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mauvaise administration (1). Tous les fonctionnaires qui auront mis l'État en danger, par mauvaise administration, corruption, ou autres délits, dit la constitution de Virginie, pourront être accusés par la chambre des députés. Il y a des constitutions qui ne spécifient aucun crime, afin de laisser peser sur les fonctionnaires publics une responsabilité illimitée (2).

Mais ce qui rend, en cette matière, les lois américaines si redoutables, naît, j'oserai le dire, de leur douceur même.

Nous avons vu qu'en Europe la destitution d'un fonctionnaire, et son interdiction politique, étaient une des conséquences de la peine, et qu'en Amérique c'était la peine même. Il en résulte ceci : En Europe, les tribunaux politiques sont revêtus de droits terribles dont quelquefois ils ne savent comment user; et il leur arrive de ne pas punir, de peur de punir trop. Mais, en Amérique, on ne recule point devant une peine qui ne fait pas gémir l'humanité : condamner un ennemi politique à mort, pour lui enlever le pouvoir, est, aux yeux de tous, un horrible assassinat; déclarer son adversaire indigne de posséder ce même pouvoir, et le lui ôter, en lui laissant la liberté et la vie, peut paraître le résultat honnête de la lutte.

(1) Chap: 1, sect. 2, § 8.

(2) Voyez la constitution des Illinois, du Maine, du Connecticut et de la Géorgie.

Or, ce jugement si facile à prononcer n'en est pas moins le comble du malheur pour le commun de ceux auxquels il s'applique. Les grands criminels braveront sans doute ses vaines rigueurs; les hommes ordinaires verront en lui un arrêt qui détruit leur position, entache leur honneur, et qui les condamne à une honteuse oisiveté pire que la mort.

Le jugement politique, aux États-Unis, exerce

donc sur la marche de la société une influence d'autant plus grande qu'elle semble moins redoutable. Il n'agit pas directement sur les gouvernés, mais il rend la majorité entièrement maîtresse de ceux qui gouvernent; il ne donne point à la législature un immense pouvoir qu'elle ne pourrait exercer que dans un jour de crise; il lui laisse prendre une puissance modérée et régulière, dont elle peut user tous les jours, Si la force est moins grande, d'un autre côté l'emploi en est plus commode et l'abus plus facile.

En empêchant les tribunaux politiques de prononcer des peines judiciaires, les Américains me semblent donc avoir prévenu les conséquences les plus horribles de la tyrannie législative, plutôt que la tyrannie elle-même. Et je ne sais si, à tout prendre, le jugement politique, tel qu'on l'entend aux États-Unis, n'est point l'arme la plus formidable qu'on ait jamais remise aux mains de la majorité.

Lorsque les républiques américaines commen

ceront à dégénérer, je crois qu'on pourra aisément le reconnaître : il suffira de voir si le nombre des jugemens politiques augmente (N).

CHAPITRE VIII.

DE LA CONSTITUTION FÉDÉRALE.

J'ai considéré, jusqu'à présent, chaque État comme formant un tout complet; et j'ai montré les différens ressorts que le peuple y fait mouvoir, ainsi que les moyens d'action dont il se sert. Mais tous ces États que j'ai envisagés comme indépendans sont pourtant forcés d'obéir, en certains cas, à une autorité supérieure, qui est celle de l'Union. Le temps est venu d'examiner la part de souveraineté qui a été concédée à l'Union, et de

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