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J'entends jusques au reveoir
De moy tant desiré,
Car quelque part que iray
Toujours feray mon devoir.

Mais si pitié mérite
Honneste congnoissance,
Te prie en récompense
Qu'en ta grace me hérite.

Car pour peine porter
Sans jamais deffinir,
Bien la veult soustenir
Pour toy sans point l'oster.

Sur moy laisse le faix,
Je t'en supplie, amye;

Car mort j'auroys pour vye,
Si aultrement le foiz.

ÉPITAPHE

DE LA COMTESSE DE CHATEAUBRIANT.

Icy dessoubz, cy gist en peu d'espace
De fermeté la montaigne et la masse ;
En amitié seul chef-d'œuvre parfaict
Qui rand chacun trouver ung tel effect
Si vertueux que ung chacun y passe.
Celle a souffert qu'en son vivant l'aimasse
O quel record que le temps point n'efface!

L'ame est en hault, du beau corps c'en est faict

Icy dessoubz.

Ha! triste pierre, ains as-tu tant d'audace
De m'empescher celle tant belle face,
En me rendant malheureux et deffaict?

Car tant digne œuvre en rien n'avoit meffaict,
Qu'on l'enfermast avec sa bonne grace

Icy dessoubz.

HUITAIN.

AMOUR, amy de tous, reste des siens,
Pour me tromper de moy s'est allié;
Et me voyant attaché et lié

En sa prison d'invincibles liens,

M'a esloigné et de moy et des miens,

Me contraignant n'aymer fors mon contraire.
Hélas! amours, s'ainsi traittes les tiens,
Qui vouldra plus devers toy se retraire ?

LE DIXAIN DE MAY.

MAY, bien vestu d'habit reverdissant,
Semé de fleurs ung jour se mist en place;
Et quant m'amye il vit tant florissant,
De grant despit rougist sa verte face,
En me disant : Tu cuydes qu'elle efface
A mon advis les fleurs qui de moy yssent.

Je luy respond: Toutes les fleurs périssent
Incontinant qu'yver les vient toucher;
Mais en tout temps de ma dame florissent
Les grans vertuz que mort ne peult sécher.

ÉPITAPHE DE LA BELLE LAURE.

Icy dessoubs des belles gist l'eslite;
De louange sa beaulté plus mérite,
Estant cause de France recouvrer,
Que tout cela qu'en cloistre peult ouvrer
Close nonnain, ny en désert hermite.

DE LA MÊME.

Cy gist en peu de terre ung qui la remplissoit
Par louange et bon bruict dont tout autre il passoit;
Ainsi elle se paist du meilleur qu'en elle eut,
Comprenant tout son bien dedans ce petit fust.

O bienheureuse terre estant en toy semé
Un fruict après lequel nul autre est estimé !

Doncques

en toy est mis pour ta félicité

Ce qui à chacun rend dueil et adversité.

Parquoy

vous qui cherchez chose parfaicte à veoir,

Arrestez-cy

vos pas sans plus de peine avoir.

DIXAIN.

Le mal d'amour est plus grant que ne pense
Celuy qui l'a seullement ouy dire.

Ce qui nous semble ailleurs légere offense,
En amytié se répute martyre.

Chacun se plainct et jure le sien pire;
Mais s'il survient une seulle heure d'aise,
La doulleur cesse et le tourment s'appaise
Du prétérit, où Dieu n'a plus puissance
Qu'une, qui est d'en oster souvenance;
Et s'il le faict, fault l'amour lui plaise.

que

AUTRE.

Si mon regard s'adresse à aultre dame
Souvent au lieu où vous estes présente,
Ce n'est pourtant que je sente aultre flamme,
Car je ne puis, et Dieu ne le consente :
Mais tout ainsi que qui gaste ou tourmente
D'un bon cadrant le secret mouvement,
Par le dehors l'aiguille et l'heure ment;
Ainsi mon œil, qui du cueur est la monstre,
Sentant en luy tant de trouble et tourment,
A peine au droict de son veuil se rencontre.

CHANSON.

La volunté est trop récompensée
Quant elle conduict le corps à tel devoir,
Que long ennuy sans offenser faict veoir
Heureux repoz secret en la pensée.

Las! j'en ay une estant tant estimée,
Que le sçavoir m'est seul commandement ;
De là silence est tel contantement,
Qu'aultre ne peult avec elle estre aymée.
Plutost mourir qu'en riens soit offensée :
Je ne seray reprins de non challoir;
Car ung tel bien a retins mon voulloir,
Que s'il passoit ma vye seroit passée.

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