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Plus la personne en vertus est puissante, Plus est sujette à langue médisante.

Si vous voulez qu'on n'ait sur vous envie,
Ne soyez plus de vertueuse vie;

Otez du corps cette exquise beauté ;
Otez du cœur cette grand' loyauté;
Ne soyez plus sur toutes estimée,
Ni des loyaux serviteurs bien aimée;
Ayez autant de choses vicieuses,
Que vous avez de vertus précieuses;
Lors se tairont. Ha! chère et seule amie,
Voulez-vous être envers Dieu endormie,
De recevoir tant de graces de lui,
Et ne vouloir porter un seul ennui ?

ÉPIGRAMME.

A UNE DAME DE LYON.

Sus, lettre, faites la petite,
A la brunette Marguerite.

Si le loisir tu as avec l'envie
De faire un tour ici près seulement,
Je te rendrai bon compte de ma vie,
Depuis le soir qu'eus à toi parlement.
Ce soir fut court; mais je sçais sûrement
Que tu en peux donner un, par pitié,
Qui dureroit dix fois plus longuement,
Et sembleroit plus court de la moitié.

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Lettre, saluez humblement

De Marot le seul fils Clément.

QUAND tu voudras, le loisir et l'envie,
Dont me requiers, sera bientost venue,
Et de plaisir serai toute ravie,

Lors me voyant de toi entretenue:
Le souvenir de ta grace connue,
Du soir auquel j'eus à toi parlement,
Souvent me fait, par amour continue,
Avoir desir de recommencement.

ÉPITRE AUX DAMES DE PARIS,

QUI NE VOULOIENT PRENDRE SES EXCUSES EN PAIEMENT.

PUISQU'AU partir de Paris, ce grand lieu,
On vous a dit trop rudement adieu;
Dire vous veux, maugré chacun langard,
A l'arriver, doucement Dieu vous gard.
Dieu vous gard donc, mesdames tant poupines!
Qui vous fait mal? Trouvez-vous des épines
En ces adieux? Ces beaux réthoriqueurs
Ont-ils au vif touché vos petits cœurs?
Tant plus me suis par écrit excusé,
Tant plus m'avez de parole accusé,
Usant vers moi de menaces follettes:

Puis quand sentez vos puissances foiblettes,

Vous demandez aux hommes allégeance,

En leur chantant : Faites m'en la vengeance.

O foible gent! qui ne se peut, en somme, D'homme venger, sinon par secours d'homme? Bon est l'ouvrier qui ne fit pas égasle Votre puissance à la volonté masle, Puisqu'en tout cas, et en toute saison, Votre appétit surmonte la raison.

Ces mots ne vont jusques aux vertueuses. Mais dites-moi, vous autres bien fâcheuses, Quand des adieux j'eusse avoué l'affaire Sans m'excuser, qu'eussiez-vous sçu pis faire? Vous me tenez termes plus rigoureux Que le drapier au berger douloureux. Certes, je crois que vous cuidez sans feinte Que j'ai basti mes excuses par crainte : Bien peu s'en faut que ne die en mes vers Propos de vous qui montre le revers. Non que ce soit de piquer ma coutume; Mais il n'est bois si vert qui ne s'allume; Toujours je dis que rien de vous ne sçai: Mais Dieu vous gard que j'en fasse l'essai! N'ai-je passé ma jeunesse abusée Autour de vous? laquelle j'eusse usée En meilleur lieu, peut-estre en pire aussi. Rien ne dirai, n'ayez aucun souci : J'en sçai pourtant, bien je l'ose assurer, Pour faire rire, et pour faire pleurer. Mais

que vaudroit d'en travailler mes doigts Sur le papier? Mores, Turcs et Medois

:

Savent vos cas la terre n'est semée,
Sinon du grain de votre renommée;
Bref, pour écrire, y a bien d'autres choses
Dedans Paris trop longuement encloses.
Tant de broillis qu'en justice on tolere,
Je l'écrirois, mais je crains la colere ;
L'oisiveté des prestres et cagots,
Je la dirois, mais garde les fagots:
Et des abus dont l'Eglise est fourrée,
J'en parlerois, mais garde la bourrée.

Pour vous, cessez toutes occasions,
Lors prendront fin toutes dérisions :
C'est le droit point pour clore les passages
Aux mal disans. Et vous autres bien sages,
Qui des adieux ne fustes point touchées,
Et vous aussi que l'on y a couchées,
Et qui pourtant compte n'en fistes mie,
Nulle de vous ne me soit ennemie.

Croyez qu'il n'est blason tant soit infame,
Qui sçût changer le bruit d'honneste femme;
Et n'est blason, tant soit plein de louange,
Qui le renom de folle femme change:
On a beau dire, une colombe est noire,
Un corbeau blanc; pour l'avoir dit, faut croire
Que la colombe en rien ne noircira,
Et le corbeau de rien ne blanchira.

ÉPIGRAMME.

A MADEMOISELLE DE LA GRELIERE.

MES yeux sont bons, Greliere, et ne vois rien;
Car je n'ai plus la présence de celle,
Voyant laquelle, au monde vois tout bien,
Et voyant tout, je ne vois rien sans elle.
A ce propos souvent, ma damoiselle,
Quand vous voyez mes yeux de pleurs lavez,
Me venez dire: Ami, qu'est-ce qu'avez ?
Mais le disant, vous parlez mal à point,
Et m'est advis que plutost vous devez
Me demander: Qu'est-ce que n'avez point?

ÉPIGRAMME.

MONSIEUR l'abbé et monsieur son valet
Sont faits égaux tous deux comme de cire:
L'un est grand fol, l'autre petit folet;
L'un veut railler, l'autre gaudir et rire ;
L'un boit du bon, l'autre ne boit du pire:
Mais un débat, au soir, entr'eux s'émeut;
Car maistre abbé, toute la nuit, ne veut
Estre sans vin, que sans secours ne meure;
Et son valet jamais dormir ne peut,
Tandis qu'au pot une goutte en demeure.

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