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Le fort tomba fur Jonathas, pour le punir d'avoir mangé un peu de miel au bout d'une verge. (g)

Les matelots de Joppé jetèrent le fort pour apprendre de DIEU quelle était la caufe de la tempête (h). Le fort leur apprit que c'était Jonas, et ils le jetèrent dans la mer.

Toutes ces épreuves par le fort, qui n'étaient que des fuperftitions profanes chez les autres nations, étaient la voix de DIEU même chez le peuple chéri, et tellement la voix de DIEU, que les apôtres tirèrent au fort la place de l'apôtre Judas (i). Les deux concurrens étaient S Mathias et Barfabas. La Providence fe déclara pour S Mathias.

Le pape Honorius, troifième du nom, défendit par une décrétale que l'on se servît dorénavant de cette voie pour élire des évêques. Elle était affez commune : c'est ce que les païens appelaient fortilegium, fortilège. Caton dit dans la Pharfale:

Sortilegis egeant dubii.

Il y avait d'autres épreuves au nom du Seigneur chez les Juifs, comme les eaux de

(g) Liv. I des Rois, chap. XIV, v. 42.

(h) Jonas, chap. I.

(i) Actes des apôtres, chap. I.

jaloufie.

jaloufie (). Une femme foupçonnée d'adultère devait boire de cette eau mêlée avec de la cendre, et confacrée par le grand- prêtre. Si elle était coupable, elle enflait fur le champ, et mourait. C'eft fur cette loi que tout l'Occident chrétien établit les épreuves dans les accufations juridiques, ne fachant pas que ce qui était ordonné par DIEU même dans l'ancien Teftament, n'était qu'une fuperftition abfurde dans le nouveau.

Le duel fut une de ces épreuves, et elle a duré jusqu'au feizième siècle. Celui qui tuait fon adverfaire avait toujours raison.

La plus terrible de toutes était de porter, dans l'efpace de neuf pas, une barre de fer ardent fans fe brûler. Auffi l'hiftoire du moyen âge, quelque fabuleufe qu'elle foit, ne rapporte aucun exemple de cette épreuve, ni de celle qui confiftait à marcher fur neuf coutres de charrue enflammés. On peut douter de toutes les autres, ou expliquer les tours de charlatans dont on fe fervait pour tromper les juges. Par exemple, il était très-aifé de faire l'épreuve de l'eau bouillante impunément; on pouvait présenter un cuvier à moitié plein d'eau fraîche, et y verfer juridiquement de la chaude, moyennant quoi l'accufé plongeait fa main dans

(k) Nombres, chap. V, v. 17.

Dictionn. philofoph. Tome V.

L

l'eau tiède jufqu'au coude, et prenait au fond l'anneau béni qu'on y jetait.

On pouvait faire bouillir de l'huile avec de l'eau, l'huile commence à s'élever, à jaillir, à paraître bouillonner quand l'eau commence' à frémir; et cette huile n'a encore acquis que très-peu de chaleur. On femble alors mettre fa main dans l'eau bouillante; et on l'humecte d'une huile qui la préferve.

Un champion peut très-facilement s'être endurci jusqu'à tenir quelques fecondes un anneau jeté dans le feu fans qu'il refte de grandes marques de brûlure.

Paffer entre deux feux fans fe brûler n'est pas un grand tour d'adreffe quand on paffe fort vite, et qu'on s'eft bien pommadé le vifage et les mains. C'eft ainfi qu'en ufa ce terrible Pierre Aldobrandin, Petrus Igneus, (fuppofé que ce conte foit vrai) quand il paffa entre deux bûchers à Florence, pour démontrer, avec l'aide de DIEU, que fon archevêque était un fripon et un débauché. Charlatans! charlatans! disparaiffez de l'hiftoire.

C'était une plaifante épreuve que celle d'avaler un morceau de pain d'orge, qui devait étouffer fon homme s'il était coupable. J'aime bien mieux Arlequin, que le juge interroge fur un vol dont le docteur Balouard

l'accufe. Le juge était à table, et buvait d'excellent vin quand Arlequin comparut; il prend la bouteille et le verre du juge, il vide la bouteille, et lui dit : Monfieur, je veux que ce vin-là me ferve de poison, fi j'ai fait ce dont on m'accufe.

EQUIVO QUE.

FAUTE de définir les termes, et furtout faute de netteté dans l'efprit, presque toutes les lois, qui devraient être claires comme l'arithmétique et la géométrie, font obfcures comme des logogryphes, La trifte preuve en eft que prefque tous les procès font fondés fur le fens des lois, entendues prefque toujours différemment par les plaideurs, les avocats et les juges.

Tout le droit public de notre Europe eut pour origine des équivoques, à commencer par la loi falique. Fille n'héritera point en terre Jalique. Mais qu'eft-ce que terre falique? et fille n'héritera-t-elle point d'un argent comptant, d'un collier à elle légué qui vaudra mieux que la terre?

Les citoyens de Rome faluent Karl, fils de Pepin le bref l'auftrafien, du nom d'imperator. Entendaient-ils par là: Nous vous conférons

tous les droits d'Octave, de Tibère, de Caligula, de Claude; nous vous donnons tout le pays qu'ils poffédaient? Mais ils ne pouvaient le donner, puisque loin d'en être les maîtres, ils l'étaient à peine de leur ville. Jamais il n'y eut d'expreffion plus équivoque; et elle l'était tellement qu'elle l'eft encore.

L'évêque de Rome Léon III, qui, dit-on, déclara Charlemagne empereur, comprenait - il la force des termes qu'il prononçait? Les Allemands prétendent qu'il entendait que Charles ferait fon maître ; la daterie a prétendu qu'il voulait dire qu'il ferait maître de Charlemagne.

Les chofes les plus refpectables, les plus facrées, les plus divines, n'ont-elles pas été obfcurcies par les équivoques des langues?

On demande à deux chrétiens de quelle religion ils font ; l'un et l'autre répond: Je fuis catholique. On les croit tous deux de la même communion; cependant l'un eft de la grecque, l'autre de la latine, et tous deux irréconciliables. Si on veut s'éclaircir davantage, il fe trouve que chacun d'eux entend par catholique univerfel, et qu'en ce cas univerfel a fignifié partie.

L'ame de St François eft au ciel, eft en paradis. Un de ces mots fignifie l'air, l'autre veut dire jardin.

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