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mier livre imprimé à Cracovie était un livre d'heures, en langue slave, de l'année 1491, et ce n'est que trente années plus tard, en 1522, que l'on commença à y imprimer en polonais.

Il est probable que le tzar Ivan IV sentit depuis longtemps l'utilité de l'invention de l'imprimerie, car en 1550, il s'adressa au roi de Danemark, Christian III, le priant d'envoyer en Russie plusieurs ouvriers-artistes et entre autres des imprimeurs, En 1552, arriva à Moscou un imprimeur et relieur danois, Hans-Johann-Missinheim, bokbinder, qui avait aussi la mission de la part du roi de Danemark d'amener le tzar à embrasser la religion protestante. Hans apporta avec lui une Bible et deux livres encore qui contenaient les dogmes de l'Eglise protestante. Dans le cas qu'Ivan IV agréât à la proposition du Danois, Hans devait faire traduire en russe les livres qu'il avait apportés et les imprimer. Les détails de l'accueil fait par le tzar à Hans, ainsi que la durée de son séjour à Moscou, nous sont restés inconnus, mais il est à douter qu'Ivan IV ait confié la fondation d'une imprimerie à un homme arrivé en Russie avec le dessein d'introduire un culte nouveau. Nous savons pourtant qu'à la même époque un diacre de l'église Saint-Nicolas du Kremlin de Moscou, Ivan Fedoroff et un certain Pierre Timoféeff s'occupèrent de l'organisation d'une imprimerie, peut-être au commencement sous la surveillance de Hans. L'époque et le lieu de la naissance de nos premiers imprimeurs nous sont restés malheureusement tout à fait inconnus. Dix années après la fondation de l'imprimerie à Moscou, y fut imprimé le premier livre les Actes et Épitres des Apôtres, avec une gravure sur bois représentant saint Luc; petit in-folio, de iv et de 261 ff. L'impression de ce livre commença le 19 avril 1563, et fut achevée le 1er mars 1564.

L'introduction de l'imprimerie souleva les passions des copistes, qui s'étaient fait un métier de copier les livres pour les églises. L'envie, la haine, la calomnie s'armèrent contre la nouvelle invention et poursuivirent les imprimeurs qui étaient à travailler à un livre d'heures, achevé en 1565. Le peuple cria à l'hérésie et brûla l'imprimerie, qui ne fut restaurée que bien plus tard, et ce n'est qu'en 1577 qu'on y imprima un Psautier. Quant aux imprimeurs, ne trouvant plus nulle part de refuge, ils durent prendre la fuite et se sauvèrent en Pologne où ils furent accueillis avec bienveillance par le roi Sigismond et le Hetmann de Lithuanie Hodkewitch; chez ce dernier, ils travaillèrent à leur métier de 1568 jusqu'à 1569. Mais le sort ne se lassa pas de persécuter ces pauvres imprimeurs, car Hodkewitch, vieux et malade, ne pouvant plus surveiller son fimprimerie, leur proposa de s'occuper d'agriculture et leur donna du terrain, mais ils refusèrent

son offre et le quittèrent, ayant imprimé chez lui, en 1569, un Évangile. Ivan Fédoroff alla à Lemberg, et Pierre Timoféeff à Vilna, où ce dernier imprima en 1575 un Évangile et en 1576 un Psautier; depuis on ne sait plus rien de ce qu'il advint de lui. Ivan Fédoroff imprima à Lemberg, en 1574, un Apôtre, en tout semblable à celui imprimé à Moscou; en 1580, il fonda une imprimerie à Ostrog, où il imprima le Nouveau Testament, ainsi qu'un Psautier, et l'année suivante, en 1581, il fit paraître la première édition d'une Bible complète en langue slave. Cette Bible était sa dernière œuvre. Il mourut deux années plus tard, en 1583, à Lemberg, où l'on voit encore jusqu'à présent, dans une église, sa pierre funéraire.

Moscou, 3/45 décembre 1863.

M. POLOUDENSKY.

LA NOBLESSE AUX ÉTATS DE BOURGOGNE de 1350 à 1789, par Henri BEAUNE et Jules D'ARBAUMONT. Un fort vol. in-4 de 350 pages avec planches d'armoiries1.

On ne s'est jamais plus occupé de blason et de généalogies que dans ces dernières années. Les auteurs si nombreux qui traitent aujourd'hui de la noblesse et des armoiries semblent défier le flot démocratique qui va toujours montant et sapant sans cesse les assises de notre vieille société prêtes à s'écrouler.

Les nouveaux nobiliaires nous paraissent en général des ouvrages peu sérieux, composés le plus ordinairement sur des notes assez contestables, fournies par des personnes qui, souvent, dans leur bonne foi, sont dupes de traditions plus ou moins fidèlement conservées dans leurs familles.

Il n'en est pas ainsi de la publication de MM. Beaune et d'Arbaumont, revue avec le plus grand soin sur les pièces originales conservées dans les archives de l'ancienne province de Bourgogne, ainsi qu'ils le disent page 7 de l'avant-propos : « La noblesse bourguignonne a est trop riche de souvenirs pour ne pas demeurer pure de tout a alliage, et elle aurait le droit de se croire amoindrie si la vérité de a ses annales était sacrifiée à des prétentions qui trouveront ailleurs « la liberté du ridicule. >>>

Cet hommage rendu à la véracité consciencieuse des auteurs, disons un mot de l'œuvre.

La chambre de la noblesse de Bourgogne chargea, dans la session de

↑ A Paris, chez A. Aubry. Prix : 45 fr.

1751, M. de Brosses, un de ses membres, de dresser la liste des gentilshommes qui avaient siégé aux États de la province depuis les temps les plus éloignés, et de faire dessiner les armoiries de ceux qui avaient figuré aux assemblées depuis 1682.

En 1754, ce travail fut présenté à la chambre et imprimé quatre ans après, sous la surveillance de MM. de Brosses, comte de Tournay, le marquis de Courtivron et de Thésu, qui s'adjoignirent plus tard M. de Fussey de Ménesterre. Ces messieurs ajoutèrent à l'ouvrage un discours préliminaire sur l'histoire de la Bourgogne et quelques notices sur les principales familles du duché.

MM. Beaune et d'Arbaumont ont pris pour base de leur publication le catalogue des gentilshommes de 1754, qu'ils ont fait remonter jusqu'en 1350, époque à laquelle on voit apparaître pour la première fois une succession à peu près régulière des assemblées provinciales jusqu'en 1789.

Ils ont apporté de nombreuses corrections au travail primitif; en consultant les reprises de fiefs, les procès-verbaux de dénombrement, les convocations du ban et de l'arrière-ban, les minutes des notaires, ils sont parvenus à restituer aux dénominations de seigneuries les noms patronymiques, guides si nécessaires dans les recherches généalogiques, à rectifier des erreurs d'attributions échappées aux premiers éditeurs, et à combler des lacunes. En un mot, rien n'a été négligé pour arriver à l'exactitude qui fait le principal mérite de MM. Beaune et d'Arbaumont.

Les belles planches de l'édition de 1758, aujourd'hui déposées dans la bibliothèque du château de, Grosbois, ont servi à la reproduction des nombreux blasons qui complètent si heureusement le volume.

Le discours préliminaire a été remplacé par une esquisse de l'histoire des États de Bourgogne, due à la plume élégante et facile de M. Henri Beaune, et nous ne pouvons mieux terminer cet article qu'en citant un passage du discours de M. le président de la Cuisine, qui, recevant l'auteur à l'Académie de Dijon, lui adressait ces paroles:

« Ces États de Bourgogne dont, par une préface qui vaut tout un « livre, vous avez fouillé avec un soin merveilleux l'origine, il en << faut écrire l'histoire avec ce style sobre et élevé qui distingue votre << pinceau.

«L'histoire de ces assemblées dans une province d'Etats est celle « de la liberté publique, sortant de ses langes par l'affranchissement « des communes qui en donna le signal après des siècles d'ignorance. << -Tout se lie ou se rapporte, en effet, à ce grand événement, qui

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a devint le prélude des actes dont l'histoire de la monarchie est rem« plie, et où l'esprit public commença par le vote des taxes commu«nes à balancer l'arbitraire de l'autorité féodale. Ce serait une « étude toute faite des changements dans le gouvernement du royaume, « subissant par contre-coup la même loi et les mêmes besoins. - Ce « serait surtout, comme point de départ, l'histoire des gouvernements « représentatifs dans nos États modernes, se frayant la voie à travers « les âges, à mesure que les mœurs lui viennent en aide. On y vera rait, enfin, que la liberté n'est point une plante parasite qui croît a et se développe d'un seul jet, et que les caractères, dans ces temps « lointains, n'étaient pas si flexibles que semble le croire une géné« ration frivole, qui compte pour rien tout ce qui s'est passé avant elle.-Voilà, Monsieur, dans les sources de l'histoire, une œuvre « digne de vous. >>

Henri CHEVREUL.

NÉCROLOGIE.

Le comte de FONTAINE DE RESBECQ (Adolphe Charles Théodose) vient de mourir à Paris, à la suite d'une longue et cruelle maladie. Né à Fives, près Lille, en 1813, d'une des plus anciennes familles de la Flandre, des comtes de Wallincourt, pairs de Hainaut, M. de Resbecq débuta dans la vie littéraire par un grand nombre de livres destinés à l'éducation morale et religieuse de la jeunesse: Histoire de l'Empereur Napoléon, racontée par une grand' mère à ses petits-enfants, ouvrage, publié sous le nom de M. Casimir Roqueplan (1834); Conseils à une femme chrétienne sur les devoirs de son état (1836); l'Enfant religieux, suivi de l'Histoire de l'Église, racontée aux enfants (1836); Catéchisme d'éducation (1836); Ernest et Louis, ou douceur et colère (1836); la Mer, nouvelle histoire des voyages (1836); Adalbert ou l'Anacharsis chrétien au XIe siècle (1836); Alger ou les côtes d'Afrique (1836); Almanach de la jeunesse pour 1837; les Jours de bonheur (1837); la Vie des Saints racontée aux enfants (1837); le Fénelon des écoles primaires (1837-1839); le Fénelon des classes élementaires (1844); à la Table de Dieu! (1837); Vie de Jean-Baptiste de la Salle (1838); les Vies des Saints racontées aux enfants, suivies de l'Histoire des fêtes de l'Église (1838); Manuel des personnes charitables (1838); l'Anacharsis des ateliers (1838); les Aventures de Polichinelle (1838); Contes fraternels (1839); les Contes en voyage (1839); Souvenirs d'un pantin (1839);

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reédités en 1841 sous ce titre le Jouet merveilleux ou les aventures d'un pantin; les Conteurs en prison (1841); Mémoires du Petit-Poucet (1842); Histoire d'un navire (1843); les Soirées du jeune navigateur (1844); Pie IX, régénérateur du monde ; l'Arbre de la liberté, tous deux anonymes (1848); André ou le prix municipal (1854); la Vertu pour héritage (1854).

On doit en outre à M. de Resbecq les Voyages littéraires sur les quais de Paris, lettres à un bibliophile de province (Paris, Durand, 1857), qu'il rééditait il y a quelques mois en l'augmentant d'une annexe sous ce titre Voyages littéraires sur les quais de Paris, suivis de mélanges tirés de quelques bouquins de la botte à quatre sous (Paris, Furne, 1864). La première édition de cet ouvrage a été appréciée ici en 1858 par M. Cocheris avec l'autorité de son talent; nous-même, nous en avons annoncé la seconde édition au moment même où l'auteur était si cruellement ravi à l'affection de tous ceux qui s'intéressent aux ouvrages de l'esprit.

Sous-chef du personnel de l'enseignement supérieur, puis chef de Bureau au ministère de l'Instruction publique, M. de Resbecq a publié une Notice sur le Doctorat en droit (Paris, 1857), dont la plume si justement appréciée de M. Raymond Bordeaux a rendu compte dans le Bulletin du Bouquiniste (1858, p. 361), et une Notice sur l'enseignement de la médecine et de la pharmacie (Paris, V. Masson, 1859).

Enfin, cet infatigable écrivain prit part à la rédaction d'un grand nombre de feuilles périodiques et de revues; les lecteurs du Journal de l'Instruction publique, et du Journal de la librairie conserveront longtemps le souvenir de toutes les grâces de son charmant esprit. Il collabora également au Dictionnaire d'Économie politique de M. Guillumin, dans lequel il développa le mot « librairie ».

Officier de l'instruction publique depuis plusieurs années, M. de Resbecq avait reçu le 14 août 1863 la croix de chevalier de la Légion d'honneur; légitime récompense d'une vie administrative et littéraire si laborieusement remplie !

Esprit riche de grâce, de distinction, d'aménité; cœur dévoué, toujours heureux de rendre un service, aimant à en provoquer l'occasion, attentif à en prévenir la demande; simple, modeste, fuyant l'éclat, préférant au bruit du monde les joies de la famille, et l'amour de ses livres, chers et fidèles compagnons de ses travaux, il s'est éteint, dans tout l'épanouissement des plus heureuses facultés. Mais Dieu réservait du moins à cette existence trop prématurément tranchée une bien douce compensation; en se retrouvant tout entier dans l'esprit et dans le cœur de ses enfants, il a pu pressentir que sa mémoire serait bénie par leurs larmes et honorée par leurs vertus.

J. BONIFACE-DELCRO.

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