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mobiles; on en a tiré des empreintes dans de l'argile ou du plâtre, et on a coulé du métal dans ce moule. Un calendrier à deux colonnes, imprimé par l'imprimeur Valleyre de Paris, fut un des premiers fruits de ces essais du stéréotypage. L'écossais Wiliams Ged a imprimé à Londres, depuis 1725 jusqu'en 1739, des livres entiers stéréotypés. Cette innovation fut traversée par la jalousie des imprimeurs anglais, ce qui obligea Ged de retourner dans sa patrie, où, de concert avec son fils James, il imprima, en 1739, son Salluste en caractères non mobiles et avec des planches moulées d'une seule pièce. Vers 1780, le célèbre Foulis, de Glascow, stéréotypa deux cent seize pages de Virgile, et obtint un privilége de quinze années pour le stéréotypage de cet ouvrage. Il paraît qu'il n'usa point de cette faveur, car on ne connaît de lui aucun autre ouvrage stéréotypé.

En 1780, Hoffman, alsacien, fit usage des tentatives de ceux qui l'avaient précédé; il avait appris de M. Darcet, membre de l'Institut, la composition d'alliage que l'on peut pétrir comme de la cire molle; il avait recueilli de Ged l'idée de mouler des planches d'imprimerie dans une pâte argilleuse, pour en tirer des empreintes de métal. En conséquence il obtint, concurremment avec son fils, le privilége pour quinze ans de graveur en creux et en relief par les procédés d'un art nouveau. Il imprima en planches solides plusieurs feuilles de son journal polytipe, et il annonça comme imprimé de cette manière, les Recherches sur les Maures par Chenier pére, 1787, 3 vol. in-8. La même année il fut privé de son imprimerie par arrêt du conseil. En 1792, il obtint un brevet pour exercer pendant quinze ans l'art polytipe et logotype, brevet qu'il céda à Jean Daniel Saltzmann de Strasbourg. Du reste il ne fut pas plus heureux dans ses essais stéréotypes que ses prédécesseurs. Pierre, imprimeur à Paris, fit aussi quelques essais de stéréotypage qui n'eurent pas non plus de grands succès.

Mais il était réservé à Joseph Carez, habile typographe à

Toul, de faire des tentatives plus heureuses dans ce nouvel art et d'en accélérer les progrès. En 1785 il commença un premier essai d'éditions qu'il appelait omotypes, pour exprimer la réunion de plusieurs types en un seul, et en 1786 il sortit de ses presses un livre d'église noté en 2 vol. grand in-8 de plus de mille pages chacun. Il imprima successivement de cette manière plus de vingt volumes tant de liturgie que de livres d'usage. La révolution vint interrompre ses travaux, et appelé à la première législature par la confiance de ses concitoyens dont il était digne, ce ne fut qu'après la session qu'il put terminer un dictionnaire de la fable et une bible en nompareille qui est d'une grande netteté. C'est une chose étonnante que le stéréotypage d'un pareil ouvrage, et Carez est vraiment le premier qui ait fait des tentatives heureuses dans cet art. Ceux qui sont venus après lui et qui ont obtenu des brevets d'invention, tout en se servant des mêmes procédés, n'ont fait qu'en perfectionner les accessoires. Carez mérite donc de partager avec Ged la gloire de cette utile découverte, et si ce dernier a été le Guttenberg du stéréotypage, le premier en a été le Schoeffer. Malheureusement une mort prématurée a enlevé à la société cet utile citoyen au moment où il s'occupait le plus du perfectionnement de son art, bien que surchargé des travaux administratifs de la sous-préfecture de Toul, à laquelle il avait été nommé lors de sa création. Mais heureusement il revit dans un fils animé d'un noble zèle pour son état et qui a continué avec succès et même perfectionné les expériences typographiques de son digne père. Outre ses éditions omotypes, M. Carez fils a publié, il y a une couple d'années, une charmante petite édition de Voltaire, et il doit bientôt sortir de ses presses une histoire d'Espagne, par M. Etienne, député de la Meuse.

La fabrication des assignats, pour laquelle le gouvernement d'alors n'épargnait ni soins ni dépenses, donna lieu à un grand nombre d'expériences et de découvertes heureuses sur

la fabrication du papier, sur le mécanisme de l'imprimerie, sur l'encre à employer, sur la gravure et la trempe des carrés et des poinçons. C'est aussi à cette fabrication que l'on doit le perfectionnement du stéréotypage. MM. Didot qui y étaient employés en qualité de graveurs, et M. Herhan en qualité de mécanicien, après divers essais stéréotypes, dont les procédés étaient à peu près les mêmes que ceux de leurs devanciers Ged et Carez, obtinrent des brevets d'invention en l'an 6 de la république. Ces messieurs, après avoir obtenu leur brevet, se réunirent et publièrent un prospectus d'éditions stéréotypes, dans lequel ils firent ressortir les avantages de ces éditions. Ces avantages consistent, suivant eux, à pouvoir offrir des éditions nombreuses, extrêmement, soignées dans tous leurs détails, et d'une correction parfaite, à pouvoir remplacer un volume manquant pour le prix primitif de son acquisition, et enfin à pouvoir donner les livres stéréo¬ typés au-dessous du prix ordinaire.

Ce prospectus de MM. Didot et Herban fit jeter les hauts cris à plusieurs libraires, qui crurent voir la ruine de la librairie dans le stéréotypage. Un d'eux en fit une critique très-amère dans un petit pamphlet de 12 pages. On y dit que cette découverte tend à faire rétrograder l'art de l'imprimerie; qu'elle ne peut jamais produire une impression aussi belle que celles faites avec des caractères mobiles; que les caractères des éditions stéréotypes éblouissent et font après la lecture de quelques pages papilloter la meilleure vue; que la prétendue économie dont on se prévaut n'est qu'illusoire ; qu'enfin cette invention a toujours été ruineuse pour ceux qui ont voulu la mettre en pratique, et qu'elle n'offre aucun avantage que l'on ne trouve dans l'imprimerie ordinaire. Nous n'entrerons point dans la discussion de ces allégations pleines d'exagérations, et nous nous bornerons à dire que cette découverte ne tend nullement à faire retrograder l'art de l'imprimerie, et il nous paraît, ainsi qu'au savant Camus, qu'elle ne peut être ruineuse que pour celui qui entreprendrait de

stéréotyper des ouvrages dont le débit ne serait pas assuré, et qui alors serait la dupe, non du stéréotypage, mais de sa fausse spéculation.

MM. Pierre et Firmin Didot ont continué jusqu'à la fin de l'an 7, en société avec M. Herhan, et seuls depuis cette époque, leurs éditions stéréotypes, et ont publié un grand nombre de volumes. Bien que les procédés de ces messieurs arrivent au même résultat, ils diffèrent cependant sous des rapports essentiels que nous croyons devoir faire connaître. MM. Didot composent en caractères mobiles, d'une matière plus dure que les caractères ordinaires. Chaque page, bien serrée dans un chassis de fer, est enfoncée à froid dans une lame de plomb, où elle laisse son empreinte. On coule sur cette lame une matière qui, refroidie et détachée, reproduit les caractères en relief. On pare les bords et le plat de chaque planche au moyen du tour et du rabot, on met en forme et on imprime comme à l'ordinaire. M. Herhan compose avec des caractères mobiles en cuivre, qui, au lieu d'être en relief, sont en creux ; il coule sa matière sur chaque page ainsi composée, et obtient par cette seule opération le même résultat que MM. Didot.

les

Ces messieurs, pour donner à leurs éditions un prix médiocre, se servirent d'abord d'un papier commun, d'un gris sale et désagréable à l'œil, ce qui décrédita un peu leur découverte; mais, lorsque la bonté du papier eut fait ressortir les caractères, lorsqu'on eut mis plus de distance entre les lignes, on a bien senti le mérite et l'utilité de leur invention. Et bien que le goût du public se soit un peu refroidi pour éditions stéréotypes, néanmoins on ne peut s'empêcher de reconnaître dans cette découverte beaucoup d'avantages, et certes ce n'est pas un des moindres que d'économiser la masse du papier que tout imprimeur emploie, puisque la conservation des planches solides permet de ne tirer que le nombre d'exemplaires qui est demandé et que l'on désire. Ce qu'elle offre encore de précieux, c'est qu'elle rend immuables

les corrections du texte; et l'on peut se flatter par ce moyen d'avoir des éditions exemptes de fautes, et semblables à la Bible allemande imprimée dans la maison des Orphelins de Hall, dont on conserve toutes les planches en caractères mobiles depuis plus de quatre-vingts ans. Cette pureté de texte est surtout d'un prix inestimable pour les ouvrages de calcul, de mathématiques, et pour les auteurs classiques anciens et modernes.

M. Didot a offert dans ses éditions stéréotypes un grand nombre de classiques latins et français, et plusieurs auteurs italiens et anglais renommés. Leur texte n'est point interligné, et si le caractère à ce sujet perd un peu de son élégance, le volume contient aussi moins de feuilles, et est à meilleur marché. De son côté aussi M. Herhan a publié beaucoup de bons ouvrages. Leur texte est interligné, ce qui présente un coup d'œil plus net et plus agréable; le papier en est plus beau; mais aussi chaque volume, rendu plus fort par l'interlignement, est devenu nécessairement un peu plus cher.

Quoi qu'il en soit cette multiplication de bons ouvrages ne peut être que très-utile à la république des lettres et contribuera puissamment aux progrès des lumières. Nous persistons donc à regarder le stéréotypage comme une précieuse découverte, non moins avantageuse pour l'espèce humaine glorieuse pour ceux qui l'ont inventée et perfectionnée.

CHAPITRE XVIII.

Des chiffres, signatures et réclames.

que

On appelle chiffres, en termes d'imprimerie, le numéro des pages au haut des feuillets. Quelques bibliographes ont pensé que Jean de Spire était le premier qui avait ainsi numéroté

les

pages d'un Tacite publié à Venise, mais le plus grand nombre n'a pas partagé cette opinion. Marolles, dans ses Recherches bibliographiques, croit que le premier livre portant des chiffres aux pages, est celui de Jean Bocace, De.

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