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CHARLES DE SAINTE-MARTHE.

CHARLES DE SAINTE-MARTHE, docteur en droit, lieutenant criminel d'Alençon, et maître des requêtes de Marguerite, reine de Navarre, naquit à Fontevrault, en Poitou, l'an 1512, de Gaucher de Sainte-Marthe, sieur de la Rivière, homme recommandable, et qui dut à sa fidélité et à son dévouement les emplois considérables qu'il occupa sous les règnes de Henri I et de Henri iv. Charles eut quatre frères qui furent également distingués dans les sciences et les lettres.

Charles de Sainte-Marthe vint à Lyon, et y fut honorablement accueilli. Chargé d'enseigner les langues hébraïque, grecque, latine et françoise, dans le collége de cette ville, il s'en acquitta avec distinction. Ce poète mourut d'une hémorrhagie, en 1555, dans la quarante-troisième année de son âge.

Ce fut en 1540 que Charles de Sainte-Marthe fit imprimer le recueil de ses poésies françoises (Lyon, in-8°, Leprince). Ce recueil, divisé en trois Livres, est adressé à la duchesse d'Étampes, qui protégeoit les gens de lettres, et dont notre poète avoit reçu de grands bienfaits. Le premier Livre renferme des épigrammes; le second se compose de rondeaux, de ballades et de chants royaux; le troisième contient des épîtres et des élégies. Dans la plupart de ces pièces, Charles de Sainte-Marthe célèbre une demoiselle, d'Arles en Provence, qu'il désigne sous le nom de Beringue. Plusieurs autres pièces

sont adressées à Marguerite de Navarre, à la duchesse d'Étampes, à François ro, et à quelques parens ou amis du poète. Dans quelques unes, il se glorifie de se placer au nombre des disciples de Marot, qu'il appelle son père d'alliance, et à qui il recommande ses œuvres. Sur un faux bruit de la mort de ce poète, Charles de Sainte-Marthe lui envoya les vers suivants :

Il fust un bruit, ô Marot, qu'estoit mort,

Et ce faux bruit un menteur assura:
L'un, d'un côté, se plaignoit de ta mort,
Faisant regret qui longuement dura;
L'autre par vers piteux la déplora,
Jettant soupirs de dur gémissement.
Moy de grand deuil plorant amérement,
Duquel estoit ma triste ame saisie;

Las! dys-je, mort est notre amy Clément,
Morte doncque est françoise poësie.

que

Tout le monde connoît la charmante pièce que Marot adressa à Francois r", à l'occasion d'un vol lui avoit fait son valet. Voici une épigramme que Charles de Sainte-Marthe envoya à son ami, dans une circonstance tout-à-fait semblable:

Ton serviteur le mien avoit appris,

Ou tous deux ont esté à même escholle.
J'y ay esté, comme toy, si bien pris,
Qu'il ne m'est pas demeuré une obolle.
Le tien estoit de faict et de parolle
Un vrai gascon. Si le mien ne l'estoit,
A tout le moins bonne mine portoit
D'estre de meurs au tien fort allié.
Gascon ne fut, mais son gascon sentoit
Jouant un tour d'un moyne resnié.

Charles de Sainte-Marthe fut aussi lié d'amitié avec

les plus grands poètes de son temps. Il ne laissoit échap

per aucune occasion de rendre témoignage à leur talent. Nous avons cru devoir rapporter ici le morceau suivant, dans lequel il attribue à Étienne Dolet le mérite d'avoir, le premier, donné aux François le goût de la véritable éloquence.

Demosthene vivant, qui n'eut oncques second,
Les Grecs eurent jadis éloquence entre mains.
Luy mort, au monde vint Ciceron le facond,
Lequel avecques soy la porta aux Romains:
Après luy, elle fut transportée aux Germains,
Où toujours demoura tant qu'Erasme a heu vie.
De là s'en retourna visiter l'Italie,

Et avoit prins manoir chés Bembe et Sadolet :
Mais depuis peu de temps leur a esté ravie
Et tout droit amenée en France par Dolet.

La plus importante des productions de Charles de Sainte-Marthe est son Elégie du Tempé de France, en l'honneur de madame la Duchesse d'Estampes. Il y fait connoître les principaux poètes de cette époque, en assignant à chacun d'eux un caractère particulier. Enfin, le recueil de Charles de Sainte-Marthe se termine par le Livre de ses amys, collection de pièces composées par divers poètes, à la louange de SainteMarthe, ou à celle de sa maîtresse.

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III.

DE LA PRUDENCE DE CLÉMENT MAROT.

CLÉMENT MAROT parla le temps passé
Fort librement, quand il le pouvoit faire,
Et maintenant, le tout bien compassé,
Se taist aussy, quand luy convient se taire.
A vostre advis est-ce petite affaire
Que retenir et lascher son langaige,
En s'appliquant au plus commun usaige,
Et attendant, par un très-prudent soing,
L'heure et le temps? O Clement Marot saige,
Qui sçait parler et se taire au besoing!

SUR LA FONTAINE DE VAUCLUSE,

PRÈS LAQUELLE JADIS HABITA PETRARCHE.

QUICONQUES Veoit de la Sorgue profonde
L'estrange lieu, et plus estrange source,
La dit soubdain grand merveille du monde,
Tant pour ses eaulx
que pour sa roidde cource.
Je tiens le lieu fort admirable, pource
Qu'on veoit tant d'eaulx d'un seul pertuis sortir,
Et en longz braz divers se departir;
Mais encor plus, du gouffre qui bruit là,
Qu'onques ne peut estaindre et amortir
Le feu d'amours qui Petrarche brusla.

A MADAME LA DUCHESSE D'ÉTAMPES,

LUY RECOMMANDANT SON OEUVRE.

Au bon vouloir, madame, gist l'effect,
Et justement on l'estime pour faict,
Regardant moins le don que le donneur.
O pleust à Dieu que j'eusse ce bonheur,
De vous pouvoir faire un present parfaict!

Je vous presente un mien œuvre imperfaict;
Trop suis hardy, je sçay que j'ay forfaict,
Mais cognoissez vostre humble serviteur
Au bon vouloir.

Tousjours fortune a mon laheur deffait;
Mais, si vous plaist, il sera tost reffect,
Et si seray getté hors de malheur.
Très-humblement vous pry que cest honneur,
Non pas à moy, madame, mais soit fait
Au bon vouloir.

AUX FRANÇOYS,

EN RECOMMENDATION DU LIVRE DE DOLET DE LA MANIERE DE

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TRADUIRE, PUNCTUER ET ACCENTUER EN NOSTRE LANGUE
AVECQUES EXHORTATION A TOUS LETTRES FRANÇOYS S'AYMER
ET SOUBSTENIR L'UN L'AULTRE.

Ces jours passés, Dolet, qui, par grand cure,
L'immortel bruict de sa langue procure,
Pour au françoys, Françoys habituer,
Comme pour lire et pour bien punctuer,

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