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que le papier de linge; et c'est ce qui sera probablement très-difficile à découvrir.

Mais parmi toutes les espèces de papiers, le papier vélin est celui qui tient le premier rang par son poli, sa blancheur et sa force; on n'y voit ni pontuseaux, ni vergeures dans la pâte, et celle-ci est parfaitement unie. Il acquiert son tissu net et égal au moyen d'une toile de laiton placée sur les formes ou la pâte est mise.

C'est aux Anglais que l'on doit l'invention de ce papier. L'édition du Virgile de Baskerville, publiée en 1757, est un des premiers ouvrages où il ait été employé. Vers la fin de 1779, M. Didot l'aîné ayant observé ce genre de papier au microscope, en adressa une feuille à M. Johannot d'Annonay, en l'invitant à tenter une fabrication semblable: elle réussit parfaitement. En 1781, M. Didot reçut plusieurs rames de papier vélin, grand raisin, sur lequel il imprima un conte de madame de Montesson, et un extrait du poëme des Jardins. Bientôt le papier vélin de France fut exécuté sur format couronne, par le fameux fabricant Reveillon, en 1782. Louis XVI accorda une médaille d'or à M. Johannot pour le récompenser d'avoir perfectionné cette découverte. M. Montgolfier, qui montra aussi beaucoup de zèle pour ce perfectionnement obtint la même marque d'honneur, du

gouvernement.

CHAPITRE IV.

Des manuscrits les plus anciens.

On ne connaît point de manuscrits avant l'ère chrétienne. Comme les plus anciens étaient tracés sur le papyrus, il n'est pas étonnant qu'ils n'aient pu résister aux injures du temps, à cause de la faible contexture de cette matière végétale et filamenteuse. Toutefois la plupart des rouleaux découverts dans les ruines d'Herculanum sont antérieurs au

rendre les caractères latins mieux formés et plus corrects, et de les débarrasser des traits étrangers que leur avaient donnés les Lombards et les Saxons. Ces lettres, devenues plus nettes et plus élégantes, prirent le nom de carlovingiennes. Il existe beaucoup de beaux manuscrits de cette écriture. Fournier dans son Manuel typographique, a présenté trois alphabets de cette forme, dont il a attribué l'invention à Charlemagne.

CHAPITRE V.

De quelques signes distinctifs de l'ancienneté des

manuscrits.

Un manuscrit acquiert du prix non-seulement par la beauté de son exécution, mais aussi par son ancienneté. Il est donc intéressant de connaître quelques-uns des signes caractéristiques de cette ancienneté. En général on regarde comme anciens ceux dont l'encre métallique ne laisse plus qu'une faible trace; ceux écrits en lettres capitales rustiques ou négligées, comme le manuscrit de Prudence, du quatrième siècle, qui se voit à la bibliothèque du roi; ceux où chaque livre commence par deux ou trois lignes en vermillon, comme le Virgile de Florence et celui qui appartint à la bibliothèque de Saint-Denis et qui fut porté à la bibliothèque du Vatican; comme le saint Cyprien et le saint Augustin, qui se voyaient à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés avant l'incendie de sa bibliothèque.

Il existe plusieurs bons ouvrages que l'on peut consulter avantageusement pour connaître l'âge des manuscrits, tels que la Diplomatique de D. Mabillon; l'Art de vérifier les dates; le Traité de diplomatique par deux religieux bénédictins; l'Essai sur l'art de vérifier l'âge des miniatures depuis le 14° jusqu'au 17° siècle, etc. MM. Trombelli et Gatterer ont particulièrement donné d'excellentes règles sur cet objet;

le premier dans un Traité imprimé à Bologne, en 1778, in - 4; le second dans une longue dissertation intitulée Commentatio diplomatica, insérée dans les mémoires de Gottingue, pour l'année 1783, et suivie de sept tableaux d'indication.

Il résulte de ces deux savans ouvrages, I° que dans les plus anciens manuscrits jusqu'au 8° siècle, il n'y a point de séparation entre les mots, et que les lignes sont entières sans intervalle; 2° que le point y est omis, et que lorsqu'il a commencé à être employé, c'est au haut de la lettre et non dans la ligne ; 3° que les virgules n'ont commencé à être en usage qu'à la fin du 10° siècle; 4° que ce ne fut qu'au 15° qu'on s'est servi de signes d'interrogation, d'exclamation, et de la parenthèse; 5° qu'on imagina, dans le 13, de séparer les mots par de petits traits inclinés de droite à gauche ; 6° que les abréviations sont très-rares dans les manuscrits antérieurs au 11° siècle, tandis qu'elles devinrent si multipliées dans les trois siècles suivans, qu'elles rendent la lecture des manuscrits très-difficile, et quelquefois impossible. En général il est assez difficile de fixer l'âge des anciens manuscrits. Il faut pour cela en avoir beaucoup vu, connaître les diverses écritures nationales des différens siècles, les langues dans lesquelles ils ont été écrits, les liqueurs qu'on employait, la forme des miniatures et des vignettes, la couverture qui leur servait d'enveloppe ; enfin jusqu'à la matière dont il y est fait mention. Tous ces objets sont essentiels à savoir pour un bibliographe. Or, pour bien les connaître c'est aux savans traités que nous avons indiqués ci-dessus qu'il faut recourir. On y trouvera des modèles d'écritures de tous les siècles. Du reste pour juger sainement de l'âge des manuscrits, il faut comparer ceux dont l'époque est déterminée, avec ceux qui n'offrent d'autre marque, pour indiquer le siècle pendant lequel ils ont été écrits, que la forme de leurs caractères.

Un bibliographe qui veut s'initier dans la connaissance des anciens manuscrits doit savoir discerner les véritables des

apocryphes. L'abbé Rive possédait un exemplaire manuscrit du Speculum humanæ salvationis qu'il avait fait copier à Paris et qui était parfaitement semblable à un manuscrit du douzième siècle, au point que quelques prétendus connaisseurs s'y trompaient. Toutefois le papier seul aurait dû suffire pour indiquer son âge, attendu sa blancheur et les marques du fabricant qui étaient un signe non équivoque de la nouveauté 'dudit manuscrit.

Il est vrai que parmi ces copistes imitateurs, il s'en trouve qui ont le talent d'enfumer les papiers et de leur donner une teinte qui leur imprime un certain air de vétusté; mais un homme attentif ne s'y trompe pas, et dans le doute, l'eau seule peut faire dévoiler aisément la supercherie. Le papier ancien ne perd pas sa couleur noirâtre en infusant dans l'eau. Le papier coloré ou noirci par la fumée blanchit bientôt dans l'eau et annonce les efforts de l'art.

CHAPITRE VI.

Ornemens des manuscrits.

La beauté de l'écriture, sa grandeur qui forma les lettres majuscules et onciales, la netteté et la correction de ses traits ne contribuèrent pas seules à rendre les manuscrits précieux, mais on y réunit divers ornemens qui en augmentèrent le prix. On imagina de distinguer les initiales, le titre, la souscription, la signature de l'auteur ou du calligraphe, en les écrivant en couleur pourpre, et en se servant pour cela du minium ou vermillon. Cet usage est fort ancien, et il est mentionné par Ovide dans ses Fastes:

Il

Nec titulus minio, nec cedro charta notetur.

passa des Romains en Égypte, et c'est de cette manière que les Cophtes et les Turcs colorent leurs écrits les plus importans. Il pénétra ensuite dans les Gaules, où de leur

couleur rouge on donna le nom de rubriques, aux règles données pour déterminer l'ordre liturgique des offices. On nomma rubricatores, miniatores ceux qui mettaient cette couleur aux premières lettres des périodes et des chapitres, et ils formèrent une profession distincte. Les premiers imprimeurs voulant imiter les manuscrits, ornèrent leurs éditions de lettres ainsi coloriées, et ils avaient ordinairement un rubricateur à la tête de leurs ouvriers. La couleur pourpre semblait réservée exclusivement aux empereurs d'Orient, et ils signaient les actes et les dons qu'ils faisaient avec une encre de cette couleur.

On ne se contenta pas d'orner les manuscrits de lettres rouges, on les enrichit bientôt de lettres d'argent, de lettres d'or, et de dessins éclatans en ces couleurs métalliques. On voit à Florence un manuscrit en lettres d'or, envoyé de Constantinople au pape Jules II; et cette magnificence était même connue du temps de saint Jérôme, puisqu'il en fait mention dans sa préface sur le livre de Job. Habeant qui volunt veteres libros auro argentoque descriptos.

Après avoir donné la couleur pourpre aux lettres des manuscrits, on imagina de teindre en cette couleur le vélin même dont ils étoient formés. On réserva d'abord ce luxe pour les évangiles et les livres de piété; on l'étendit ensuite aux autres ouvrages. Le luxe des manuscrits alla toujours en augmentant, et non-seulement on peignit les majuscules en rouge, en violet, en vert ou en or, mais on les embellit de diverses mosaïques et de dessins de plantes et d'animaux. On découpa ensuite des planches minces de laiton pour en faire des espèces de patrons, et former des majuscules égales. Il paraît que l'idée en est venue des caractères tracés sur les momies d'Égypte et des peintures appliquées aux vases étrusques. On voit à Londres, dans la bibliothèque bodléienne, un manuscrit contenant la règle de saint Benoît, apporté en Angleterre par saint Augustin, au cinquième siècle, lequel offre de grandes capitales en rouge qui paraissent

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