par les lois de police.

Dans le royaume de Wurtemberg, une loi de 1835 n'assure que pour six ans aux auteurs et éditeurs la protection légale contre la contrefaçon.

Le code civil du grand-duché de Bade contient un chapitre iutitulé: De la propriété littéraire. Cette propriété, dit-il, est transmissible comme toute autre propriété, mais elle s'éteint, pour les écrits imprimés, à la mort de l'auteur.

En Danemarck, une ordonnance de 1441 garantit les droits des auteurs et prohibe] elles contrefaçons. Une ordonnance de 1828 étend le bénéfice de cette législation aux auteurs étrangers sujets de tout gouvernement qui accordera la même protection sur son territoire aux sujets danois.

En Russie, un ukase de 1830 reconnoît à tout auteur ou traducteur d'un livre le droit exclusif de l'éditer et de le vendre à son gré comme bien'acquis. Après son décès, ce droit passe à ses héritiers ou ayans cause, et ne peut se prolonger au delà de vingt-cinq ans.

En Italie, les contrefaçons se multiplient sans que les divers États de la Péninsule paroissent s'en occuper; on assure même qu'elles sont protégées dans quelques endroits ; les droits des auteurs y résultent des priviléges qui peuvent leur être accordés par les divers gouvernemens italiens. Toutefois, les lois pénales des Deux-Siciles punissent d'une amende et de dommages et intérêts l'édition, la vente, le débit ou l'introduction d'écrits, compositions musicales, dessins, peintures, ou autres productions imprimées ou gravées au mépris des lois et des règlemens relatifs à la propriété et au privilége des auteurs et éditeurs.

Le nouveau code civil pour les États sardes reconnoît que les productions de l'esprit sont la propriété de l'auteur, à la charge d'observer les lois et règlemens qui devront régler la matière. Je dois à M. Renouard, conseiller à la cour de cassation, d'avoir pu compléter cet extrait de la législation étrangère. On trouvera dans son excellent ouvrage sur les droits des auteurs' tous les renseignemens qu'on pourroit désirer sur ce qui concerne cette matière.

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servations. On a demandé s'il étoit bien conforme aux intentions du législateur, dont le but est d'améliorer la position des familles des, gens de lettres, d'autoriser ceux-ci à les dépouiller à l'avance, en aliénant leur héritage.

Si le droit que l'on garantit aux auteurs n'est point un droit naturel, mais un privilége résultant d'un octroi bénévole de la loi, la loi doit chercher à le rendre le plus profitable possible à leur famille. Elle devroit, en conséquence, compléter le privilége qu'elle crée, et déclarer que l'auteur ne pourra pas aliéner les droits qui, après son décès, appartiendront à ses représentans.

Cette proposition d'établir ainsi une sorte de propriété inaliénable en faveur des héritiers de l'auteur n'a pas paru à la majorité de votre commission devoir être acceptée. Il faudroit des causes bien graves pour entraver la faculté dont chacun jouit de disposer, de son vivant et par dispositions testamentaires, de ce qu'il a légitimement acquis, et ces causes ne lui ont pas semblé se rencontrer ici. En effet, l'on ne doit pas supposer qu'un père de famille soit porté à dévorer, de son vivant, le patrimoine de ses enfans, et les auteurs, quelque peu soucieux de leur fortune qu'on puisse les supposer, ne doivent pas inspirer, à cet égard, plus de crainte que les autres citoyens.

Il ne faut d'ailleurs pas se dissimuler que la faculté laissée à l'auteur d'aliéner, de son vivant, ses droits et ceux de ses héritiers peut être, dans beaucoup de cas, fort avantageuse à ceux-ci. Les ouvrages qui traversent les siècles sont rares, et l'on a vu les livres les plus recherchés à leur apparition tomber bientôt dans le discrédit et l'oubli. Un auteur, en cédant le droit de ses ayans cause, pourra donc, dans bien des cas, leur assurer un héritage plus fructueux qu'un privilége: exclusif de publication.

L'article 6 assure le même privilége à l'éditeur d'un ouvrage anonyme votre commission a pensé qu'il falloit l'étendre à l'éditeur des ouvrages publiés sous un nom supposé; mais elle a ajouté que ces éditeurs n'en jouiroient que jusqu'à ce que l'auteur ou le véritable auteur se fût fait connoître. Il a paru inutile de dire que le temps pendant lequel l'éditeur auroit joui de son droit seroit précompté sur les trente années de jouissance des héritiers de l'auteur, si le droit de l'éditeur ne venoit à cesser qu'après le décès de l'auteur. Si c'est l'auteur lui-même qui rentre dans son droit, il y aura lieu à l'application des articles 1 et 2.

Le projet de loi n'avoit rien stipulé en faveur des leçons orales

des professeurs, des sermons, plaidoyers et autres discours prononcés publiquement. La jurisprudence a déjà consacré le droit des professeurs; il a paru utile qu'il le fût par la loi elle-même. La même garantie doit appartenir aux avocats, aux prédicateurs et à tous ceux qui prononcent des discours en public; mais ce ne peut être que lorsqu'il s'agit de la publication de ces leçons ou de ces discours en corps d'ouvrages. Il ne peut venir à la pensée de personne de mettre obstacle à leur reproduction entière ou par fragmen's dans les journaux quotidiens ou autres. Les discours prononcés en public en appartiennent aux auditeurs et aux feuilles qui font profession de les faire connoître. Ceux qui sont prononcés dans les chambres et devant les tribunaux ne peuvent avoir trop de publicité; elle est prescrite par les lois. Mais, si les journaux ont le droit de les transcrire ou de les analyser, celui de les publier séparément ou d'en former le recueil doit être réservé à leurs auteurs; et c'est ce que nous avons voulu consacrer dans l'article additionnel, sous le no 7.

TITRE II.

Le goût des représentations théâtrales, si vif chez les anciens, remonte en France jusqu'aux premiers temps de notre histoire. Dès le xive siècle, elles furent soumises à des règlemens, et c'est dans le xvie que la censure théâtrale, si nécessaire dans un État policé, fut établie. Elle n'a pas cessé d'être inscrite dans nos lois.

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Les comédiens achetoient ordinairement les pièces des auteurs. On sait, par les registres conservés au Théâtre-François, combien peu les ouvrages de Corneille et de Molière ont été payés. Ils devenoient la propriété des comédiens. Quinault paroît être le premier qui se soit assuré, par un traité passé avec eux, d'une part proportionnelle dans le produit des représentations. Elle fut dès lors fixée au neuvième. Ce marché a servi de base aux traités postérieurs passés avec la Comédie françoise. Divers arrêts du conseil confir mèrent ces dispositions; et, jusqu'en 1757, il fut réglé que les au teurs toucheroient le neuvième de la recette après prélèvement des frais ordinaires et journaliers, et cela jusqu'à ce que deux ren cettes consécutives eussent prouvé que la comédie n'avoit retiré que ses frais. Alors la pièce appartenoit aux comédiens. Cet état de choses, contre lequel les auteurs s'étoient souvent et inutilement

soulevés, continua jusqu'en 1791, qu'intervint la loi du 19 janvier. Elle établit la liberté d'élever des théâtres et d'y faire représenter des pièces de tous les genres, en soumettant la représentation des pièces des auteurs vivans à leur consentement écrit et formel. Depuis, l'autorité ne se mêla plus des marchés passés entre les auteurs et les comédiens. Le projet de loi confirme cette dispo tion; il maintient le droit de l'auteur pendant toute sa vie ; mais, après sa mort, l'ouvrage peut être librement représenté, à moins d'une convention contraire, à la seule charge que, pendant trente ans, ses héritiers percevront une rétribution égale à celle · dont il jouissait de son vivant. La législation actuelle n'accorde que dix ans aux représentans des auteurs dramatiques après leur décès. C'est donc une prolongation de vingt ans qu'ils obtiendront en vertu de cette nouvelle disposition.

Les ouvrages dramatiques, quant à leur publication par la voie de l'impression, rentrent dans les dispositions du titre Ier; elles leur sont appliquées par le second paragraphe de l'article 8 du projet dont nous avons pensé qu'il était convenable de faire un article séparé.

TITRE III.

Les arts sont ainsi que les lettres une émanation du génie; ils ne diffèrent que par la forme dont ils revêtent la pensée. La parole, l'écriture, le crayon, le ciseau, le chant, servent d'interprètes à l'imagination, et c'est à cause de cette origine commune qu'on a jugé devoir couvrir d'une garantie pareille des productions qui, il faut en convenir, sont peu semblables entre elles.

Il existe, en effet, une différence notable entre un ouvrage littéraire et un ouvrage de l'art. L'ouvrage littéraire ne peut se répandre qu'au moyen de l'impression, et lorsqu'il est imprimé, il est transmis en entier à tous ceux qui en achètent un exemplaire. Le manuscrit d'un livre imprimé peut être précieux aux yeux de quelques amateurs; mais le plus grand nombre préfère les copies sorties des presses des Didot, des Bodoni, des Ibarra ou des Baskerville. Le manuscrit ne contient rien qui ne soit dans l'exemplaire imprimé.

Il n'en est point de même d'un tableau, d'un dessin, d'une

sculpture, d'un monument qu'on imite au moyen de la gravure ou de la lithographie. Une estampe n'est qu'une imitation plus ou moins exacte, presque toujours réduite, destinée seulement à rappeler une œuvre de l'art à ceux qui l'ont vue, à en donner une idée imparfaite à ceux qui ne la connaissent pas. Quelle que soit sa perfection, la gravure ne rend ni le coloris d'un tableau, ni le relief et les divers aspects d'une sculpture. Ce n'est que la traduction, dans un autre langage, d'un ouvrage qu'un autre art a créé.

Un dessin, un tableau, une statue, constituent une propriété matérielle que le code civil a pu comprendre parmi les propriétés mobilières. Elle passe entière d'un possesseur à un autre; et lorsqu'on a acheté un dessin, un tableau ou un ouvrage de sculpture, on est devenu propriétaire d'un tout unique et indivisible; on peut en jouir seul, on peut le détruire, on n'en doit compte à personne, pas même à l'artiste qui l'a vendu. Ce serait attenter à ce droit illimité de propriété que de s'introduire chez l'acquéreur pour copier ou graver cet ouvrage, et le publier sans son autorisation.

Aussi l'art. 12 du projet amendé par la commission a-t-il pour but de consacrer ce droit exclusif de propriété sur les ouvrages des arts, droit qui passe de l'auteur à l'acquéreur, à moins d'une réserve expresse insérée dans le contrat de vente.

Cette disposition semble si naturelle et si conforme à la raison, qu'on eût pu croire qu'elle était inutile, si des prétentions élevées à ce sujet par quelques artistes ne l'avaient rendue nécessaire.

La propriété des dessins destinés aux fabriques d'étoffes ne doit pas être confondue avec les droits que le projet de loi qui nous occupe a pour objet de garantir; elle continuera à être régie par les lois et règlements particuliers qui concernent le commerce.

TITRE IV.

on

Quant aux œuvres de musique, qui font l'objet du titre IV, leur applique, pour ce qui regarde la publication par l'impression ou la gravure, les dispositions du titre Ier; et celles du titre II, èn ce qui concerne leur exécution sur un théâtre ou dans des concerts publics.

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