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Afin que rien n'offensât
La chair encor tendrelette,
Et le froid ne transperçât
La petite bandelette.

Mais, Seigneur, qui eût osé,
Qui eût voulu entreprendre

Sur toy, qui as disposé

Ce que toy seul peux comprendre?

Voilà le beau corps d'hôtel
Et la maison somptueuse
Où le grand Dieu immortel
Est né de la vierge heureuse.
Tu te pourrois bien vanter
Estre la maison première
Qui vois la vierge enfanter
De ce monde la lumière,
Lumière qui nous conduit,
Lumière qui tout efface,
Lumière qui nous réduit

Au droit sentier de sa grace.

Voyez donc l'enfantelet,

Grand Seigneur de tout le monde,

Qui suce et suce le lait

D'une pucelle féconde;

Qui doit un jour de sa croix
Faire une telle ouverture,
Qui, malgré tous les abbois
De l'infernale closture,

Brisera tous les efforts
De cette bande orgueilleuse,
Pour nos pères tirer hors
D'une force merveilleuse.

Voilà donc l'enfant qui doit
Purger notre maléfice,

Qui, devant Dieu, nous rendoit
Exempts de son bénéfice;

Donc, Seigneur, brise l'effort
Du péché qui nous surmonte,
Par ta naissance et ta mort,
Par ta mort, qui la mort dompte.

PIERRE GROGNET.

PIERRE GROGNET, ou GROSNET, étoit de Toucy, petite ville à quelques lieues d'Auxerre. Les particularités de sa vie ne sont pas connues. Dans sa requête au prevôt de Paris, pour l'impression de ses Mots dorés, il se qualifie maître ès arts, et licencié en chacun droit; ailleurs il se dit prêtre et humble chapelain.

Le premier ouvrage de Pierre Grognet a pour titre : Mots dorés du grand et saige Caton, etc. C'est une traduction des distiques attribués à Caton; il en existe plusieurs éditions; la plus ancienne est de 1530 (Paris, en caractères gothiques). Le poète a rendu chaque distique latin par quatre vers françois.

Les autres productions poétiques de Grognet sont: 1o. une pièce fort curieuse, intitulée de la Louange et Excellence des bons facteurs, qui bien ont composé en rime, tant de-çà que de-là les monts : cette pièce contient une notice d'un grand nombre de poètes, depuis Jean de Meun jusqu'à l'époque où écrivoit l'auteur; 2o. la Louange des femmes; 3o. la Bonne Doctrine pour les filles; 4°. la Louange et Description de plusieurs bonnes villes et cités du noble royaume de France; 5°. quelques poésies sur l'histoire de son temps; 6o. le Manuel des vertus intellectuelles et morales; 7o. un Rondeau contre les taverniers qui broullent le vin, etc.

Parmi les poésies de Grognet on lit surtout avec intérêt celles qui nous ont conservé la mémoire de faits historiques, et entre autres la pièce qui a pour

titre : Recollection des merveilleuses choses et nouvelles advenuës au noble royaume de France en nostre temps, depuis l'an de grâce 1480. Cette chronique finit en 1530. Grognet la dédia à Jean de Dinteville, maître d'hôtel ordinaire du roi; elle a été réimprimée par fragment dans le Mercure de novembre 1740, où elle est précédée des réflexions suivantes : « J'ai fait moi«< même l'extrait en question en faveur de ceux qui font <<< la recherche de nos anciens poètes, par rapport aux <«< faits et aux expressions que leurs ouvrages contien<< nent. Vous savez qu'on en forme, à la Bibliothéque du Roi, un Recueil le plus complet qu'il est possible de faire, en continuant celui de M. De Cangé, qui est « aujourd'hui dans la même Bibliothéque, de sorte qu'il n'y a pas d'apparence que les souhaits de ceux qui <«< condamnent au feu tous les anciens poètes françois, «< soient jamais accomplis.

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BLASON DE LA NOBLE VILLE ET CITÉ DE PARIS.

Je suis Paris, cité de renommée,

Rien ne me fault; de Dieu suis gouvernée;
Auprès des bledz suis, et près des prairies,
Des beaulx jardins, boys et foretz flories;
Dessoubz y a la rivière de Seine,
Laquelle on tient à un chascun bien saine.
Oultre, visez le noble parlement,

Où l'on peult veoir faire bon jugement;
De nuyt le guet punit les malfaicteurs,
Met en prison ceulx qui sont leurs faulteurs;

Des criminels verrez pugnition,

Et d'ung chascun on faict correction.
Biens temporels viennent de toutes parts,
Et les beaulx murs sont garnis de remparts.
Oultre voyez les tours et grands eglises
Qui sont bastis par sumptueuses guises;
Sçachez pour vray que l'on faict penitence,
Compassion par moult grand excellence;
Dedans Paris avecq toute science,
Toutes vertus avecque sapience,
Finalement c'est paradis terreste,
Ne reste plus que paradis celeste.

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