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CHARLES MALAPERT.

I.

ÉTUDES ASTRONOMIQUES.

ANALYSE COMPARÉE.

On sait que le nom de Malapert était porté au xvie et au xviie siècle par une noble famille de Mons, issue des seigneurs de Bazentin et qu'il rappelle encore aujourd'hui de précieux souvenirs généalogiques. Mais on connait moins l'illustration littéraire et scientifique qui doit s'y rattacher. Les ouvrages du P. Charles Malapert, quoique appréciés des bibliophiles, sont en général peu connus par les concitoyens du jésuite montois. Appelé par sa vocation et ses talents à remplir d'importantes

Les souvenirs généalogiques des seigneurs de Bazentin dits Malapert remontent à l'an 1200, on y voit des alliances successives aux familles de Soisson, de Fromentel, d'Arcy, du Quesnoy, de Behault, de Spiennes, Godin, de Beaulieu, de Harchies, de Gages, de Beugnies, de Trazegnies, de Hennin, Les Malapert eurent aussi le titre de seigneur de la Buissière et de seigneur de l'Esclatière. DE BOUSSU, Histoire de

etc.

Notice inédite.

Mons, pages 406, 410.

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fonctions dans les colléges et universités de la Compagnie de Jésus, en France, en Pologne et en Espagne où il mourut, l'illustre professeur n'avait guère été applaudi que par des étrangers et sa ville natale songeait peu à revendiquer l'honneur d'un de ses enfants. Il est vrai que des poètes montois contemporains, les amis et les admirateurs du P. Malapert, lui avaient adressé, dans ces lointains climats, des éloges flatteurs: Waudré avait, dans ses élégies, chanté l'aménité de son caractère et son agréable candeur; tandis que Brasseur et d'Espiennes célébraient les rares talents du poète mathématicien. Ces témoignages de bienveillance et d'estime suffiraient pour conserver à la Belgique le souvenir d'un écrivain distingué. Plus tard, le nom de Malapert fut inscrit par Valère André, Foppens, de Feller et Ad. Mathieu', parmi ceux de nos poètes et de nos savants. Mais il était réservé à l'Iconographie montoise de populariser cet auteur, parmi ses concitoyens, en reproduisant son portrait retrouvé à la bibliothèque de Valenciennes.

La notice de M. l'avocat Le Tellier, qui accompagne ce portrait, se trouve conforme aux justes appréciations de Paquot et de Mathieu; elle doit faire désirer aux montois de connaître la nature des ouvrages d'un concitoyen illustre.

La bibliothèque de la ville de Mons possède de Malapert: 1° Ses Poésies latines, (Anvers 1616); 2° Ses Commentaires d'Euclide, (Douai 1625); 3o Son Traité d'Arithmétique, (Douai 1626); mais on y regrette l'absence de ses autres ouvrages et particulièrement ses études astronomiques, qui sont mentionnées par Riccioli, Lalande et Montucla. Les informations prises sur ce travail, chez les bibliophiles les plus distingués, furent d'abord sans résultat. Une lueur d'espoir pouvait nous rester en apprenant que la bibliothèque d'Anvers possède la première édition des Com

4 JULIANI WAUDREI Elegiæ. Montibus, 1638. L. I. Eleg. XXX. Ep. 74. 2 Sydera illustrium Hannoniæ scriptorum, auctore P. BRASSEUR. Montibus, 1637, page 62.

5 JOANNIS d'ESPIENNE DU FAYT Opuscula. Lovanii, 1623, page 166. Biographie montoise, pp. 223-255.

mentaires d'Euclide publiée en 1620. Nous savions que l'approbation du censeur des livres de l'académie de Douai, donnée en 1619, était collective pour les deux ouvrages. Nous espérions donc les trouver réunis dans un même volume.

La supposition était vraie le livre contient, en effet, outre les propositions d'Euclide d'après Clavius et les Commentaires de Malapert, le discours désigné par la censure sous le titre : Oratio de laudibus Mathematica.

C'est bien le discours inaugural que prononça Malapert à l'université de Douai'. Il est dédié à un noble polonais, le seigneur Zeronski, et la lettre dédicatoire renferme plusieurs détails historiques, qui donnent le secret de la diversité d'études auxquelles s'adonna le jésuite montois.

Le discours a pour but de relever l'enseignement des mathématiques; mais il insiste surtout sur les applications astronomiques, qui recevaient alors une puissante impulsion par la découverte du télescope.

Nous y trouvons aussi une théorie sur les comètes, que l'indication de Riccioli et l'autorité de Lalande avaient fait considérer comme un ouvrage distinct; une esquisse rapide de cette étude si remarquable ne pourra être accueillie que favorablement par ceux qui s'intéressent à l'histoire et aux progrès des sciences et des lettres.

CAROLI MALAPERTII Montensis e societate Jesu, oratio habita duaci, dum lectionem mathematicam auspicaretur: in qua de novis Belgii telescopii phænomenis non injucunda quædam academice disputantur. Duaci typis Baltazaris Belleri sub circino aureo (sans date). Petit in-8.o, 42 pages. Magnifico et generoso domino Petro Zeronski, equiti Polono, regiæ Majestati a secretis. » Malapert avait dirigé l'éducation de son neveu,

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I. SYSTÈME du monde.

L'intérêt qui s'attache aux études astronomiques du P. Malapert est surtout relatif à la théorie du système général du monde qui s'élaborait alors les écrits de ce savant sont comme une page détachée de cette Genèse scientifique, dont l'astronomie moderne s'est faite héritière. Contemporain de Képler et de Tycho - Brahé, élève de Clavius', le célèbre réformateur du calendrier sous Grégoire XIII; en rapport avec de nombreux collègues qui se vouaient aux sciences, l'orateur académique nous retrace les efforts du génie qui illustrèrent cette époque de révolution scientifique.

Copernic affranchissant le monde de préjugés anciens, et par une vue providentielle vengeant l'Église d'injustes calomnies, avait dédié au souverain pontife Paul III, la théorie du mouvement de la terre; l'illustre chanoine, fort éloigné de l'esprit d'intrigue qu'on lui a supposé, voulait, comme l'établit Montferrier, s'appuyer sur le jugement de personnes éclairées, pour soutenir une discussion qui devait cependant être regardée comme étrangère aux croyances dogmatiques. Mais la philosophie d'Aristote régnait encore exclusivement dans les écoles, et les principes péripatéticiens s'accordaient peu avec ces nouveautés.

Malapert avait lui-même publié des commentaires 3 sur le philosophe grec, dont l'autorité était irréfragable: se tenant donc en garde contre les innovations trop brusques d'un système récent, il semble préférer l'opinion plus réservée et plus conciliante de

Histoire de la Compagnie de Jésus par CRÉTINEAU-JOLY. Paris, 1851, tome vi, page 275.

2 Exposition du système du monde de LAPLACE. Paris, imprimerie du Cercle social, an IV (1796). Tome II, page 248.

3 Paraphrasis in omnes Aristotelis libros didacticos.

Tycho; mais il ne peut se refuser à l'évidence, et ses observations sur Mars sont en opposition avec la doctrine du devancier de Képler.

Le télescope, inventé fortuitement aux Pays-Bas en 1609, est au témoignage de Laplace le plus merveilleux instrument de l'industrie humaine, il vient dévoiler aux hommes les secrets des cieux. Malapert préconise cette découverte, il fait appel au sentiment national qui doit animer les provinces belges, dont la séparation n'était point reconnue par les traités, pour en revendiquer l'honneur à son pays et stimuler le zèle de ses concitoyens aux études astronomiques. Cet instrument, dit-il, que la providence nous offre, rapproche nos contrées du firmament et invite leurs habitants à lire les célestes hiéroglyphes de la puissance du Très-Haut; mais aussi, ajoute-t-il fort spirituellement, ce tube est un formidable appareil qui se dresse vers le ciel, comme une machine de guerre, pour détruire l'échafaudage de l'astronomie ancienne; il demande de nouveaux Atlas, pour soutenir les sphères ébranlées; le principe de l'incorruptibilité des cieux, ce fondement de la philosophie péripatéticienne, est mis en question, l'hypothèse de la quintescence, ou cinquième substance, n'est point justifiée.

Observateur assidu, Malapert se complait à rapporter en détail les phénomènes télescopiques qu'il a étudiés; plusieurs avaient été publiés par Galilée, et le jésuite rend un juste hommage à ce célèbre astronome, qui n'avait pas encore essayé d'introduire opiniâtrement son système dans la bible, ni abordé une discussion théologique fort étrangère à ses études. Aussi Malapert signale, sans prévention aucune, les découvertes du célèbre Florentin, comme il lui dispute sans amertume une priorité contestée. La

1

2

"Bonam operam navavisse videri poterat Tycho. » p. 35.

Nos maxime belgæ ad cælestia illa rimanda videmur invitari. Agite

porro; quid animi vobis esset, si Deus belgium..... »

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Diceres profecto quot tubos opticos totidem belli tormenta in cœlum

esse directa. » page 35.

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