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mérite réel des livres, et même de leur valeur extrinsèque, c'est à l'étude de l'histoire littéraire qu'il doit s'appliquer principalement; c'est là qu'il pourra recueillir une ample moisson d'instructions bibliographiques. La France, la Hollande, l'Angleterre et l'Allemagne ont enrichi la république des lettres d'une multitude d'excellens journaux ; les Bayle, les Basnage, les Leclerc, et de nos jours Ginguené, Millin, MM. Say, Etienne, Jay, Jouy, Julien de Paris, etc., ont élevé la critique au plus haut degré de supériorité. C'est donc dans les écrits périodiques de ces savans que l'homme qui veut s'initier profondément dans l'histoire littéraire doit chercher des lumières ; c'est en parcourant aussi les biographies qu'il s'instruira beaucoup. Les Dictionnaires de Bayle, de Chauffepié, de Prosper Marchand, la dernière édition de Moréri, le Dictionnaire historique de Chaudon, la Biographie universelle de MM. Michaud sont des trésors d'érudition littéraire. Il est bon également qu'un bibliographe s'applique à connaître les auteurs anonymes et pseudonymes, et il trouvera dans l'excellent Dictionnaire de M. Barbier les instructions les plus précieuses sur ce sujet, et sur différens autres objets de philologie et de bibliographie qu'il lui est important de savoir.

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Mais comme les manuscrits sont les livres auxquels les amateurs et les curieux attachent le plus de valeur, et qu'ils forment la richesse la plus précieuse des grandes bibliothèil est important pour un bibliographe de s'attacher à les connaître ; il faut qu'il en fasse une étude particulière, qu'il puisse distinguer leur âge; qu'il ait connaissance des instrumens avec lesquels on a écrit dans les anciens temps, de la qualité des peaux ou des papiers que l'on a successivement employés, etc.

Avant de parler des livres imprimés, nous allons donc traiter des manuscrits, et donner sur cet objet les notions générales qu'il est essentiel qu'un bibliographe connaisse.

CHAPITRE II.

Des manuscrits et de leur utilité.

Les manuscrits forment une partie précieuse et essentielle d'une grande bibliothèque. C'est à l'aide des manuscrits enfouis dans les bibliothèques qu'à l'époque de la découverte de l'imprimerie on est parvenu à mettre en lumière les écrits de l'antiquité, alors presque ignorés. C'est par eux, dit M. de Landine, qu'on a pu comparer les divers textes des auteurs, et qu'il a été possible d'en donner des éditions correctes. Aussi ceux dont il ne restait qu'un seul manuscrit, tels que Velléius Paterculus parmi les Latins, et Hesychius parmi les Grecs, sont-ils si remplis de fautes, d'omissions et d'expres sions obscures, que, malgré toutes les corrections faites par les critiques depuis deux siècles, on trouve encore dans ces écrivains une foule de passages qui paraissent altérés, et qui par le concours des manuscrits auraient été mieux expliqués. Par la raison contraire, le Térence est peut-être l'auteur classique le plus pur, parce qu'indépendamment de l'ancien manuscrit de ce poète, conservé dans la bibliothèque du Vatican, et suivi en partie par les premiers éditeurs ceux-ci puisèrent dans plusieurs autres manuscrits du même auteur des restitutions de mots, des locutions plus claires et une foule d'utiles corrections. Horace a dû les siennes aux manuscrits consultés par Cunningham et Bentley, et les obscurités du texte sacré ont disparu devant ceux que Kennicot a parcourus..

Ce n'est pas seulement par rapport aux auteurs classiques de l'antiquité que la connaissance des manuscrits est importante; mais c'est parce qu'en nous familiarisant avec l'écriture ancienne, elle nous met à même de connaître nos vieux écrivains nationaux, poètes et prosateurs, dont le style a tant de charmes. « C'est le moyen, dit M. Sennebier, de s'approcher autant qu'il est possible des auteurs anciens

qui font nos délices, et d'avoir entre les mains plusieurs pièces, qu'il importe de conserver comme des documens fondamentaux... C'est le moyen de lire les poètes avec plus de plaisir, les orateurs avec plus d'intérêt, les historiens avec plus de confiance, et les philosophes avec plus de facilité; au moins on les lit avec plus de pureté, et moins de fautes grossières. >>

L'importance de cette connaissance doit être bien plus appréciée aujourd'hui ; car jamais on n'a montré un goût plus passionné pour nos vieux écrivains que dans ce moment. Journellement on les exhume de la poussière des grandes bibliothèques, où ils semblaient être ensevelis pour toujours. La Bibliothèque du roi est une mine féconde que des éditeurs infatigables exploitent avec autant de talent d'utilité pour les lettres (*).

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(*) M. Méon, employé aux manuscrits de la Bibliothèque du roi, et à qui nous devons déjà une bonne édition des Fabliaux et contes, que Babazan avait publiés pour la première fois en 1756, annonce dans ce moment un Nouveau recueil des fabliaux et contes inédits, des poètes français des 12°, 13°, 14° et 15° siècles. Il annonce aussi, par souscription, le roman Du Renard, production en vers du 13 siècle. en 4 vol. in-8, avec gravures. Il a publié il y a quelques années les Lais et fables de Marie de France, en 2 vol. in-8. M. Buchon, savant non moins versé dans la littérature française que dans la littérature étrangère, va pareillement publier bientôt une collection de nos anciennes chroniques, à la tête desquelles on verra figurer le vieux Froissard, enrichi du travail que le digne secrétaire de l'académie des Inscriptions, M. Dacier, a fait sur ce chroniqueur, et que le monde savant attendait depuis si long-temps avec la plus grande impatience.

CHAPITRE III.

De la matière des manuscrits.

Les peuples dès l'origine de la civilisation se plurent à consigner le souvenir des événemens mémorables dont ils avaient été les témoins, ainsi que leurs opinions, les préceptes de leur morale et le code de leurs lois. Leur écriture paraît avoir été d'abord en peinture. Ensuite vint l'écriture hieroglyphique, laquelle, en conservant des figures pour exprimer les sons de la parole, offrait une méthode plus courte, qui subit différentes variations chez les peuples, où elle fut mise en usage. Un pareil mode était sûrement très-vicieux. Car si l'on voulait exprimer une bataille, les hieroglyphes d'Horapollon nous indiquent que l'on peignait deux mains, dont une tenait un bouclier et l'autre un arc. Mais ces signes n'indiquaient pas si la bataille était donnée par un grand ou un petit nombre de combattans, en quel endroit elle avait eu lieu, etc. elc.

Tantôt en substituant l'instrument à la chose même un œil et un sceptre représentaient un souverain; une épée désignait un tyran: un vaisseau avec un pilote peignaient le gouvernement de l'univers. D'autrefois on exprimait une chose par une autre, avec laquelle elle paraissait avoir quelque analogie. C'est ainsi qu'un serpent roulé en forme de cercle devint l'emblême de l'univers, et les taches de sa peau désignèrent les étoiles.

Cette écriture hiéroglyphique fut en usage dans l'antique Egypte, ainsi que l'écriture symbolique, qui paraît avoir été employée d'abord par les astronomes, et qui s'est conservée jusqu'à nous dans les figures qui ornent nos sphères célestes. L'écriture symbolique offrait le moyen de faire connaître au peuple les inondations du Nil, les retours du vent étésien, qui souffle du nord au sud, et celui du vent du midi.

L'écriture ayant été inventée soit par les Egyptiens, soit

par les Phéniciens, l'usage de la langue hiéroglyphique se perdit ; elle devint un secret pour le peuple, et ne fut plus connue que de quelques initiés. Ces nouveaux signes de la pensée se gravèrent d'abord sur des corps solides, sur la pierre, sur les métaux, sur l'écorce des arbres. Mais, les arts venant à se perfectionner, et les objets soumis à l'écriture à se multiplier, on sentit qu'il fallait une matière plus légère, plus portative, où les empreintes fussent plus faciles; et on l'inventa.

Le papyrus, espèce de jonc qui croissait sur les bords du Nil, fut employé par les Egyptiens à cet usage. Cette plante s'élève à la hauteur de deux coudées; elle est composée de plusieurs tuniques semblables à de la peau. On les séparait à l'aide d'une aiguille, au rapport de Pline, et après qu'elles étaient séchées, elles avaient acquis plus de solidité. On apprit ensuite à coller cette espèce de papier, afin de lui donner plus de consistance. Il était mis sous une presse, poli avec l'ivoire, frotté souvent d'huile de cèdre pour le rendre plus incorruptible. Alexandrie et Memphis se distinguèrent dans l'art de le préparer.

Il ne reste que quelques fragmens de livres écrits sur le papyrus, tels que celui de la bibliothèque ambroisienne de Milan, qui avait été transporté dans la bibliothèque royale de France; c'est la traduction latine de quelques livres des Antiquités judaïques de Flavien Josèphe, par Rufin : les caractères sont lombards romains du 5° siècle et presque entièrement effacés. Mabillon et les auteurs du Nouveau traité de diplomatique citent encore quelques autres fragmens de manuscrits sur papyrus.

Après le papyrus on employa la feuille du palmier et celle des autres arbres. Le cuir et la peau des animaux leur succédèrent. Les Dominicains de Bologne possèdent, dit-on, un Pentateuque en beaux caractères hébreux, tracés sur une seule et très-longue peau.

En 1747, on vendit chez M. de Pontchartrain pour la

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