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corps secondaires (et on ne pouvait le leur ôter), on renonçait d'avance à employer habituellement la contrainte pour les plier aux volontés de la majorité. Ceci posé, l'introduction de leurs forces individuelles dans les rouages du gouvernement fédéral n'avait rien d'extraordinaire. Elle ne faisait que constater un fait existant, celui d'une puissance reconnue, qu'il fallait ménager et non violenter.

AUTRE DIFFÉRENCE ENTRE LE SÉNAT ET LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANS.

Le sénat nommé par les législateurs provinciaux.-Les représentans, par le peuple. Deux degrés d'élection pour le premier.Un seul pour le second. - Durée des différens mandats.— Attributions.

Le sénat ne diffère pas seulement de l'autre chambre par le principe même de la représentation, mais aussi par le mode de l'élection, par la durée du mandat, et par la diversité des attributions.

La chambre des représentans est nommée par le peuple;

Le sénat, par les législateurs de chaque Etat. L'une est le produit de l'élection directe, l'autre de l'élection à deux degrés.

Le mandat des représentans ne dure que deux

ans;

Celui des sénateurs, six.

La chambre des représentans n'a que des fonctions législatives; elle ne participe au pouvoir judiciaire qu'en accusant les fonctionnaires publics.

Le sénat concourt à la formation des lois; il juge les délits politiques qui lui sont déférés par la chambre des représentans. Il est, de plus, le grand conseil exécutif de la nation. Les traités conclus par le président doivent être validés par le sénat; ses choix, pour être définitifs, ont besoin de recevoir l'approbation du même corps (1).

DU POUVOIR EXÉCutif (2).

Libre dans sa

Le traitement

Dépendance du président.- Electif et responsable.
sphère, le sénat le surveille et ne le dirige pas.
du président fixé à son entrée en fonctions.-Véto suspensif.

Les législateurs américains avaient une tâche difficile à remplir: ils voulaient créer un pouvoir exécutif qui dépendît de la majorité, et qui,

(1) Voyez Fédéraliste, no 52-66, inclusivement, Story, p. 190314. Constitution sections 2 et 3.

(2) Fédéraliste, no 67-77, inclusivement, constitution, article 2. Story, p. 315, p. 515-780. Kent's commentaries, p. 255.

pourtant, fût assez fort par lui-même pour agir avec liberté dans sa sphère.

Le maintien de la forme républicaine exigeait que le représentant du pouvoir exécutif fût soumis à la volonté nationale.

Le président est un magistrat électif. Son honneur, ses biens, sa liberté, sa vie, répondent sans cesse au peuple du bon emploi qu'il fera de son pouvoir. En exerçant ce pouvoir, il n'est pas d'ailleurs complètement indépendant le sénat le surveille dans ses rapports avec les puissances étrangères, ainsi que dans la distribution des emplois; de telle sorte qu'il ne peut ni être corrompu ni corrompre.

:

Les législateurs de l'Union reconnurent que le pouvoir exécutif ne pourrait remplir dignement et utilement sa tâche, s'ils ne parvenaient à lui donner plus de stabilité et plus de force qu'on ne lui en avait accordé dans les États particuliers.

Le président fut nommé pour quatre ans, et put être réélu. Avec de l'avenir, il eut le courage de travailler au bien public, et les moyens de l'opérer.

On fit du président le seul et unique représentant de la puissance exécutive de l'Union. On se garda même de subordonner ses volontés à celles d'un conseil: moyen dangereux, qui, tout en affaiblissant l'action du gouvernement, diminue la responsabilité des gouvernans. Le sénat a le droit de frapper de stérilité quelques uns des

actes du président; mais il ne saurait le forcer à agir, ni partager avec lui la puissance exécutive.

L'action de la législature sur le pouvoir exécutif peut être directe; nous venons de voir que les Américains avaient pris soin qu'elle ne le fût pas. Elle peut aussi être indirecte.

Les chambres, en privant le fonctionnaire public de son traitement, lui ôtent une partie de son indépendance; maîtresses de faire les lois, on doit craindre qu'elles ne lui enlèvent peu à peu la portion de pouvoir que la constitution avait voulu lui conserver.

Cette dépendance du pouvoir exécutif est un des vices inhérens aux constitutions républicaines. Les Américains n'ont pu détruire la pente qui entraîne les assemblées législatives à s'emdu gouvernement, mais ils ont rendu cette pente moins irrésistible.

parer

Le traitement du président est fixé, à son entrée en fonctions, pour tout le temps que doit durer sa magistrature. De plus, le président est armé d'un véto suspensif, qui lui permet d'arrêter à leur passage, les lois qui pourraient détruire la portion d'indépendance que la constitution lui a laissée. Il ne saurait pourtant y avoir qu'une lutte inégale entre le président et la législature, puisque celle-ci, en persévérant dans ses desseins, est toujours maîtresse de vaincre la résistance qu'on lui oppose; mais le véto suspensif la force du moins à retourner sur ses pas; il l'oblige à

considérer de nouveau la question, et, cette fois, elle ne peut plus la trancher qu'à la majorité des deux tiers des opinans. Le véto, d'ailleurs, est une sorte d'appel au peuple. Le pouvoir exécutif, qu'on eût pu, sans cette garantie, opprimer en secret, plaide alors sa cause, et fait entendre ses raisons.

Mais si la législature persévère dans ses desseins ne peut-elle pas toujours vaincre la résistance qu'on lui oppose? A cela, je répondrai qu'il y a, dans la constitution de tous les peuples, quelle que soit du reste sa nature, un point où le législateur est obligé de s'en rapporter au bon sens et à la vertu des citoyens. Ce point est plus rapproché et plus visible dans les républiques, plus éloigné et caché avec plus de soin dans les monarchies; mais il se trouve toujours quelque part. Il n'y a pas de pays où la loi puisse tout prévoir, et où les institutions doivent tenir lieu de la raison et des mœurs.

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