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même taux avec la clause inhibitoire au titre XLIII: cela monte à quatre-vingt-dix tournois douze ducats et fix carlins : cum inhibitione

turonenfes 90, ducatos 12, carlinos 6, &c.

Il eft bien difficile de croire que Léon X ait eu l'imprudence de faire imprimer cette taxe en 1514, comme on l'affure; mais il faut confidérer que nulle étincelle ne paraiffait alors de l'embrasement qu'excitèrent depuis les réformateurs, que la cour de Rome s'endormait fur la crédulité des peuples, et négligeait de couvrir ces exactions du moindre voile. La vente publique des indulgences, qui fuivit bientôt après, fait voir que cette cour ne prenait aucune précaution pour cacher des turpitudes auxquelles tant de nations étaient accoutumées. Dès que les plaintes contre les abus de l'Eglife romaine éclatèrent, elle fit ce qu'elle put pour fupprimer le livre; mais elle ne put y parvenir.

Si j'ofe dire mon avis fur cette taxe, je crois que les éditions ne font pas fidelles; les prix ne font du tout point proportionnés : ces prix ne s'accordent pas avec ceux qui font allégués par d'Aubigné, grand-père de madame de Maintenon, dans la Confeffion de Sanci: il évalue un pucelage à fix gros, et l'incefte avec sa mère et sa sœur à cinq gros ; ce compte ridicule. Je pense qu'il y avait en effet une

eft

taxe établie dans la chambre de la daterie, pour ceux qui venaient fe faire abfoudre à Rome, ou marchander des dispenses; mais que les ennemis de Rome y ajoutèrent beaucoup pour la rendre plus odieuse. Confultez Bayle aux articles Bank, Pinet, Drelincourt.

Ce qui eft très-certain, c'eft que jamais ces taxes ne furent autorisées par aucun concile; que c'était un abus énorme inventé par l'avarice, et refpecté par ceux qui avaient intérêt à ne le pas abolir. Les vendeurs et les acheteurs y trouvaient également leur compte: ainsi prefque perfonne ne réclama jufqu'aux troubles de la réformation. Il faut avouer qu'une connaissance bien exacte de toutes ces taxes fervirait beaucoup à l'histoire de l'efprit humain.

EXTREM E.

Nous effayerons ici de tirer de ce mot

extrême une notion qui pourra être utile.

On difpute tous les jours fi à la guerre la fortune ou la conduite fait les fuccès.

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Si dans les maladies la nature agit plus que la médecine pour guérir ou pour tuer.

Si dans la jurisprudence il n'eft pas trèsavantageux de s'accommoder' quand on a raison, et de plaider quand on a tort.

Si les belles-lettres contribuent à la gloire d'une nation ou à fa décadence.

S'il faut ou s'il ne faut pas rendre le peuple fuperftitieux.

S'il y a quelque chofe de vrai en métaphyfique, en hiftoire, en morale.

Si le goût eft arbitraire, et s'il est en effet un bon et un mauvais goût, &c. &c.

Pour décider tout d'un coup toutes ces queftions, prenez un exemple de ce qu'il y a de plus extrême dans chacune; comparez les deux extrémités oppofées, et vous trouverez d'abord le vrai.

Vous voulez favoir fi la conduite peut décider infailliblement du fuccès à la guerre; voyez le cas le plus extrême, les fituations les plus oppofées où la conduite feule triomphera infailliblement. L'armée ennemie eft obligée de paffer dans une gorge profonde de montagnes; votre général le fait; il fait une marche forcée, il s'empare des hauteurs, il tient les ennemis enfermés dans un défilé; il faut qu'ils périffent ou qu'ils fe rendent. Dans ce cas extrême, la fortune ne peut avoir nulle part à la victoire. Il eft donc démontré que l'habileté peut décider du fuccès d'une campagne; de cela feul il eft prouvé que la guerre eft un art.

Enfuite imaginez une position avantageuse,

mais moins décifive; le fuccès n'eft pas fi certain, mais il est toujours très-probable. Vous arrivez ainfi de proche en proche jusqu'à une parfaite égalité entre les deux armées ; qui décidera alors? la fortune, c'eft-à-dire, un événement imprévu, un officier - général tué lorfqu'il va exécuter un ordre important, un corps qui s'ébranle fur un faux bruit, une terreur panique, et mille autres cas auxquels la prudence ne peut remédier; mais il refte toujours certain qu'il y a un art, une tactique.

Il en faut dire autant de la médecine, de cet art d'opérer de la tête et de la main, pour rendre à la vie un homme qui va la perdre.

Le premier qui faigna et purgea à propos un homme tombé en apoplexie; le premier qui imagina de plonger un biftouri dans la veffie pour en tirer un caillou, et de refermer la plaie; le premier qui fut prévenir la gangrène dans une partie du corps, étaient fans doute des hommes prefque divins, et ne reffemblaient pas aux médecins de Molière.

Descendez de cet exemple palpable à des expériences moins frappantes et plus équivoques; vous voyez des fièvres, des maux de toute espèce qui fe guériffent, fans qu'il foit bien prouvé fi c'est la nature ou le médecin qui les a guéris; vous voyez des maladies

dont l'iffue ne peut fe deviner; vingt médecins s'y trompent; celui qui a le plus d'esprit, le coup d'œil plus jufte, devine le caractère de la maladie. Il y a donc un art; et l'homme fupérieur en connaît les fineffes. Ainfi la Peironie devina qu'un homme de la cour devait avoir avalé un os pointu qui lui avait caufé un ulcère, et le mettait en danger de mort; ainfi Boërhaave devina la caufe de la maladie auffi inconnue que cruelle d'un comte de Vaffenaar. Il y a donc réellement un art de la médecine; mais dans tout art il y a des Virgiles et des Mævius.

Dans la jurifprudence, prenez une cause nette, dans laquelle la loi parle clairement; une lettre de change bien faite, bien acceptée; il faudra par tout pays que l'accepteur foit condamné à la payer. Il y a donc une jurifprudence utile, quoique dans mille cas les jugemens foient arbitraires, pour le malheur du genre-humain, parce que les lois font mal

faites.

Voulez-vous favoir fi les belles-lettres font du bien à une nation; comparez les deux extrêmes, Cicéron et un ignorant groffier. Voyez fi c'eft Pline ou Attila qui fit la décadence de Rome.

On demande fi l'on doit encourager la fuperftition dans le peuple; voyez furtout ce

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