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Ton pere n'en eut moins, ce grand duc genereux : tel que le sien ta face est ennoblie.

D'un coup

Si ou Charles ton oncle, ou bien François ton pere
Te voyoit à present à la face navré,

L'un se recognoistroit en son fils figuré,

L'autre s'esjouiroit voir au nepveu son frere.

Que di-je ? ils sont voyans et l'un et l'autre encores,
Et le pere le fils, et Charles son nepveu:

Charles, helas! duquel ma muse eut cest adveu,
Qu'il fut vif son espoir, et mort est son deuil ores.
Lequel tressainct prelat, de la foy la defense,
Et pource justement entre les saincts admis,
Luy et son frere aussi, de leur maison amis,
Envoyent leur faveur du ciel par elle en France.
Et ne doit on douter que tels patrons en guerre,
Estans des deux costez de leur vaillant nepveu,
N'ayent à ceste fois à luy si bien
pourveu,
Que d'un laurier lorrain le roy son chef enserre.
Or toy, ô grand Henry! de Dieu la juste cure,
Lequel et jour et nuict devot tu vas priant,
Tu vois, tu vois qu'en vain tu n'es allé criant
Par vouz journels à Dieu, qui ton salut procure.
Tu n'as en vain lissé le seuil pierreux des temples,
Par trasse de tes pas les saincts lieux visitant :
Et de tes grands thresors de jour en jour offrant
A Dieu, qui t'a rendu recompenses si amples.

Les deux ostz combattoient par grand' puissance d'armes :
Mais tes devots autels l'estranger ont deffaict :

Tes vœuz espars au ciel, soudain (merveilleux faict)
L'ennemy fut espars par soudaines alarmes.

O Dieu, ô la pieté, vertu la plus certaine!
O vouz non jamais vains de la bouche des roys!
Tel Moyse soustenu de deux, les bras en croix,
Israël estendit Amalec sur la plaine.

Tu as ainsi vaincu par vouz en ton absence,
Dieu au duc et soldats pour toy estant present:
Le proverbe commun n'est vain qui va disant,
Que les roys ont les mains d'une longueur immense.
Icy tu priois Dieu, plus de quarante mille
Esloigné de ton camp, de combattre envieux :
Mais estendant tes mains et tes bras jusqu'aux cieux,
Tu nous as rapporté grand joye en ceste ville.
Tu nous as rapporté duc et trouppe sauvee,
Jusques au ciel chantans d'accord les deux Henris :
Henris et roy et duc, de Dieu les favoris,

Duc par

le roy vainqueur, par le duc son armee.

MICHEL D'AMBOISE.

MICHEL D'AMBOISE, écuyer, qui prenoit, en tête de ses ouvrages, le titre de seigneur de Chevillon, étoit fils naturel de Chaumont d'Amboise, amiral de France, et lieutenant-général du roi en Lombardie; il naquit à Naples dans les premières années du seizième siècle. A peine au sortir du berceau, son père l'envoya à Sagonne, dont il étoit seigneur, pour y être élevé avec George d'Amboise, son fils légitime, qui n'étoit guère plus âgé que lui. En 1511, Michel perdit son père, qui l'aimoit tendrement, et cette mort fut si prompte, que ce dernier n'eut pas le temps de faire des dispositions en sa faveur. Amené à Paris peu de temps après, on le fit étudier avec son frère George. Ses parents, qui le destinoient au barreau, le mirent chez un procureur; mais, au lieu de s'appliquer à l'étude du droit, Michel suivit son penchant pour la poésie, et, malgré les représentations qui lui furent faites, et le peu de succès qu'obtinrent ses premiers ouvrages, il continua de faire des vers, contre le gré de ses parents qui l'abandonnèrent. La bataille de Pavie lui enleva son frère, et par cette perte il fut privé de tout secours. Il ajouta à l'embarras de sa position, en épousant une femme sans fortune; le seigneur de Barbezieux, son parent, le renvoya de chez lui. Il perdit, au bout de deux ans de mariage, son épouse et un fils qu'elle lui avoit donné; de nouveaux chagrins vinrent l'assaillir; il fut enfermé deux fois, et manqua souvent

du nécessaire. Tant de malheurs abrégèrent ses jours, et il cessa de vivre, ou plutôt de souffrir, à la fin de l'année 1547. Michel d'Amboise avoit beaucoup de facilité; mais, travaillant pour vivre, il ne corrigeoit jamais ses productions, qui consistent en Complaintes de l'Esclave fortuné, Paris, 1529, in-8°; la Panthaire de l'Esclave fortuné, Paris, 1530, in-8°; les Bucoliques de Baptiste Mantuan, traduites du latin en rime francoise, Paris, 1530, in-4°; cent Epigrammes, traduites du Mantuan, et la fable de Biblis et de Caunus, traduite d'Ovide, Paris, 1532, in-16 et in-8°; les Epistres vénériennes de l'Esclave fortuné, Paris, 1532, 1534, et 1536, in-8°: ces épîtres sont des plaintes ou des demandes d'amour, où l'auteur s'exprime avec une licence extrême; le Babylon, autrement la confusion de l'Esclave fortuné, Paris, 1535, in-16 et in-8°, sans date; le Blason de la dent, dans le recueil intitulé les Blasons anatomiques du corps humain; les Contre-Epistres d'Ovide, Paris, 1546, in-16 et in-12; Secret d'amour, Paris, 1542, in-8°; Déploration de la mort de messire Guillaume du Bellay, seigneur de Langey, Paris, 1543, poëme en vers héroïques; quatre Satyres de Juvénal (les 8, 10, 11 et 13) translatées en rime françoise, Paris, 1544, in-16; le Ris de Démocrite et le Pleur d'Héraclite, sur les folies et miseres de ce monde, traduit de l'italien d'Antonio Phileremo Fregoso, en rime françoise, Paris, 1547, in-8°, et Rouen, 1550, in-16; et enfin, une traduction du dixième Livre des Métamorphoses d'Ovide. Michel d'Amboise avoit pris pour surnom ou devise l'épithète d'Esclave fortuné.

BLASON DE LA DENT.

DENT qui te monstres en riant
Comme ung dyamant d'Orient,
Dent precieuse et desliée,
Que nature a si bien liée

En celuy ordre où tu repose,
Qu'on ne peult voir plus belle chose;
Dent blanche comme crystal, voire
Ainsy que neige ou blanc yvoire;
Dent qui sens bon comme faict baulme,
Dont la beauté vault ung royaume;
Dent qui fais une bouche telle

Comme faict une perle belle,

Ung bien fin or bouté en œuvre;
Dent qui souvent cache et descœuvre
Ceste bolievre purpurine,

Tu fais le reste estre divine,

Quand on te voit à descouvert;

Mais dent, quand ton prix est couvert,
Le demourant moins beau ressemble,
Car son honneur est, ce me semble,
Luysant ainsy que perle nette,
Qui reluit comme une planette,
Encores plus fort que la lune,
En tout le monde n'en est qu'une
Qui soit si parfaicte que toy.
Je te prometz quand je te voy,

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