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ALMA I N.

JACQUES ALMAIN, né à Sens, & mort à Paris en 1515, Docteur de la Faculté de Théologie & Profeffeur au Collége de Navarre, bon Scholaftique & fubtil Dialecticien, fut choisi pour écrire, en faveur du Roi Louis XII, contre le Pape Jules II, & pour défendre l'autorité des Conciles.

Jufqu'au tems du Cardinal Cajétan, la Cour de Rome n'avoit fait que préparer les voies au deffein qu'elle avoit formé d'introduire dans le monde l'opinion monstrueuse de l'infaillibilité du Pape. Ce Cardinal eft le premier Ecrivain qui ait entrepris expreffément de l'établir , par un Livre qui a pour titre: De autoritate Papæ & Concilii five Ecclefiæ comparatâ. Cet ouvrage fut envoyé, par le Concile de Pife, à la Faculté de Théologie de Paris, afin qu'elle le fît réfuter; & ce fut Almain qu'elle chargea de ce soin. Toutes les Œuvres ont été imprimées à Paris, en 1517, par les foins d'Olivier Lugdunéus. On y trouve deux traités concernant la matière dont nous parlons: l'un, De poteftate Summi Pontificis: l'autre, De autoritate Ecclefiæ & facrorum Conciliorum eam reprefentantium. L'Auteur y prouve la fupériorité du Concile, & y fait voir que le privilège de ne pouvoir se tromper dans la décision des questions dogmatiques, n'appartient pas au Pape.

Les raifonnemens d'Almain, quelque folides qu'ils foient, ne demeurérent pas fans réponse; & c'eft en vain qu'on espéreroit de réduire les partifans de la Cour de Rome au filence. Il fuffit de remarquer que, dans fon Livre de la comparaison de l'autorité du Pape avec celle du Concile, & dans fon apologie contre Almain, chapitre premier, Cajétan dit que l'Eglise qui eft l'épouse de Jesus Crist, eft l'efclave du Pape (a). Il faut (a) Servam natam, refpectu Pontificis Romani.

adorer les fecrets de la Providence, qui permet que des perfonnes conftituées dans les premieres dignités de l'Eglife, tombent dans de fi terribles égaremens.

Il reste à remarquer que fi Almain a été zélé pour les fentimens reçûs en France fur l'autorité Eccléfiaftique, il a fait quelques raisonnemens, dont on pourroit abufer, au préjudice de la Royauté. Il dit, par exemple, que l'inftitution de la Police civile & naturelle feroit mauvaise, si la Société ne pouvoit pas dépofer fon Roi, lorfqu'il la trouble. Tant s'en faut, ajoute-t-il, qu'elle ne le puiffe, qu'au contraire la Société ne pourroit pas se démettre du pouvoir de le dépofer, & de le retrancher comme un membre qui gâteroit tout le corps.

SEYSSE L.

CLAUDE DE SEYSSEL, né à Aix en Savoie, felon les uns, & à Seyffel, petite Ville de Bugey, felon les autres, mourut à Turin le 31 de Mai 1520. Il étoit fils naturel d'Antoine de Seyffel, homme de condition de la Province de Bugey, & fervoit, en qualité de fimple foldat, dans l'armée de notre Louis XII, dans le Milanez ( a ). Ce foldat, qui avoit eu une bonne éducation, fut présenté dans Milan au Roi qui l'appella dans son Confeil, le fit Maître des Requêtes, & depuis Evêque de Marseille (6). Il devint Archevêque de Turin fous François I. Il fut plufieurs fois Ambaffadeur à Rome, de la part de notre Louis XII, dont il a donné l'hiftoire au public. François I. voulut l'avoir auprès de lui, comme il avoit été auprès de Louis XII; mais le Prélat ne put fe réfoudre à quitter fon Eglife de Turin; il s'excufa, & écrivit ce qu'il fçavoit des affai

(a) Voyez tout ce détail dans l'Histoire du Cardinal d'Amboife par Baudier. Paris, Pierre Rocolet, 1634, in-4o,

(b) En 1509.

res du Royaume, pour la fatisfaction du Prince qui l'appelloit à fa Cour. Parmi plufieurs ouvrages de fa compofition, on compte les deux fuivans:

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La grande Monarchie de France, dédiée à François I, imprimée à Paris, in-8°. en 1519, en 1540, en 1548 & en 1557. Cet ouvrage a été traduit en latin par Sleidan, fous ce titre : De Republicâ Galliæ & Regum officiis latinè redditus à Joanne Sleidano, in-8°. à Strasbourg 1548 & 1562 & à Francfort en 1608. L'Auteur n'a pas entendu en quoi confistoit la souveraineté, & a supposé le Gouvernement de France mixte. Ce Gouvernement a toujours été purement Monarchique, fans aucun mélange d'Aristocratie ni de Démocratie, puifque les Etats généraux & les Parlemens n'y ont jamais eu que l'autorité qu'il a plû au Roi de leur confier, & qu'il la leur a ôtée lorsqu'il l'a jugé à propos (a). Pour former un Gouvernement mixte, il faut que ceux qui ont l'autorité, l'exercent de leur chef, & que le droit dont ils jouiffent leur appartienne, indépendamment de la volonté du Prince. Malgré cette erreur confidérable, on ne laiffe pas de trouver des chofes utiles dans l'ouvrage de notre Seyffel.

II. Un traité qui a pour titre : La Loi Salique des François, faifant mention de plufieurs droits appartenans aux Rois de France: Paris en 1540 & en 1557, in-8°. Seyffel prétend que Pharamond eft l'Auteur de la loi Salique. Il est le premier Ecrivain, comme l'a remarqué Chantereau-le-Fevre, qui ait parlé de la Loi Salique, entendue du droit de fuccéder à la Couronne, comme d'une Loi écrite. Les Auteurs qui l'ont précédé, n'avoient allégué que l'ancienne coutume du Royaume. Je fuis difpenfé de ré futer ici cette erreur de Seyffel, après avoir fait une differtation fur la Loi Salique (b).

(a) Voyez l'Introduction & la Déclaration des Advocats du Parl. de Paris, tom. 2. felt. 14 (b) Voyez la prem. fiction du fept, Chap. de l'Introduction, tom. 2.

BUDÉ.

GUILLAUME BUDÉ, fi connu par fon amour extrême pour les Lettres, par fon rare fçavoir & par fes ouvrages, né en 1467 à Paris, & mort dans la même Ville le 25 d'Août 1540, fut le premier homme de fon fiécle dans la Littérature Grecque & Latine. Il communiqua à la Nation Françoise le goût de l'érudition Grecque qu'il avoit reçu du célébre Jcan Lascaris fon maître, l'un de ces fçavans que la ruine de l'Empire d'Orient fit paffer en Italie & en France. Ce fut à la follicitation du maître & du difciple, que le Roi François I forma le deffein de dreffer une Bibliothéque dans la Maifon Royale de Fontainebleau, & de fonder à Paris le Collége Royal. Budé s'éleva par les talens fous un Prince dont la principale gloire vient d'avoir bien traité les gens de Lettres. Il fut Secrétaire & Maître de la Librairie de François I, Maître des Requêtes (a), Prévôt des Marchands à Paris, & envoyé à Rome en 1515, par François I. pour y négocier auprès du Pape Leon X, la reftitution de deux places de la dépendance du Duché de Milan, dont ce Prince étoit alors en poffeffion : négociation dont il s'acquitta avec plus de dextérité que fon Maître Lafcaris n'avoit rempli l'Ambaffade de Venise fous Louis XII.

Ce fçavant homme eft l'Auteur d'un ouvrage intitulé: Le Livre de l'Inftitution d'un Prince, qui fut publié avec les Annotations de Luxembourg, Abbé d'Yvry, de la Rivou, & de Salmoify, & qui fut imprimé à la Rivou en Champagne près de Troyes en 1546 in-folio, & depuis à Lyon in-4°. Le même ouvrage fut en

(a) Budé dit dans fes Commentaires de la Langue Grecque, que François 1 lui donna cette charge de Maître des Requêtes, en confidération de l'intelligence qu'il avoit da Grec. Voyez le Mémoire de Boivin le cadet, dans le cinquième tome du Recueil de l'Académie des Belles-Lettres de Paris.

core imprimé fans les Annotations de Jean de Luxembourg, à Paris, chez Jean Foucher, 1548 in-4°.

Deux Anecdotes marquent l'extrême attachement de cet Auteur à l'étude. I. Il étoit marié, mais sa femme, bien - loin d'empêcher que fon mari n'étudiât, lui fervoit de fecond, & lui cherchoit les paffages & les Livres néceffaires. Il fe représente dans une de fes Lettres comme marié à deux femmes; l'une étoit celle qui lui donnoit des fils & des filles ; l'autre étoit la Philologie qui lui enfantoit des Livres. Les douze premières années, la Philologie fut moins féconde que le mariage. Budé avoit plus travaillé du corps que de l'ame, & avoit moins produit de Livres que d'enfans; mais il espéroit qu'enfin il feroit plus de Livres que d'enfans. II. Un Domestique effrayé avertit un jour Budé dans fon cabinet que le feu venoit de prendre à la Maison; Avertiffez ma femme, (lui fait-on dire froidement) vous fçavez que je ne me mêle point du ménage.

Il n'écrivoit pas trop purement en François. Son style eft rude, obfcur & peu poli, Auffi, lui-même, en parlant à François I dans l'Epître Dédicatoire de l'ouvrage que je viens d'annoncer, dit: Qu'il ne fe voudroit bonnement louer de fçavoir la pureté de » la diction Françoise..... & qu'il étoit bien peu exercité en » style François ». Perfonne ne parloit mieux que lui la Langue Grecque. Un Auteur moderne en rend ce témoignage : » Budé » a été contemporain & ami d'Erasme; mais il lui étoit bien supé» rieur, non-seulement par la connoiffance de la Langue Grec» que en quoi il excelloit, mais même encore en tout genre » de littérature». Il paroît même qu'Erasme, qui connoissoit les talens de Budé, qu'il appelloit le prodige de la France, ne vit sa réputation qu'avec jaloufie (a).

(a) C'est le jugement qu'en porte Barat, mort depuis quelques années dans le Collège Mazarin, Auteur de la plus grande partie d'un ouvrage qui a pour titre : Nouvelle Bi bliothéque choifie. Amfterdam, chez David Mortier, 1724.

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