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PHILOSOPHIQUE.

E.

EMPOISONNEMENS.

REPETONS fouvent des vérités utiles. Il y a toujours eu moins d'empoifonnemens qu'on ne l'a dit ; il en eft prefque comme des parricides. Les accufations ont été communes, et ces crimes ont été très-rares. Une preuve, c'eft qu'on a pris long-temps pour poison ce qui n'en eft pas. Combien de princes fe font défaits de ceux qui leur étaient fufpects en leur fefant boire du fang de taureau ? combien d'autres princes en ont avalé pour ne point tomber dans les mains de leurs ennemis? Tous les hiftoriens anciens, et même Plutarque, l'atteftent.

J'ai été tant bercé de ces contes dans mon enfance, qu'à la fin j'ai fait faigner un de mes taureaux, dans l'idée que fon fang m'appartenait, puifqu'il était né dans mon étable (ancienne prétention dont je ne difcute pas ici la validité); je bus de ce fang comme Atrée et mademoiselle de Vergi. Il ne me fit pas plus de mal que le fang de cheval n'en fait aux

Tartares, et que le boudin ne nous en fait tous les jours, furtout lorsqu'il n'eft pas trop gras.

Pourquoi le fang du taureau ferait-il un poifon quand le fang de bouquetin passe pour un remède ? Les payfans de mon canton avalent tous les jours du fang de bœuf, qu'ils appellent de la fricaffée; celui de taureau n'eft pas plus dangereux. Soyez sûr, cher lecteur, que Thémistocle n'en mourut pas.

Quelques fpéculatifs de la cour de Louis XIV crurent deviner que fa belle-fœur Henriette d'Angleterre avait été empoisonnée avec de la poudre de diamant, qu'on avait mise dans une jatte de fraises au lieu de fucre rapé; mais ni la poudre impalpable de verre ou de diamant, ni celle d'aucune production de la nature, qui ne ferait pas venimeufe par elle-même, ne pour

rait être nuifible.

Il n'y a que les pointes aiguës, tranchantes, actives, qui puiffent devenir des poisons violens. L'exact obfervateur Mead (que nous prononçons Mide), célèbre médecin de Londres, a vu au microscope la liqueur dardée par les gencives des vipères irritées; il prétend qu'il les a toujours trouvées femées de ces lames coupantes et pointues, dont le nombre innombrable déchire et perce les membranes internes. (1)

(1) On ne peut expliquer les effets d'un poifon par une caufe mécanique de cette eipèce. Quelques-uns paraiffent avoir

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