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Faberration. Supposons d'abord l'étoile placée au zénith afin d'éviter les effets de la réfraction: dans ce cas si l'on décompose la vitesse propre de la molécule lumineuse à l'instant où elle entre dans l'atmosphère, et si on la résout en deux autres, dont l'une soit parallèle et égale au mouvement de l'observateur, l'autre vitesse, qui est celle de la direction apparente, sera dirigée suivant le rayon terrestre, et par conséquent perpendiculaire aux couches atmosphériques. L'action de l'atmosphère ne fera donc qu'accélérer un peu le mouvement de la molécule lumineuse sans changer sa direction apparente. Mais l'atmosphère est si peu épaisse, et la lumière emploie si peu de tems à la traverser, que l'effet de cette accéléralion sera tout-à-fait insensible pour nous. En effet, la distance du soleil à la terre est égale à 23578 rayons terrestres. Si l'on suppose la hauteur de l'atmosphère

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distance de la terre au soleil. Or, la lumière parcourt cette distance en 571" de tems décimal. Ainsi, avec cette même vitesse, elle traverserait l'épaisseur de l'atmosphère

dans un tems exprimé par

571" 2357800

Quand l'atmosphère

serait de diamant, son action ne ferait que doubler celle vitesse, et le tems dont il s'agit serait moitié moindre

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seconde de tems décimal; cette accélération serait donc tout-à-fait insensible, et pourtant elle surpasse plusieurs milliers de fois celle que l'atmosphère produit.

Mais si la molécule lumineuse entre obliquement dans les couches atmosphériques, comme cela arrive quand nous observons les astres à l'horizon, alors l'action de'

ces couches devenant oblique à la direction apparente de la molécule, ne fait pas seulement que l'accélérer, elle devrait la dévier de cette direction, et la dévier inégalement, selon la direction et l'intensité de sa vitesse. L'aberration qui en résulte devrait donc être inégale sur les différens astres, selon leur position et leur hauteur apparente. Mais il est facile de sentir que cet effet est absolument nul d'après les expériences de M. Arago que nous avons rapportées; car l'atmosphère agit en cela comme faisait le prisme dans ces expériences. D'ailleurs, indépendamment de ce résultat, l'action réfringente de l'atmosphère est si peu considérable, et la déviation totale qu'elle fait éprouver au rayon lumineux est si faible, que les inégalités de la vitesse des molécules lumineuses ne peuvent pas s'y manifester d'une manière sensible; car dans les circonstances les plus favorables, en supposant le mouvement propre de la molécule conspirant avec le mouvement de la terre, ou opposé à ce mouvement, on trouve par le calcul que le changement de la réfraction du rayon, en vertu de ce chan

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gement de vitesse, ne serait que de de seconde déci

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male, même à 88° décimaux de distance au zénith; ce qui est à-peu-près la limite où l'on puisse observer avec exactitude, à cause des réfractions atmosphériques. De sorte

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que l'astre ne varierait que de de seconde de part et

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d'autre de son lieu moyen, en vertu des changemens de vitesse apparente de sa lumière; et l'effet devenant de plus en plus insensible quand la distance zénithale est moindre, on pourrait tout-à-fait le négliger. Mais suivant ce que nous venons de remarquer, les observations de M. Arago prouvent que cette différence n'est pas seulement très-petite, elle doit être absolument nulle.

Enfin, il nous reste à considérer les variations de direction et de vitesse apparente que les molécules lumineuses venues des astres peuvent subir dans les humeurs de nos yeux. Quant au changement de direction apparente, nous devons conclure, par ce qui précède, qu'il sera nul si les couches dont nos yeux se composent sont perpendiculaires à la direction du rayon apparent, c'est-à-dire si la vision se fait bien directement par le centre de l'ouverture de la pupille, comme cela arrive ordinairement quand on observe avec des instrumens d'optique. Tout se réduira donc alors à un accroissement de la vitesse de la molécule pendant qu'elle traverse notre ceil; mais ce trajet est si court, que l'effet de cette accélération sera parfaitement insensible. Il n'y aurait donc d'erreur à craindre, que si l'on observait dans une position oblique de l'œil; car alors les rayons venus de l'astre et ceux qui viennent du micromètre, auquel on la compare, tomberaient bien sur le globe de l'œil avec la même direction; mais comme ils ont des vitesses différentes, la réfraction qu'ils souffriraient à cause de leur obliquité, serait inégale; ct lorsque l'image du fil et l'image de l'étoile coïncideraient l'une sur l'autre au fond de la rétine, leurs directions hors de l'œil seraient réellement séparées. L'erreur résultante de cette cause pourrait être fort considérable; car la force réfringente des humeurs des yeux est à-peu-près égale à celle de l'eau distillée, et celle du cristallin doit être plus considérable encore; de sorte que la déviation produite par ces substances semble devoir être fort sensible. Mais les expériences faites avec le prisme nous prouvent encore, dans cette circonstance, que l'erreur dont il s'agit n'aura pas lieu; car le globe de l'œil et les humeurs qui le remplissent agiront sur la lumière précisément comme le prisme dans les

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expériences de M. Arago; et par conséquent, dans ce cas, comme dans celui du prisme, l'obliquité des surfaces réfringentes ne produira point de déviation apparente.

En résumant ce que nous venons de dire on voit " que l'aberration produite par le mouvement de la terre est toujours indépendante des instrumens avec lesquels nous l'observons. Car, lorsque l'action des milieux réfringens est parallèle a la résultante des vitesses de la lumière et de la terre, ce qui est le cas le plus ordinaire, la théorie démontre qu'il n'en peut résulter aucun changement dans la direction apparente des molécules lumineuses, parce que la composition des deux vitesses doit se faire à l'instant où la molécule lumineuse rencontre les objets terrestres; et dans l'autre cas, où l'action oblique des milieux réfringens tendrait à altérer cette direction, l'expérience, faite au moyen du prisme, prouve que la déviation apparente est encore insensible par des causes qui, à la vérité, ne nous sont pas jusqu'à présent bien connues.

La théorie de l'aberration de la lumière complète la connaissance des mouvemens généraux que l'on observe dans les positions apparentes des étoiles. En corrigeant cette aberration par le calcul, ainsi que la précession et la nutation, on fait disparaître tous les déplacemens apparens, et on ramène le système entier des étoiles à l'immobilité, dont quelques-unes sculement s'écartent encore par de petits mouvemens propres qui ne sont assujettis à aucune loi.

En voyant cet accord si parfait de la théorie avec les phénomènes, on ne peut s'empêcher de convenir que l'aberration de la lumière est une preuve frappante du mouvement de la terre, la découverte en est due au célèbre astronome Bradley, qui a aussi reconnu le premier les effets de la nutation, comme nous l'avons dit plus haut.

92. Si l'on se rappelle que tous les phénomènes célestes

permettent d'admettre le mouvement de la terre, qu'ils se représentent dans cette hypothèse avec une simplicite beaucoup plus grande que dans toute autre ; si l'on se rappelle toutes les analogies qui indiquent ce mouvement, et qu'il faudrait violer pour l'exclure; enfin si l'on ajoute à tant d'inductions la preuve frappante que nous venons de découvrir dans l'aberration de la lumière, on regardera comme un fait certain que la terre a réellement, dans l'espace, un double mouvement de rotation sur elle-même, et de révolution autour du soleil. NOUS ADMETTRONS DÉSORMAIS CE RÉSULTAT COMME UNE VERITE INCON

TESTABLE.

NOTE sur l'Aberration.

Pour résoudre tous les problêmes de l'aberration, il suffit de se rappeler ce théorême de statique. La résultante de plusieurs forces ou de plusieurs vitesses, décomposées suivant une direction quelconque, est égale à la somme de ces forces ou de ces vitesses, décomposées suivant la même direction. Soient ", V, etc., les petites vitesses secondaires dont la molécule lumincuse se trouve ainsi animée, sa vitesse propre étant représentée par V. Rapportons, comme nous l'avons fait souvent, tous les points de l'espace à trois axes rectangulaires x'y' z', menés du centre de la terre à l'équinoxe du printems, au premier point du Cancer et au pôle boréal de l'écliptique. Cela posé, si l'on représente par X Y Z les angles formés par la direction de la vitesse A avec ces trois axes, cos X' exprimera cette vitesse découposée parallèlement à l'axe des ; et de même cos Y, Vicos Z' seront ses composantes parallèlement aux axes des y et des z'. Au moyen d'une notation semblable, on pourra faire subir aux autres vitesses la même décomposition. Alors si l'on nomme la résultante de toutes ces vitesses, et X, Y, Z, les angles que sa direction forme avec les trois axes, on aura,

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