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régularité inconcevable et avec une vitesse qui effraye l'imagination.

S'il est vrai que dans l'étude des phénomènes de la nature les lois les plus simples doivent toujours être préférées; s'il est vrai qu'il faille suivre les analogies, et se laisser conduire par la chaîne des faits jusqu'aux véritables causes; enfin, si l'on peut être assuré de la vérité d'un fait, lorsque toutes les preuves y conduisent, s'y concentrent et s'accordent pour lui donner une extrême simplicité, on doit regarder maintenant le mouvement de rotation de la terre comme une des vérités physiques les mieux établies. Nous y rapporterons désormais toutes les apparences des mouvemens diurnes du ciel.

86. Le mouvement annuel de la terre est indiqué par des preuves aussi fortes et non moins multipliées.

D'abord, puisque toutes les planètes, avec leurs satellites et les comètes, circulent autour du soleil, l'analogie porte à penser que la terre tourne aussi autour de cet

astre.

Cette analogie est confirmée par les mouvemens des satellites, qui nous montrent que les petits corps du systême solaire tournent autour des plus grands.

Elle l'est sur-tout par la troisième loi de Képler, que les carrés des temps des révolutions des planètes autour du soleil sont proportionnels aux cubes de leurs moyennes distances. La terre, supposée en mouvement autour du soleil, se trouve comprise dans cette loi.

En vain alléguerait-on la difficulté d'ébranler une masse comme la terre, et de lui imprimer une vitesse de circulation qui lui fasse décrire près de 7 lieues par seconde de tems sexagésimal, sans que nous puissions nous en apercevoir; Jupiter, qui est 1000 fois plus gros que la terre, tourne bien aussi autour du soleil; et pour laisser la terre

immobile, il faudrait le mettre en mouvement autour d'elle, ce qui serait encore d'une plus grande difficulté (*).

Mais nous ne devons pas mesurer à nos moyens les forces de la nature; l'accroissement ou la diminution de la vitesse des corps célestes ne serait pas une raison décisive, si ces résultats n'étaient accompagnés d'une autre considération beaucoup plus puissante, celle d'une extrême simplicité.

En effet, si la terre circule autour du soleil, les lois de ses mouvemens n'ont rien de particulier, elles sont les mêmes que pour les autres planètes; mais si l'on suppose la terre immobile, il faut que le soleil, dans sa révolution annuelle, entraîne avec lui, sur l'écliptique, toutes les orbites des corps planétaires. Alors toutes les analogies sont détruites, et les mouvemens de ces corps prennent une extrême complication.

Enfin, l'aberration de la lumière offre une preuve sensible du mouvement annuel de la terre, comme la déviation des corps qui tombent en est une de sa rotation : c'est ce que je vais développer.

(*) D'après les résultats rapportés dans le premier livre, la distance moyenne de la terre au soleil est 23578 rayons terrestres, pag. 271; et le rayon moyen de la terre contient 14321,4, pag. 171. Multipliant ces deux nombres l'un par l'autre, on trouve que le rayon moyen de l'orbe terrestre contient 33773127 lieues : ce qui donne la circonférence de cet orbe égale à 212202815 lieues. Si l'on divise cette circonférence par le nombre de secondes décimales contenues dans l'année sidérale, c'est-à-dire par 36525638, le quotient exprimera le nombre de lieues décrites par la terre sur son orbite dans une seconde décimale de tems; ce sera 51,So97. En multipliant ce résultat par 10000, on aura l'arc décrit pendant une seconde de tems sexagésimal; ce sera 61,724.

CHAPITRE XI.

De l'Aberration de la Lumière.

87. La sensation de la vue paraît être produite par une sorte de pression ou de choc des molécules lumineuses sur la membrane nerveuse qui tapisse le fond de l'œil, et que l'on nomme la rétine. La direction suivant laquelle ces molécules viennent frapper le globe de l'œil, détermine la ligne droite sur laquelle nous rapportons l'objet dont elles émanent; et si la série des molécules, qui compose le rayon lumineux, a été infléchie dans sa route par une cause quelconque, nous supposons les objets placés sur le prolongement de leur dernière direction; c'est ce qui arrive dans les réfractions atmosphériques.

Concevez maintenant qu'un observateur en repos reçoive des rayons lumineux qui, partant des objets, arrivent à son œil en ligne droite, cet observateur verra les objets sur le prolongement de ces rayons, et à leur véritable place. Mais s'il est lui-même en mouvement, et si sa vitesse est assez grande pour être comparable à celle de la Jumière, quoiqu'elle puisse être beaucoup moindre, l'œil, par l'effet de ce mouvement, choquera les molécules lumineuses qui arriveront vers lui; il éprouvera donc à son tour un choc ou une pression composée de la vitesse de la lumière et de la sienne propre, dirigée en sens contraire. Par l'effet de cette composition, les molécules lumineuses lui sembleront arriver à son œil dans une direction différente de celles qu'elles ont réellement,

Ainsi, lorsqu'une balle de paume est lancée avec beaucoup de vitesse sur la raquette du joueur, qui la repousse fortement, la direction qu'elle prend après le choc se compose de celle qu'elle avait d'abord reçue, et de celle qui lui a été ensuite imprimée.

Le mouvement de la terre, s'il est réel, doit produire un effet semblable sur la lumière lancée par les astres. L'impression de cette lumière sur nos yeux ne doit pas se faire suivant la direction réelle des rayons lumineux. C'est en effet ce qui arrive ; et ce phénomène se nomme l'aberration de la lumière. Cherchons à en prévoir, à en mesurer exactement les diverses circonstances.

Le problême envisagé de la manière la plus générale, consiste en ceci : L'astre et l'observateur étant tous deux en mouvement, suivant des lois quelconques données, déterminer, à chaque instant, Tangle formé par les rayons visuels menés au lieu apparent de l'astre et à son lieu réel.

Pour commencer par le cas le plus simple, supposons d'abord que l'astre est immobile, et que la terre seule est en mouvement. Soit donc, à un instant quelconque, Sl'astre, Tla terre, fig. 12, pl. 3, l'un et l'autre étant considérés comme des points. Le rayon visuel ST représente la direction suivant laquelle la lumière de l'astre parvient réellement à la terre. Mais l'observateur ne verra point l'astre sur cette direction; car étant lui-même en mouvement, suivant la ligne TT", il choque la molécule lumineuse, avec toute sa vitesse, à l'instant où elle lui parvient; et comme il se croit lui-même en repos, il attribue cet effet à un mouvement propre de la lumière en sens contraire. De-là résulte, pour l'observateur, une sensation composée de la vitesse réelle de la molécule, suivant la direction ST, et de celle qu'il lui suppose, suivant la direction Tt, opposée au mouvement de la terre. Cette composition de mou

vemens produit sur l'œil une impression exactement semblable à celle qu'il auroit éprouvée s'il eût été immobile et que la molécule lumineuse l'eût choqué suivant la résultante des deux vitesses. Ainsi, pour obtenir la direction apparente du rayon visuel TS', il faut, selon le principe de la composition des forces, prendre sur le prolongement du rayon réel ST, et à partir du point 7'une ligne T's, qui représente la vitesse propre de la lumière; prendre ensuite. sur la direction Tt du mouvement de la terre, et en sens contraire de ce mouvement, une ligne Tt, qui représente sa vitesse; et enfin, sur les droites T's, Tt, construire le parallelogramme Rt T's. La diagonale RTS' de ce parallelogramme étant indéfiniment prolongée, indiquera la direction apparente du rayon lumineux, à l'instant où l'observateur le reçoit ; et l'angle ST'S', formé par cette diagonale, avec le rayon visuel réel, sera l'aberration la lumière éprouve en vertu du mouvement de la

que

terre.

Passons maintenant au cas général où l'observateur et l'astre sont l'un et l'autre en mouvement. Voyez fig. 13. Supposons qu'à l'instant où l'observateur reçoit l'impression du rayon lumineux, T soit le lieu de la terre, et S le lieu réel de l'astre. Alors TS sera le rayon visuel réel. Mais la molécule lumineuse qui parviendra dans cet instant à la terre n'aura point été lancée suivant cette direction. Car, à cause de la transmission successive de la lumière, lorsque l'astre se trouve en S, la lumière qu'il émet en ce point ne parvient en T qu'après un certain intervalle de tems. Pour trouver le point S', d'où est parti le rayon lumineux, qui arrive en Tà la terre à l'instant où l'astre se trouve en S, il faut reculer un peu en arrière sur son orbite, et y prendre l'arc SS', égal au chemin que fait l'astre pendant le tems que la lumière employerait pour

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