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la Toifon d'or, par exemple, du Roi d'Efpagne, pendant qu'il leur de recevoir les Ordres de Chevalerie d'autres Souvepermet rains (a)? Mais pour ne pas m'engager dans une Differtation qui me meneroit trop loin, je me borne à remarquer que c'eft une idée chimérique que de vouloir détourner un Miniftre de France d'accepter la Grandeffe d'Efpagne, la Toifon d'or; ou un Miniftre d'Espagne d'accepter le Cordon bleu de France, quand fon Maître le trouve bon. Que s'il étoit vrai que cet usage fût dangereux pour le fervice du Maître, dans l'hypothèse, ce feroit aux deux Rois de la Maison de France qu'il auroit fallu adresser l'inftruction, & non à leurs Miniftres, qui n'oferoient accepter ces faveurs extraordinaires fans permiffion, & qui ne fongeroient ni à les mériter, ni à les folliciter, lorfqu'ils fçauroient que la permiffion ne leur en feroit jamais accordée.

» que,

L'Auteur blâme auffi l'ufage des efpions. » Le Ministre (dit-il ). » y met affurément peu du fien, l'or en eft le feul inftrument, » & tout ce qui en cela peut dépendre du Miniftre, c'eft de bien » choifir les personnes fur lefquelles il place fes bienfaits ou sa li» béralité. On se feroit lapider peut-être dans le monde Politi fi l'on vouloit déterminément interdire aux Ministres » cette reffource, pour être inftruits; mais qu'il foit permis du » moins de confeiller de n'y avoir recours qu'au défaut de tous » autres moyens. J'ai un mépris décidé pour ceux qui font capa» bles de céder à la féduction, & je détefte prefque autant la » voye par laquelle on arrive jusqu'à eux, que j'ai en horreur » ceux qui se laiffent aborder pour trahir leur devoir & leurs. » Maîtres ». Il n'eft pas question de fçavoir si cette manière de fervir l'Etat demande plus ou moins d'habileté dans le Miniftre à qui les intérêts de l'Etat font confiés. Un Miniftre ne doit pas marcher dans les voies qui, honorables pour lui, feroient in

fi

(a) Voyez dans le même endroit la permission donnés au Marquis de la Chetardie de rece-voir les Ordres de Mofcovie & de Holftein.

fructueufes pour l'Etat. Son devoir, au contraire, eft d'oublier totalement les intérêts, pour ne s'occuper que de ceux de fon Prince. S'il étoit poffible qu'en fervant utilement la Patrie, il ne paffat que pour un Miniftre médiocre, il auroit atteint fon but; car le but d'un Miniftre public & d'un homme de bien doit être de fervir utilement fa Nation. II. L'Auteur confond l'ufage des efpions avec une pratique de féduction qui en eft totalement différente. III. L'on peut confulter ce que j'ai dit ailleurs fur cette question, fi néanmoins c'en eft une (a).

Peu d'accord avec lui-même, le fcrupuleux Auteur, pour justifier l'infâme Machiavel, prétend qu'on lui a fait tort, en prenant pour autant de principes, de fimples idées qu'on ne devoir prendre que pour des conjectures. Je puis me difpenfer de réfuter cette opinion, après ce que j'ai dit à l'article de Ma

chiavel même.

L'Auteur, borné à quelques connoiffances de pratique, ne me paroît pas avoir puifé dans de bonnes fources. Il n'y a nuls vestiges de droit, nuis principes dans fon Livre, & je ne puis diffimuler la furprise où j'ai été, en y lifant que les Ambaffades n'ont de fondement que quelques petits ufages, & qu'on peut douter fi les privilèges des Ambassadeurs sont sensés.

Il feroit enfin à defirer que l'Auteur eût rapporté quelques faits, & qu'il eût appuyé fa doctrine fur des exemples; car ils portent encore plus de lumière à l'efprit que les raifonnemens. Son Livre n'eft, à mon avis, qu'une efquiffe, & une efquiffe fort foible, & qui n'embraffe qu'une très-petite partie d'un sujet qu'il falloit traiter en entier.

(a) Voyez le Traité du Droit des Gens, ch. 1. fett. 16 au fommaire: Il a droit d'at tacher aux intérêts de fon maître, &c. Voyez auffi le Traité de Politique, ch. 2. fect. 7. au fommaire: Des liaisons qu'il doit prendre, & des relations qu'il doit entretenir pour être informé de tout ce qui fe passe.

AUTEUR ANONYME

DE L'HISTOIRE.

DU DROIT PUBLIC-ECCLÉSIASTIQUE-FRANÇOIS..

UN Anonyme a compofé un Livre qui a pour titre : » Histoire

» du Droit Public Eccléfiaftique-François, où l'on traite de fa » nature, de fon établiffement, de fes variations & des caufes » de fa décadence; on y a joint quelques differtations fur les » articles les plus importans & les plus conteftés, par M. D. B. ».. Londres, (Paris) Samuel Harding, 1737, 2 vol. in-12.

Cet ouvrage, plein de fautes de ftyle, fit d'abord un grand bruit à Paris; mais ce bruit ceffa dès que des perfonnes inftruites Peurent lû; le titre, qui n'eft ni jufte ni net, put fervir alors à faire juger fainement, & de l'ouvrage où il n'y a ni ordre, nf méthode, ni vraie intelligence de la matière, & du génie de P'Auteur qui jette quelques étincelles de feu parmi des tourbillons. de fumée. Il s'appefantit fur des détails fouvent étrangers ou dir moins indifférens.

C'est un mélange d'Hiftoire, de Droit & de Politique. Ce Li-vre eft extrêmement curieux, par les questions qui y font traitées. H blâme les Papes de leurs ufurpations, & les Evêques de leur trop grande condefcendance pour les Papes, & de leurs entreprifes contre les Laïques; mais c'eft fans flatter les Princes. If élève des questions dangereuses entre ceux-ci & leurs Sujets. Il paroît l'ennemi des Jéfuites, mais c'est fans être l'ami des Ques nelliftes.

Quelques maximes hardies, mais fenfées, de l'imagination de l'audace, des vues fortes, mais nulle précision, nulle dif

cuffion, un fçavoir mal digéré, voilà ce que c'eft que cet ouvrage. C'est un mauvais Livre, mais où il y a de bonnes choses. Ce même Livre parut à Paris, en 1749, fous le même titre, toujours en deux volumes in-12, & comme fe vendant chez le même Libraire de Londres, (Trévoux) avec la date de 1740. Pour cette fois-ci, le ftyle en eft meilleur & plus correct, les principes Y font bien présentés, & on y entre dans des discussions exactes. C'eft véritablement une Hiftoire de notre Droit Eccléfiaftique, & une Hiftoire dogmatique, où les difcuffions de Droit accompagnent toujours les faits. L'Auteur démontre l'injuftice des ufurpations que l'autorité Eccléfiaftique avoit faites fur la puiffance temporelle ; il en infpire une jufte indignation au Lecteur, & fait voir que les biens du Clergé doivent être foumis aux impofitions comme ceux des Laïques, fans oublier de remarquer en passant que la plûpart des Princes ont auffi fait beaucoup d'entreprises fur la liberté des peuples. Il blâme tour à tour les Janféniftes & les Moliniftes, le Parlement de Paris & la Sorbonne, quand l'occafion s'en préfente. Cette feconde édition est bien meilleure que la première, & le bruit qu'elle fait fera plus durable qu'il ne l'a été la première fois..

DUGUE T

UE de Traités on a publiés pour l'inftruction des Princes La vie de Cyrus, par Xénophon; l'Inftitution du Prince, par Budé, 1546, in-folio & in-4°; Héroard, de l'Inftitution du Prince, in-8°. Paris, 1609, ouvrage dédié au Dauphin, qui a regné fous le nom de Louis XIII; Inftitution du Prince, par d'Efpagner, 1616; La Mothe-le-Vayer, de l'Inftruction de Monfeigneur le Dauphin, qui fut depuis Louis le Grand; Erafm. Inflit Princip. Chrift.; Le Prince des Princes ou l'Ars de régner, (C'elhi

un Traité pour l'éducation d'un Prince) par Boitet. Paris, 1632, in-12; Traité des vertus néceffaires à un Prince, pour bien gouverner fes Sujets, par Faret, mort en 1646; Traité de l'Education de Monfeigneur le Dauphin, au Roi,Paris, 1664; La Pratique de l'éducation des Princes, par Varillas, Paris, 1684, in-4°; L'Art d'élever un Prince, par Galivert, Jéfuite, Paris, 1688, in-12; L'Art d'élever un Prince, par Marc-Antoine de Foix, autre Jéfuite; Recueil de Maximes pour l'Inftitution du Roi, par Joly; Bourfault, la véritable Etude des Souverains; Nicole, de l'Education d'un Prince; Règles pour former l'efprit d'un jeune Prince, par Morvan de Bellegarde, Amfterdam, 1707, in-12; Maximes avec des Exemples tirés de l'Hiftoire Sainte & profane pour l'Inf truction du Roi, par le même, Paris, 1718; Doria, Della Educazione del Principe, Naples, 1729. De tous ces ouvrages, aucun n'eft fi ample ni fi important que celui que je vais annoncer.

Jacques Jofeph Duguet, Prêtre, né à Montbrison en Forèz le 9 de Décembre 1649, & mort à Paris le 25 d'Octobre 1733 fut l'ami d'Arnaud, de Nicole & de Quefnel, & eut les mêmes opinions. Célèbre dans fon parti, il fe fit connoître par plufieurs ouvrages de piété, & il est l'Auteur d'un Livre qui a pour titre: » Institution d'un Prince, ou Traité des qualités, des vertus & » des devoirs d'un Souverain, foit par rapport au Gouvernement

temporel de fes Etats, ou comme Chef d'une Société Chré» tienne, qui est nécessairement liée avec la Religion ». Ce Livre a été imprimé sous le faux nom de Londres, Jean Nourse, 1739, in-4°, pp. 738, petit St. Auguftin, outre la Préface de l'Editeur & la Table ; & il en a été fait depuís, en divers lieux, d'autres éditions in-12 & in-4°.

C'est un ouvrage pofthume que Rome mit à l'Index en 1747, & que l'Editeur prétend avoir été composé pour le Prince de Piémont (a),

(a) Frère aîné du Roi de Sardaigne d'aujourd'hui, dans un tems que les ennemis de la France fe flattoient de le placer fur le trône d'Espagne.

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