Tel le fuir, Et le haïr Le cuide, qui le pourchasse : Tel l'est chassant Et poussant Au loin, qui de près l'embrasse. A LA REINE DE NAVARRE. Si le prévost des maréchaux venoit, GILLES CORROZET. GILLES CORROZET, qui se rendit également recommandable par ses écrits, et par l'exercice de l'art de l'imprimerie, étoit né à Paris, le 4 juillet 1510. Son éducation avoit été fort négligée : parvenu à un âge mûr, il sentit le besoin de s'instruire, et, animé d'une ardeur infatigable, il apprit, sans le secours d'aucun maître, les langues latine, italienne et espagnole. Les divers ouvrages qu'il a publiés prouvent qu'il étoit parvenu à acquérir des connoissances étendues. Cet écrivain laborieux mourut à Paris le 4 juillet 1568. Son corps fut enseveli chez les Carmes de la place Maubert, où on lisoit l'inscription suivante : L'an mil cinq cent soixante et huit, A cinq heures devant minuit, Le quatrième de juillet, Son corps repose en ce lieu ci : A l'ame Dieu fasse merci. Gilles Corrozet a laissé beaucoup d'ouvrages en vers, et d'autres en prose. Au nombre de ces derniers se trouve : Fleur des antiquités et singularités de la noble et triomphante ville et cité de Paris, etc. (Paris, in-16. Guillaume Bossozel, 1533). Cet écrit est encore généralement estimé des personnes qui s'occupent de ces matières. Les principales productions poétiques de Gilles Corrozet sont : une traduction du Tableau de Cébès, ancien philosophe, et disciple de Socrate; une version des Fables d'Esope; la Tapisserie de l'Eglise chrétienne, ou Huitains pour l'intelligence des figures de l'histoire de notre Seigneur; les Exemples des œuvres de Dieu et des hommes; la Doctrine de vérité extraite de Salomon; des Vers moraux; la Fleur des Sentences, etc., tirées des auteurs anciens et modernes; des Epitaphes; des Chants royaux; les Fleurs de Poësies; le Jeu de Cartes, etc., etc., et enfin le Conte du Rossignol, imprimé à Paris, par l'auteur luimême, en 1546. De toutes les productions de Corrozet, le Conte du Rossignol est la meilleure. Ce conte est très bien narré; et comme nous l'offrons tout entier au lecteur, nous nous abstiendrons d'en faire l'analyse. LE CONTE DU ROSSIGNOL. PUIS qu'ainsi est que j'ay l'intention De deux amans, Eut une fin honneste et vertueuse : A toy, amour très-pudique et sincere, Que tout cœur chaste ayme, adore et revere, Veux adresser mon invocation, Pour mener l'œuvre à sa perfection. Car icy n'est autre chose depainte Qu'un vray subjet d'une amytié très-sainte, Mettant à l'œil des dames l'exemplaire De delaisser Venus, pour te complaire. Donques, Amour, tout plein de doux attraict, Portant le feu et le gracieux traict, Donne faveur à ceste mienne histoire, Pour en laisser aux successeurs memoire. Long temps n'y ha qu'en la ville plus grande, Sur qui le roy de la France commande, Fut une bonne et belle damoyselle, Noble de sang, et de vertueux zelle, Belle de corps, de hault port et maintien, De doux accueil, et bening entretien, D'un beau parler, d'une grande sagesse, Le tout tesmoing de sa vraye noblesse. Elle qui tant d'honneur et bien sçavoit, La court du roy aucunes fois suyvoit, En se trouvant aux banquetz et convis, Aux jeux, au bal, aux propos et devis Qu'on y faisoit, où tant modestement, En ris, en geste, et en accoustrement Se maintenoit, qu'aux plus haultes princesses Elle egaloit ses mœurs et gentillesses. En court aussi un jeune homme hantoit, Qui de maison et de hault lieu estoit, Nommé Florent, suyvant le train des armes, Dur aux assaultz, et hardy aux alarmes, Ce qu'il avoit par exercice appris, Dont il obtint des courtisans le preis. Chanter sçavoit, et baler, et danser, Et en tous jeux honnestes s'avancer. Tenir propos, et deviser long temps, Qui d'ans completz n'avoit gueres que vingt. Qu'en elle assit tout son heur et son bien. Qui maintz assaultz et combatz luy donnerent, Ne pardonna, à chose qu'il peust faire, Il s'adonnoit à joustes et combatz, |