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mune, Alde Manuce est celui qui les a mises en usage pour la première fois.

La reliure des livres devint aussi, dès l'origine de leur impression, l'un de leurs principaux ornemens. L'art du relieur n'est guère connu que depuis l'invention de la typographie dont il paraît avoir suivi les progrès. Dans le 15° siècle, les reliures commencèrent à être enrichies de plaques d'or, d'argent ou d'incrustations en ivoire. Dans le 16, pour rendre les livres plus solides, on les couvrit de planches de bois, et souvent on revêtit ces planches de cuir ou de velours, nommé veluyau, et qui était d'ordinaire bleu ou vermeil. Les ouvrages de petit format furent ensuite couverts de peaux que l'art sut embellir et peindre. Souvent on découpa ces peaux de diverses couleurs, en compartimens séparés par des filets d'or, et on en fit des espèces de parterres ou de mosaïques. Les reliures en mosaïque de cette époque, et particulièrement quelques-unes de celles qui décoraient les livres précieux d'Henri II et de Diane de Poitiers, sont revêtues de dessins arabesques d'une imagination charmante et d'un fini incroyable. On voyait dans la belle bibliothèque de de Thou des livres enrichis des ornemens les plus élégans, et leur antique parure les fait encore rechercher aujourd'hui par les curieux. Enfin le luxe de la couverture des anciens livres était poussé au point qu'outre les étoffes riches brochées en or ou en argent dont elle était revêtue, elle était souvent encore enrichie de perles fines et de pierres précieuses.

Les premiers relieurs furent d'abord des ouvriers assez grossiers et dont l'ignorance même était regardée comme nécessaire à leur état. On lit dans les Recherches de Pasquier qu'en 1492 la chambre des comptes de Paris, en choisissant son relieur, lui fit prêter serment qu'il ne savait ni lire ni écrire, afin qu'il ne pût divulguer l'état des sommes et des comptes. Cette crasse ignorance ne se fait plus remarquer aujourd'hui, et l'on voit des relicurs analiser avec

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beaucoup de précision le titre des livres pour l'insérer au dos de ceux qu'ils relient.

Les reliures modernes se font ordinairement en vélin, en basane, en veau, en peau de truie, en cuir de Russie, en peau de chagrin et en maroquin de diverses couleurs. On les orne souvent de dentelles d'or sur le plat du volume; on y grave des armoiries, des devises, ou les noms des propriétaires. Les diverses couleurs dont sont décorées les reliures en veau les font désigner sous les noms de veau fauve, veau écaille, veau jaspé, veau marbré, veau porphire, veau racine, etc. On double quelquefois les couvertures de maroquin, avec d'autre maroquin d'une couleur différente, ou bien avec du tabis, de la moire et du satin, enrichis d'une large bordure.

L'art de la reliure qui avait été long-temps stationnaire en France, et qui avait même rétrogradé, semble aller de pair aujourd'hui avec tous les arts qui concourent à la perfection d'un livre. Nos relieurs français rivalisent maintenant avec les plus habiles de l'Angleterre. Leurs travaux se perfectionnent de plus en plus, et sont dignes de la majesté des chefsd'oeuvre typographiques qu'enfantent journellement les presses françaises. Les relieurs qui ont acquis de nos jours le plus de réputation sont Deseuille, Padeloup, Deromme, Bozérian, Simier, Thouvenin, Vogel, Courteval Ginain, etc. On、 admire dans ce moment à l'exposition publique des produits de l'industrie française, au palais du Louvre, plusieurs chefsd'œuvre de reliure de MM. Simier et Thouvenin. Un exemplaire magnifique de l'Histoire de Henri IV, un autre encore plus admirable de Paul et Virginie, se font remarquer par la hardiesse du dessin, la richesse des ornemens et la pureté du stile. M. Simier a entrepris avec le plus rare bonheur de renouveler les somptueuses mosaïques de la reliure ancienne, dont le secret paraissait être perdu. Les curieux s'arrêtent avec non moins de plaisir devant les échantillons de reliure de M.Thouvenin. Elles se distinguent par une extrême

pureté et par une sévérité de goût qui cependant n'exclut point la richesse, par la précision et le fini; enfin par celte recherche de perfection qui veut ne rien laisser désirer à la pensée. MM. Vogel, Courteval et Ginain, heureux rivaux de MM. Simier et Thouvenin, ne sont pas moins dignes d'embellir de leurs reliures les belles productions typographiques de l'époque.

Les relieurs anglais Kalthoëber, Baumgarten et surtout Roger Payne, ont obtenu aussi de nos jours beaucoup de célébrité. Lord Spencer a payé à ce dernier quinze guinées pour la reliure d'un Eschyle. Roger Payne excellait surtout dans la reliure des anciens livres ; et ses dorures à petits fers sont superbes. Ce relieur, malgré le haut prix qu'il tirait de son travail, n'en était pas plus riche, et il est mort dans la plus extrême pauvreté. Travaillant seul, dans un petit réduit où tout se trouvait pêle-mêle, dit M. Peignot, il était toujours à l'emprunt de quelques pièces de monnaie à compte sur le prix de ses riches reliures. Sur la même tablette étaient confondus des vieux souliers, des feuilles précieuses, du pain, du fromage, des éditions du 15° siècle... enfin on n'aurait jamais cru que d'un pareil réduit dussent sortir ces magnifiques reliures destinées à parer la bibliothèque du riche et noble lord, et surtout qu'elles en dussent sortir sans être salies, ni tachées de graisse. Les reliures les plus difficiles étaient celles où excellait Roger Payne.

Les Anglais ont imaginé d'enrichir de dessins et de paysages, non-seulement le plat des volumes, mais encore leurs tranches. Au premier coup d'œil, celles-ci paraissent simplement dorées; mais en les couchant un peu, comme pour ouvrir le livre, la dorure fuit et on aperçoit les peintures qui la remplacent. Ce luxe est dispendieux. Un exemplaire du Joseph, de Bitaubé, édition de Didot l'aîné, relié à Londres, avec un paysage sur la tranche, s'est vendu 96 fr. en 1797, à la vente de M. Lefèvre à Paris.

Outre les progrès que l'art de la reliure a faits de nos jours,

on a vu aussi M. Bradel à Paris perfectionner les demi-reliures, c'est-à-dire celles dont le plat du volume n'est point recouvert en peau de basane ou de veau, mais d'un simple carton, en appliquant sur celui-ci un papier servant de couverture et qui imite parfaitement le maroquin.

Nous ne parlerons pas des relieurs allemands, italiens et espagnols, parcequ'ils n'ont encore rien produit de remarquable, bien que ces derniers aient cherché à encourager cette branche d'industrie en prohibant impitoyablement les relivires étrangères.

CHAPITRE XXVIII.

De la collation des livres.

On ne doit jamais acheter un livre de prix sans le collationner. Par la collation on s'assure s'il est complet, s'il y a des taches, des piqûres de vers, des déchirures, des transpositions, enfin s'il existe quelques imperfections qui peuvent en diminuer la valeur et autoriser à le rendre au vendeur.

Cette opération n'est pas aussi facile qu'on l'imagine, elle demande beaucoup d'attention et une connaissance particulière des livres, surtout lorsqu'il s'agit de ceux imprimés dans le 15e siècle, et de ceux à figures.

Parmi les différentes manières de collationner un livre les plus usitées sont celles qui se font par le moyen des signatures, ou par le moyen des chiffres placés au haut des pages. Mais, quoi qu'il en soit de l'une ou de l'autre de ces deux méthodes, elles ne sont pas suffisantes pour être assuré que l'ouvrage qui a paru complet l'est réellement. Dans un ouvrage en plusieurs volumes, dans l'in-8 par exemple, la signature a du premier volume finit à la page 16 et celle b commence à la 17o et ainsi de suite jusqu'à la fin : or les mêmes signatures portent aussi le même chiffre dans les volumes suivans; et si par hasard un relieur a mis un cahier d'un volume dans un autre

et que ce soit la même lettre paraissant devoir occuper cette place, alors il doit être difficile de ne point se tromper. Toutefois pour éviter cette méprise, on peut consulter la réclame qui se trouve placée à la fin de chaque cahier et qui indique le premier mot du suivant.

Mais si un ouvrage ordinaire qui possède tout ce qui peut en faciliter la collation exige autant d'attention, combien de difficultés ne rencontre-t-on pas dans celui qui date des premiers temps de l'imprimerie, lequel ne présente aucune de ces facilités, puisqu'il est sans chiffres, signatures et réclames. Cette difficulté est quelquefois telle qu'il n'est pas possible de s'assurer qu'un exemplaire dont on est possesseur est complet qu'en le conférant avec un autre auquel on est certain que rien ne manque. Cette ressource, lorsqu'il est possible de se la procurer, est infiniment précieuse, mais on ne peut avoir cet avantage que dans les grandes villes qui possèdent des bibliothèques; autrement on n'a que des données incertaines.

Les ouvrages qui doivent être ornés de figures demandent d'autres connaissances et un autre genre de lumières et d'attention, parce que ces figures sont susceptibles de diverses modifications soit quant au nombre, soit quant à la qualité des épreuves. Quant au nombre, parce qu'il serait possible qu'on en eût soustrait quelques-unes qui n'auraient paru qu'après l'ouvrage fait et livré; tels sont le frontispice de l'Encyclopédie, les Phallus antiques dans le voyage de Saint-Non, les deux grandes planches du Temple des Muses, édit. de 1733, in-fol., etc. Pour la qualité elle consiste dans la beauté des épreuves qui sont avant la lettre ou du moins des premières épreuves, avec les remarques qui servent à les faire reconnaître.

Il est nécessaire de connaître le nombre des figures qui enrichissent un ouvrage, ainsi que le lieu où elles doivent être placées; il faut les compter et surtout prendre garde qu'il ne s'en trouve quelqu'une répétée, à la place de celle qui doit s'y trouver, ce qui arrive quelquefois; nous en

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