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Que l'on dira communement,
Cela est venu de Clément,
Lequel on vendra au Palais;
Mais faire ainsi qu'ung Sainct Gelais
Qui poise comme en la balance
Ses nobles vers pleins d'eloquence,
Et sans en reserver aucun,
Il a la grace d'ung chascun:
Aussi faict ce n'est chose neufve,
Le bien voullu la Maison-neufve.
Cela qu'on le mecte dehors,
Il faict trop grand honte à Cahors,
Tout ainsi que chatz et souriz
Ilz s'entr'aiment luy et Paris.

e;

On le hait bien ailleurs sans faulte:
Car il est beste male et caute,
Qui ne sçauroit en lieu aller,
Si n'est pour d'autruy mal parler,
En quoy gist sa muse profunde
Pour acquerir gloire en ce monde,
Et quant blasmer veult à oultrance,

Il

y pert son sens et constance Sans y donner quelque raison Ou autre argument d'oraison, Et ses vers vont ainsi marchans Comme ung oison paté aux champs. Au demeurant bien je le sçay Qu'il reproche le coup d'essay A Sagon, et de son creu estre. J'oseroye bien gaiger et mectre

Que sur tout tect, fust-il de chaulme,
L'on faict coup d'essay à la paulme,
Et devant ce sot mot j'en sçay.
Ilz disent pour le coup d'essay
On sçait qu'au monde terrien
De nouveau on ne trouve rien,
Ainsi que le recite Horace,
Qu'il n'ait eu en lumiere place,
Et contre son adolescence
Et que sa vieillesse pourpense.
Aussy tout ce qu'il faict et œuvre
Long-temps a qu'il est mys en œuvre.
Or revenons à noz moutons,
Et ce petit mot escoutons :
Ne fut-il foité à Ferrare?
Marot a affranchy la barre,
J'entendz quant il fut à Venise,
Lors plus oultre estoit sa devise:
Jamais esteuf ne fist tel bond
Que luy y estant vaccabond.

O le Clement ne dormoit pas,
Il alloit plus tost que le pas,
Saichant qu'il y estoit noté
Et prins pour un crapault boté.

A il bien mesdict du sainct pere?
Il est sa seureté prospere,
Car c'est entierement le pape
Qui a ouvert la forte trappe
Du chemin de grace françoise,
Et il demande encores noise.

Gardez bien que ce rat pellé
En ce parc françois rappellé,
Ne morde le lard du plancher
Qui luy a faict couster tant cher,
Et ne ronge la bonne femme
D'aultruy, en quoy il se diffame.
Trop il ne peult avoir d'amys,
Il n'est nulz petitz ennemys,
Comme on dict en commun proverbe.
Je m'estoys jà assis sur l'herbe,
Pensant doulcement reposer,
Mais il est venu disposer

Et me dresser une harengue,
Yssant de sa legiere langue,
Et m'alleguant quelques aucteurs.
Certes aucuns d'eux sont docteurs
Et luy monstreroient sa leçon,
Ou de bien parler la façon,
Les disant ses disciples estre
S'ilz n'avoient point eu d'autre maistre,
Il leur desplairoit grandement.
Cherché il m'a premierement
Par ses sotz escriptz qu'il recite,
Parquoy à parler il me incite.

PIERRE FABRI

La vie de Pierre Fabri ou Le Febvre, curé de Meray, est tout-à-fait inconnue. Ce poète étoit de Rouen. Il a laissé un traité qui a pour titre le Grant et Vrai Art de pleine Rhétorique, etc., nécessaire à toutes gens qui desirent à bien élégantement parler et écrire, tant en prose qu'en rime. Ce traité, imprimé pour la première fois en 1521, est divisé en deux Livres. Dans le premier, Pierre Fabri insiste longuement sur la manière de composer les lettres suivant les différentes personnes à qui elles sont adressées. Le second est consacré tout entier à l'art poétique. L'auteur y désapprouve fortement l'usage alors assez commun d'associer des mots qui appartenoient à des idiomes différents, ou d'entremêler le latin et le françois, comme dans cette phrase: De asino nostro bono, meliori et optimo, debemus faire fête. Il vouloit qu'on réhabilitât certains mots que le temps a corrompus et que l'ignorance a consacrés, comme, par exemple, celui d'amé pour aimé, que nos secrétaires du roi ont si long-temps employé dans leur bizarre expression de d'amé féal, etc.

Quoique nourri de la lecture des anciens rhéteurs, et surtout de celle de Cicéron, Fabri manque généralement de goût, et son ouvrage est d'ailleurs fort superficiel. Il eut cependant un grand succès, puisqu'on en fit plusieurs éditions; il en existe trois de 1539.

Celle qui est in-12 fut donnée par Denys Janot, à Paris. Étienne Caveiller et Pierre Sergeant, imprimeurs-libraires de la même ville, publièrent les deux autres, qui sont in-8°.

Nous avons encore de Pierre Fabri les Épitaphes du Roy Loys, imprimées à Rouen, et un Traité touchant le temps de maintenant, où sont introduits parlant ensemble onze Dames: à savoir, Naples, Venise, Rome, Florence, Gennes, Mylan, France, Espagne, Angleterre, Flandres, Autriche, et l'acteur.

LA FONTAINE D'AMÉNITÉ,

CHANT ROYAL.

Au pied du mont de contemplation,
Humanité fut long-temps en souffrance,
Et là faisoit sa déprécation

Au sainct prieur que d'elle eust remembrance,
Disant ainsi O prieur amyable!

Si quelque temps vers toi fuz variable,
Ne permetz pas qu'il me couste tant cher
Qu'en mon esprit n'obtienne et en ma chair
Grâce et pardon de ma coulpe excessive;
Transmetz vers moi pour ma soif estancher
La pure source et fontaine d'eau vive.

Le bon prieur meu en compassion,
Pour luy donner de sa grâce asseurance,
Luy dict: Ma sœur, ta supplication
Vers moy obtient ta seure délivrance.

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