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ratoire établi chez Dryzchen une presse garnie de ses deux vis, des pages, des formes, etc., et que Guttemberg avait recommandé de décomposer les formes et d'en cacher les pièces sous le pressoir ou au-dessus, de peur qu'on ne vît le secret de son mécanisme; qu'enfin le résultat de ce procès fut la rupture de la société et le retour de Guttemberg de Strasbourg à Mayence, où il s'occupa de nouveau d'impression. Quoi qu'il en soit de cette prétention appuyée sur des raisons assez spécieuses, mais qui ne reposent sur aucuns monumens typographiques, avant de parler des droits de la ville de Mayence à cette sublime découverte, nous allons remonter à la vraie origine de l'imprimerie.

Il est incontestable que cet art merveilleux est né primitivement de la gravure, et il est probable que son berceau fut placé au milieu des jeux futiles que fit naître l'invention des cartes. Les Allemands, les Français et les Espagnols s'attribuent exclusivement cette invention. Les premiers en fixent le lieu et l'époque à Ulm ou à Harlem, vers l'an 1350. Les Français établissent leurs prétentions sur ce que les premières cartes de toutes les nations portent l'empreinte des fleurs de lys. Ils disent qu'elles furent inventées vers l'an 1392, pour dissiper l'humeur noire et mélancolique de Charles VI. Mais les Espagnols produisent en leur faveur un titre plus ancien de leur existence. Ce sont les statuts d'un ordre de chevalerie, nommé l'Ordre de la Bande, institué par Alphonse XI, roi de Castille, vers l'an 1330. Ceux-ci défendent à nul des chevaliers de jouer argent aux cartes. Certes il n'y avait qu'un pas à faire, après avoir gravé les figures des rois et des dames sur les cartes, pour y répresenter des images des saints et des saintes; aussi ces premières images, conservées dans les monastères d'Allemagne eurent-elles la même forme, la même grandeur que les cartes, c'est-à-dire trois pouces de hauteur, sur deux pouces quatre lignes de largeur. Bientôt l'imagier ajouta le nom du

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saint, et ensuite quelques versets ou sentences de l'Ecriture au bas de sa gravure.

L'art faisant successivement des progrès, on ne se borna plus à mettre en vente des images séparées et particulières; mais on grava une suite de planches avec leurs explications, et on en forma des livres xylographiques, c'est-à-dire en planches de bois et images, dont plusieurs ont précédé dans l'imprimerie les livres qui offrent une date certaine. On regarde comme les plus anciens livres de ce genre la Bible des Pauvres, l'histoire de saint Jean l'Evangéliste, l'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament en quarante-six planches; l'Ars moriendi, l'Ars memorandi, et surtout le Speculum humanæ salvationis en soixante-trois feuillets. Ces ouvrages furent la plupart gravés à Harlem, de 1440 à 1450. Ils ne sont imprimés que sur le recto des feuillets. Ils sont sans date, sans nom d'auteur, d'imprimeur, ni indication du lieu de l'impression. Ils sont les premiers essais de la gravure, et non encore de la typographie. Mais ils devaient en accélérer la naissance; car il ne s'agissait plus que de couper les lettres, gravées en relief, et de les rendre égales et mobiles. Et c'est ce que la typographie a exécuté.

C'est à Guttemberg qu'était réservée la gloire de cette exécution: c'est le milieu du 15° siècle qui a été témoin de ce prodige; et c'est la ville de Mayence qui l'a vu éclater dans son sein. Ce procédé, qui paraît aujourd'hui si simple, et qui pourtant a été inconnu de toute l'antiquité, a coûté néanmoins à son auteur de grands efforts de génie et d'excessives dépenses. Les essais que l'on prétend qu'il fit à Strasbourg ne furent pas heureux, puisqu'il fut obligé de retourner à Mayence, sa patrie, après avoir consumé une grande partie de son patrimoine. Son projet sûrement, en se fixant à Mayence, fut de chercher dans sa famille, ou parmi ses anciens amis, des ressources pour se livrer à de nouvelles tentatives: car dans une création nouvelle aussi difficile et aussi vaste il fallait beaucoup d'avances. Toutefois on n'aperçoit aucune produc

tion de son nouvel art depuis son retour dans sa patrie jusqu'à l'an 1450. Il y en a qui prétendent qu'il imprima deux Donat,

pour les jeunes étudians, l'un en planches fixes de bois, l'autre en caractères mobiles; un Catholicon ou Abécédaire, etc. Il est probable néanmoins qu'il ne resta pas oisif dans cet intervalle, et c'est sûrement après avoir montré des fruits de son travail qu'il trouva dans Faust, orfèvre de Mayence, un associé pour lui procurer les fonds dont il avait besoin pour soutenir son nouvel établissement.

Voici comme l'abbé Trithème auteur contemporain, raconte ce fait dans sa chronique, sous l'année 1450: «Vers ce temps, dit-il, fut trouvé et inventé à Mayence, ville d'Allemagne sur le Rhin, et non en Italie, comme quelques personnes l'ont écrit à tort, cet art admirable, et jusqu'alors inconnu, d'imprimer des livres avec des caractères. C'est Jean Guttemberg, citoyen de cette ville, qui, après avoir exposé toute sa fortune pour la découverte de cet art, se trouvant dans de grands embarras, parce qu'il manquait tantôt d'une chose et tantôt d'une autre, désespéré de se voir obligé de suspendre ses travaux, compléta enfin, avec les conseils et les secours pécuniaires de Jean Fust de Mayence, l'art qu'il voulait établir. D'abord ils (ces associés) imprimèrent, avec les caractères tracés régulièrement sur des planches de bois formées en pages, un vocabulaire nommé Catholicon; mais avec les mêmes pages ou formes ils ne pouvaient imprimer autre chose, parce que les caractères sur ces planches n'étaient pas mobiles. A ces moyens d'imprimer ils en substituèrent de plus ingénieux, et ils découvrirent la manière de fondre la figure de toutes les lettres de l'alphabet latin. L'instrument dont ils firent usage pour cela fut appelé matrice; ils y jetaient en moule des caractères de fonte ou d'étain, propres à soutenir l'effort de la presse, tandis qu'ils sculptaient les lettres à la main avant cette découverte, etc. >>

Beaucoup de bibliographes sont d'accord avec Trithème, et pensent que Guttemberg, avant son association avec Faust,

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n'imprimait point encore avec des caractères mobiles, mais avec des caractères fixes gravés sur des tables de bois; que ce n'est que depuis qu'il fut associé avec ce dernier que l'on vit succéder à l'impression tabellaire celle en caractères de bois ou de cuivre. Mais comme il devait être très-long et trèspénible de sculpter à la main ces lettres de bois ou de métal, et qu'avec ce moyen il était presque impossible d'entreprendre de grands ouvrages, les nouveaux associés, après bien des tentatives, imaginèrent la méthode de fondre dans des matrices les formes de toutes les lettres de l'alphabet latin. Alors il leur fut possible d'imprimer la Bible, et Faust fournit les premiers fonds nécessaires à cette grande entreprise. C'est de cette époque que date vraiment l'invention de l'imprimerie.

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A peine ces deux associés étaient-ils parvenus au troisième cahier de la Bible que leur dépense se montait déjà à plus de quatre mille florins. Outre cette excessive dépense, mille obstacles entravaient la marche de leur opération; l'imperfection des moules, du métal, de l'encre, du papier, de la presse ; l'inégalité et la disproportion des lettres fondues, tout concourait à les retarder et à les arrêter dans leur entreprise quand Pierre Schoeffer, l'un des ouvriers de Faust, homme plein de génie et de sagacité, imagina une méthode plus facile de composer des caractères, et de leur donner une mesure et une forme plus régulière et mieux proportionnée. Il trouva la taille des poinçons; il fit de nouvelles matrices abécédaires et d'autres instrumens qui élevèrent l'art typographique à un haut degré de perfection. Faust, par reconnaissance, lui donna sa fille Christine en mariage.

Guttemberg, Faust et Schoeffer s'engagèrent à garder le secret de leur invention, et obligèrent leurs domestiques et leurs ouvriers, sur la foi du serment, à ne le révéler à personne. On attribue encore à Schoeffer la découverte de l'encre propre à l'imprimerie. Cette encre est formée de noir de fumée et d'huile de lin épaissie par la cuisson. Quel que soit le mérite des découvertes de ce dernier, on doit croire que

Guttemberg en avait eu les premières idées, et que, s'il ne les exécuta pas parfaitement, du moins il tenta les premiers essais typographiques. Il y en a qui prétendent que Faust et Schoeffer trouvèrent l'art complet entre les mains de Guttemberg, qui l'avait pratiqué avant eux, et qui le leur apprit, et que seulement ils perfectionnèrent la fonte des caractères.

En 1455 cette société typographique fut dissoute par suite d'un procès que Guttemberg eut avec Faust et qu'il perdit, en se voyant forcé de lui céder son attirail d'imprimerie. Mais il est probable qu'il en monta une nouvelle à part; Faust et Schoeffer restèrent toujours unis. Ces derniers donnèrent, en 1457, une édition du Psautier, qui passe pour le plus beau monument de l'imprimerie naissante, et qui fera, dans tous les siècles, l'admiration des connaisseurs. Ce livre précieux, de format petit in-fol., se trouve à la bibliothèque du roi, et on lit au bas cette souscription remarquable: Ab inventione artificiosa imprimendi ac characterisandi absque calami exaratione sic effigiatus... per Joannem Fust, civem Moguntinum, et Petrum Schoeffer de Gernsheim. A. D. 1457.

Faust et Schoeffer imprimèrent encore plusieurs ouvrages dont nous parlerons plus bas. Mais la prise de Mayence par Adolphe, comte de Nassau, arrivée en octobre 1462, endommagea l'atelier de leur imprimerie, où l'on venait d'achever l'impression de la Bible, qui porte la date de cette année, et força la plupart de leurs ouvriers et coopérateurs à se disperser de tous côtés. Les imprimeries de Mayence cessèrent de travailler depuis 1462 jusqu'à 1465. Ce ne fut qu'à la fin de cette année que Faust et Schoeffer publièrent le Ciceronis officia et le Sextus decretalium, et on prétend que Guttemberg mit au jour, en 1466, la Grammatica rythmica.

Guttemberg sur la fin de ses jours devint gentilhomme d'Adolphe II, électeur de Mayence, et mourut en cette ville en 1467. Son tombeau se voyait dans l'église des récollets. Le nom de Faust est pour la dernière fois inscrit sur l'édition

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