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NOUVEL ORGANE MOTEUR

des Parachutes des Mines

AVEC

QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA THÉORIE DE CES APPAREILS.

On nomme parachutes des mines les appareils destinés à arrêter les vases servant à l'extraction lorsque, par suite de la rupture du câble ou de tout autre accident, ils retombent dans le puits. L'application n'en a été faite jusqu'à ce jour que dans des voies guidées, c'est-à-dire dans lesquelles les vases sont conduits dans leur marche ascendante ou descendante par des pièces fixes nommées guides, rails, coulisses, etc.

Les vases d'extraction sont exposés à deux espèces de chutes dont la vitesse va en s'accélérant et arrive bientôt, si elle n'est modérée par l'action d'un organe spécial, à un point où la destruction de toutes les parties qu'elle anime est imminente et presque inévitable. L'une est déterminée, ordinairement, par la rupture du câble de suspension résultant d'une surcharge de la corde, de sa mauvaise fabrication ou de sa mauvaise qualité, de son état de vétusté, de vibrations violentes, de chocs ou

de secousses brusques reçues, par exemple, au moment du renlevage, origine de l'ascension, ou bien lorsque, par suite de l'imprudence ou de la négligence du machiniste, la cage va à molettes. Cette rupture provient souvent aussi de la mauvaise confection ou du mauvais état de l'œillet d'attache, d'un manque d'entretien, du non renouvellement de certaines parties qui, fatiguant beaucoup plus que les autres, se détériorent plus vite; on l'a quelquefois attribuée à l'enroulement de la corde sur des tambours, bobines ou molettes d'un trop petit diamètre; à l'inflexion résultant ordinairement, pour l'un des câbles, de son enroulement dans un sens sur la bobine et dans l'autre sens sur la molette; etc. Ce cas de chute peut être désigné sous le nom de chute libre, le poids de toutes les parties en mouvement contribuant à l'accélération de la vitesse. L'autre cas, qui paraît au premier abord moins effrayant, qui est en réalité tout aussi redoutable et souvent plus désastreux, est distingué par les mineurs du Hainaut sous le nom de ballage de la machine. Lorsque celle-ci a à descendre un poids qui excède sa force, le poids l'emporte sur elle, la vitesse s'accélère et, dans un temps trèscourt, vase, corde, machine, ouvriers, tout est en péril. Le même accident pourra arriver s'il y a rupture du piston ou de sa tige; du balancier ou des bielles; de la manivelle, et l'état de son bouton doit surtout fixer l'attention; des engrenages dont les dents sont crdinairement la partie la plus faible; du volant ou de son arbre, ou, enfin, de l'arbre des bobines. La désunion des organes par suite de la rupture, du déforcement, du glissement, ou du jeu des assemblages peut aussi occasionner une semblable catastrophe. Les machines mal construites ou mal entretenues, montées sur de mauvaises fondations, établies ou réparées à la hâte, renforcées dans quelques-unes de leurs parties seulement, ou enfin conduites par des ouvriers inhabiles, sont surtout sujettes à ces inconvénients. (Parmi les nombreux avantages des machines d'extraction à deux cylindres et à action directe sur les bobines, avantages mêlés de bien peu d'inconvénients relatifs, j'ai entendu citer, avec raison je crois, celui d'être moins exposées au ballage).

De bonnes cordes et de bonnes machines; voilà, sans aucun doute, les moyens d'éviter ces accidents. Mais il n'est pas toujours facile d'avoir en bon état ces instruments indispensables à l'extraction telle qu'elle s'opère aujourd'hui. Veut-on s'installer? On a l'embarras du choix et il est d'autant plus facile de se tromper que des considérations mal entendues de personnes ou d'économie viennent souvent peser sur la décision qui sera prise. S'agit-il de renouveler le matériel? On hésite d'abord et on laisse arriver le moment où il n'y a plus moyen de temporiser; on fait vite alors et par conséquent on fait mal.

J'admettrai volontiers que les bons exploitants n'agissent pas ainsi; aussi sont-ils beaucoup mieux servis, et on leur donne toutes les garanties qu'ils désirent; mais si le fabricant s'est trompé, s'il a dû employer des matériaux de médiocre qualité, etc., des accidents n'en sont pas moins possibles.

Des appareils spéciaux sont donc nécessaires pour prévenir ces accidents auxquels le mineur le plus éclairé, le plus prudent, est lui-même exposé; il ne faut toutefois les appliquer que dans ce but. Ils doivent être estimés au même point que les ventilateurs puissants et les lampes de sûreté dans la question de l'aérage, lesquels ne sont que des auxiliaires inutiles ou même nuisibles lorsqu'on a des voies ou des remblais mal entretenus ou une distribution vicieuse du courant. Si les freins ou les parachutes font négliger les machines ou les cordes, ce ne sont plus des instruments utiles, mais des instruments dangereux.

Les freins, naguère encore peu répandus, dont l'usage a été fortement recommandé par l'administration des mines, sont maintenant généralement employés. On les applique sur l'arbre des bobines. Leur principal but est d'arrêter le mouvement de la machine lors de rupture de l'une ou l'autre de ses pièces ou de tout autre accident pouvant entraîner un cas de ballage.

Je ne pense pas que des parachutes aient agi, jusqu'aujourd'hui, hors des cas de chute libre; ce ne serait guère qu'en les fondant sur la résistance de l'air au mouvement qu'on pourrait espérer de les voir fonctionner, théoriquement du moins,

dans toutes les circonstances. M. Andry, ingénieur-mécanicien, Boussu, m'ayant montré le dessin d'un appareil qu'on se proposait de faire construire sur ce principe, j'ai eu l'idée d'une disposition dont on pourrait peut-être attendre quelques bons résultats; elle est fondée sur le même principe et sur celui-ci qu'en cas de ballage l'action d'un corps pesant peut venir en aide au moteur du parachute.

Parmi les appareils spéciaux dont il est ici question, il faudrait encore mentionner les évite - molettes. Les plus en usage sont ceux qui déterminent le serrage du frein par le fait même de l'arrivée de la cage à une distance donnée de la molette. A cet égard j'indiquerai une disposition très-simple imaginée par M. Gravez, directeur-gérant du charbonnage de Sars-Long-Champs, et qui consiste à incliner les guides légèrement en dedans depuis l'orifice du puits jusqu'aux molettes. De cette manière les guides eux-mêmes font frein lorsque la cage arrive trop près de celles-ci, et, en cas de rupture de la corde, cette cage sera arrêtée dans sa chute par les taquets de service établis à l'orifice du puits, ou mieux par des taquets spéciaux placés à une petite distance des molettes.

Je noterai aussi une disposition tendant à la conservation des cordes et qui paraît être assez en usage en Angleterre. Elle consiste à avoir un ressort entre la cage et l'extrémité inférieure du câble. Il y a alors amortissement du choc que reçoit celui-ci à l'origine de chaque ascension. On n'a pas l'habitude ici d'employer un ressort semblable; il me parait cependant devoir présenter des avantages assez notables pour compenser, et audelà, dans les cages armées de parachutes et forcément alors munies d'un ressort de cette espèce, les inconvénients résultant du poids de ces appareils, inconvénients qui, pour le dire en passant, sont bien peu graves puisque le poids d'un parachute n'est en général que le 10 au 20o de celui de la cage chargée et que sa masse n'est qu'une fraction bien plus faible de la masse totale à mettre en mouvement à l'origine de chaque ascension. Ces considérations préliminaires me paraissent faire ressortir

tout l'intérêt qu'offre pour l'exploitant la question qui m'occupe. Relativement à l'ouvrier elle n'est pas moins importante, non pas que je croie qu'un parachute, supposé mème aussi bon qu'on puisse le désirer, soit ce qui lui convient le mieux, mais parce qu'il est malheureusement à craindre qu'il ne s'écoule encore un temps assez long avant que les fahrkunst (machines à descendre et à monter) soient généralement appliquées.

Les échelles sont très-fatiguantes; leur usage n'est pas sans danger, pour le très-jeune ouvrier surtout; le mineur un peu âgé ou infirme doit souvent y renoncer. L'usage des cuffats ou des cages est plus dangereux en ce sens surtout que les accidents qu'il occasionne sont plus graves. La comparaison est toutefois assez difficile; car si l'on voit, d'un côté, des catastrophes, heureusement assez rares, qui, comme les coups de grisou, frappent par leur soudaineté et souvent par le nombre des victimes, il est assez probable qu'on a, de l'autre, une foule d'accidents qui, comme ceux qui arrivent dans les lieux non aérés ou imparfaitement aérés, passent d'abord inaperçus et dont on ne reconnait la gravité qu'après un temps plus ou moins long.

Qu'il se serve des échelles ou du cuffat (ou de tout autre mode offrant des dangers) l'ouvrier doit être payé de sa peine ou pour le danger qu'il court. Il est possible que jusqu'aujourd'hui ce service ait été assez mal rétribué, mais il le sera mieux à mesure que les nouveaux appareils (fahrkunst ou échelles mobiles) se répandront, et le jour n'est peut-être pas éloigné où cette portion du travail journalier devra être payée très-cher.

On peut être certain qu'en cette matière le besoin suffira pour faire naître le progrès. Le véritable progrès consisterait dans l'emploi des fahrkunst perfectionnées; mais il y aura, je le répète, pour beaucoup de mines, une époque de transition, peut-être trop longue, pendant laquelle on continuera à se servir des cages; s'occuper des moyens de rendre leur emploi plus sûr, c'est donc travailler aussi dans l'intérêt de l'ouvrier, et je considère comme un devoir, pour ceux qui s'occupent de cette question, de faire connaître les résultats, bons ou mau

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