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son influence salutaire à des époques où il fallait policer des mœurs barbares et initier des esprits incultes aux rudiments de la science. Mais ses moyens d'action ne sont plus en rapport avec les besoins des peuples, et son inflexible symbole est trop restreint pour guider l'esprit humain au milieu des puissantes évolutions par lesquelles il se crée sans cesse de nouveaux horizons.

Cette seconde accusation s'évanouit devant les preuves claires et péremptoires, qui démontrent que le catholicisme est pleinement en rapport avec tous les besoins et toutes les aspirations légitimes de la nature humaine. Nous pourrions énumérer ces besoins, ces aspirations, et montrer que le vrai christianisme en a la science complète avec la puissance de les satisfaire. Mais, pour nous borner, considérons un seul fait, le fait le plus saillant du progrès moderne, la fusion des peuples, résultat prévu des étonnantes découvertes qui seront la gloire de notre siècle, et recherchons quelles sont les tendances, quelle peut être la force coopérative de l'Église, relativement à cette grande transformation sociale.

L'Église est destinée à perpétuer, à propager l'oeuvre de son divin fondateur, en communiquant la vérité révélée aux diverses nations par le ministère de l'apostolat. Universelle par sa nature, elle applaudit à tout ce qui rapproche les peuples, à tout ce qui peut favoriser son action, qui ne doit avoir d'autres limites que les limites de l'univers. Les faibles pensées de l'homme ne sauraient scruter les desseins impénétrables de la divine Providence, dont les voies mystérieuses échappent aux calculs incertains d'une sagesse bornée. Toutefois, l'expérience nous apprend que Dieu se sert des moyens naturels pour favoriser l'effusion des dons surnaturels que son infinie miséricorde aime à répandre sur la terre. C'est ainsi que les grandes conquêtes de la puissance romaine, les relations promptes et faciles établies entre tant de peuples soumis à cette vaste domination, favorisèrent la première prédication de l'Évangile. Et aujourd'hui, pourquoi l'Église ne se réjouirait-elle pas, en voyant tomber de toutes parts les barrières qui séparent les diverses parties de monde? pourquoi

ne se réjouirait-elle pas devant cet avenir peu éloigné, où les immenses populations de l'Orient, dégradées par toutes les erreurs et par tous les vices, vont se trouver soumises à l'action plus libre, plus rapide, plus multipliée de la parole évangélique?

Celui qui verrait uniquement les avantages matériels dans la révolution que les merveilleuses applications de la vapeur et de l'électricité vont produire dans les rapports internationaux, apprécierait ce grand événement d'une manière très-incomplète. Nous ne nions pas les avantages d'un ordre inférieur; ce serait nier les avantages du commerce, ce serait méconnaître la divine économie de la Providence, qui, en donnant aux divers climats des productions diverses, a voulu porter le nord à se rapprocher du midi, l'orient de l'occident. Mais dans ce mouvement providentiel qui pousse les peuples les uns vers les autres, Dieu, qui subordonne toujours l'ordre matériel à l'ordre spirituel, se propose une fin autre qu'une plus grande facilité dans les transactions commerciales. Il veut ouvrir de nouvelles routes, fournir de nouveaux moyens de transport à ceux qu'il destine à porter partout la bonne nouvelle, à initier tous les hommes aux mystères de sa sagesse et de son amour. Il veut étendre l'action de l'Église en levant les obstacles qui gênent son expansion universelle, en rendant plus rapides et plus efficaces ses communications avec tous les enfants qu'elle doit éclairer, conduire et soutenir sur tous les points du globe.

Lorsque, grâce à la puissance des locomotives, et à la merveilleuse rapidité des courants électriques, tous les peuples ne formeront plus, en quelque sorte qu'un seul peuple, tous les lieux ne seront plus qu'un seul lieu, on ne verra que la réalisation matérielle de ce qui est déjà réalisé dans l'esprit de l'Église. Malgré les grandes difficultés qu'offraient jusqu'à ces derniers temps les relations entre plusieurs peuples, malgré des obstacles de tout genre, le catholicisme a formé une immense famille d'une multitude d'hommes séparés par de vastes mers, aussi différents qu'ils peuvent l'être de mœurs et de climats. Ici se présentent à notre esprit des souvenirs et des

faits qui seront toujours chers à ceux qui ont un amour sincère pour la France, qui sont jaloux de la gloire de cette nation privilégiée, que Dieu appelle d'une manière particulière à tous les dévoûments de l'apostolat. Puisse notre chère et noble patrie, puisse le peuple des Francs être toujours fidèle à la noble vocation que le ciel lui a faite !

La gloire de nos armes a pénétré jusqu'aux confins des terres habitées. L'ancien et le nouveau monde ont servi de théâtre à nos triomphes. L'envie, elle-même, a été forcée de louer la brillante et irrésistible bravoure de nos soldats, et un illustre général, dont l'héroïque valeur unie à une solide et franche piété rappelle les chefs des anciennes croisades, le vainqueur de l'Alma, a pu, dans un bulletin à jamais célèbre, dire sans emphase au souverain de son pays, en lui parlant de ceux qu'il avait conduits à la victoire : « Sire, ce sont les premiers soldats du monde! »

A côté de cette gloire, il en est une autre dont nous ne devons pas être moins jaloux, quoiqu'elle ne brille pas d'un si vif éclat. Nos missionnaires ont aussi porté partout leurs pacifiques conquêtes. L'Amérique n'a eu aucune solitude assez profonde, aucune forêt assez épaisse, pour arrêter leurs pas infatigables et effrayer leur courage. Ils ont fait admirer dans la Chine l'urbanité de nos manières, la perfection de nos arts, l'étendue et la profondeur de nos connaissances. Les montagnes du Liban les ont salués comme des libérateurs, et les îles de l'Océanie les ont reçus comme des messagers célestes. Partout ils ont excité une grande sympathie, un grand respect, une grande admiration pour la France, en la montrant aussi généreuse que puissante, aussi religieuse que guerrière. On peut le dire avec confiance, en ne considérant le missionnaire que sous le point de vue humain, on ne saurait s'empêcher de reconnaître en lui le citoyen qui sert le mieux sa patrie. Il ne faut donc pas s'étonner que les autres nations nous envient cet admirable dévoùment qui, chaque année, pousse un grand nombre d'apôtres loin des rivages de la France et les conduit sur des plages lointaines, inhospitalières, au milieu des peuplades les plus sauvages, pour y faire pénétrer, au

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prix de toutes les privations, de toutes les souffrances, de tous les sacrifices, les bienfaits de la civilisation avec les lumières de la foi. Il faudrait être bien aveuglé par la haine, ou avoir une bien faible intelligence des plus nobles intérêts de son pays, pour méconnaître ou chercher à dénigrer ce qui contribue si puissamment à élever si haut l'influence morale de la France.

Mais où se trouve la source de cette grande force d'expansion, de ces efforts sans cesse renouvelés, pour faire participer les nations les plus dégradées aux sublimes enseignements d'une religion sainte, et les préparer ainsi aux bienfaits et aux devoirs de la grande fusion des peuples? Il n'y a que l'Église qui puisse produire et féconder cette immolation complète de soi-même au bonheur de ses semblables. Réunissez tous les motifs humains, épuisez toutes les tentatives de l'intérêt et de l'orgueil, on verra ce qu'on a vu, ce qu'on voit tous les jours, on verra l'action de l'homme livré à ses seules forces, frappée de stérilité dans le grand œuvre de la régénération et de l'union des âmes. On pourra écrire de belles pages sur l'amour des hommes et sur la dignité de la nature humaine, étaler avec un grand luxe de paroles des sentiments philanthropiques, ajouter système à système, théorie à théorie, pour régénérer les masses, tant qu'on agira en dehors de l'Église, c'est-à-dire en dehors du véritable christianisme, on sera toujours faible et impuissant devant une tâche qui demande des sacrifices, un dévoûment, une action attractive et purificatrice qu'on ne trouvera jamais dans des agents dont l'unique mobile, le seul appui, est sur la terre. Aussi la sagesse humaine n'expliquera jamais, d'une manière qui puisse être acceptée par la raison, le spectacle que l'Église nous présente. Aux extrémités de la terre annamite, au sein des cités populeuses et dans les vastes provinces de la Chine, au milieu des sables brûlants de l'Afrique et des forêts du nouveau monde, au fond des îles les plus reculées qui se perdent dans l'immense étendue des mers, partout nous avons des frères qui croient ce que nous croyons, qui espèrent ce que nous espérons, qui aiment ce que nous aimons, qui prient

avec nous et pour nous. Cette union des esprits et des cœurs, cette communauté d'amour et d'espérance, cette grande famille formée d'éléments si séparés et si hétérogènes, sont l'heureux résultat de l'esprit qui anime l'Église, de la vertu céleste pour l'union universelle des âmes que Dieu a mise en elle. En unissant les nations par la même foi, par l'observation des mêmes préceptes, et par des efforts communs vers d'immortelles destinées, le catholicisme laisse à chaque pays son indépendance et sa forme de gouvernement. L'esprit de famille, l'esprit national, les usages, les traditions des ancêtres, sont respectés dans de justes limites, et ainsi, les conditions requises pour les belles choses se trouvent réunies : une grande variété et une indissoluble unité.

De ce qui précède, il suit avec évidence que la fusion des peuples, vers laquelle nous marchons à grands pas, est conforme à l'esprit et à toutes les tendances de l'Église. Nous voulons démontrer encore que l'Église seule peut combattre d'une manière efficace les graves inconvénients que cette fusion entraînerait après elle, si une force surnaturelle n'opposait une digue puissante au débordement de tous les principes de désordre et de corruption.

Un fait éclatant, universel, se présente dans l'histoire de tous les temps, c'est la guerre qui, comme un fléau permanent, porte successivement ses ravages dans toutes les parties du globe. Tout ce qui multipliera les points de contact entre les nations, multipliera en même temps les causes et les de collision, de sorte que plus les peuples seront rapprochés, plus les horreurs de la guerre seront à craindre. Les théories humaines ont toujours échoué et échoueront toujours devant ce terrible problème.

moyens

Le siècle dernier vit mettre au jour un ouvrage avec ce titre : Projet d'une paix perpétuelle entre tous les potentats de l'Europe. Ce rêve d'un esprit singulier et bizarre fut accueilli par la risée publique et n'eut d'autre résultat que de couvrir de ridicule son auteur, l'abbé de Saint-Pierre. Malgré ce ridicule, malgré l'insuccès de cette tentative, on a vu de nos jours des hommes, dont les noms sont célèbres, se réunir en congrès

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