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La plupart des constitutions d'États ne donnent au mandat de la chambre des représentans qu'un an de durée et deux à celui du sénat. De telle sorte que les membres du corps législatif sont liés sans cesse et de la manière la plus étroite aux moindres désirs de leurs constituans.

Les législateurs de l'Union pensèrent que cette extrême dépendance de la législature dénaturait les principaux effets du système représentatif, en plaçant dans le peuple lui-même non seulement l'origine des pouvoirs, mais encore le gouverne

ment.

Ils accrurent la durée du mandat électoral pour laisser au député un plus grand emploi de son libre arbitre.

La constitution fédérale, comme les différentes constitutions d'Etats, divisa le corps législatif en deux branches.

Mais dans les Etats, on composa ces deux parties de la législature des mêmes élémens et suivant le même mode l'élection. Il en résulta que les passions et les volontés de la majorité se firent jour avec la même facilité et trouvèrent aussi rapidement un organe et un instrument dans l'une que

afin de lui donner le temps de se reconnaître, et d'envisager les choses de sang-froid. Et il est arrivé plus d'une fois qu'un peuple, sauvé ainsi des fatales conséquences de ses propres erreurs, s'est plu à élever des monumens de sa reconnaissance aux hommes qui avaient eu le magnanime courage de s'exposer à lui déplaire pour le

servir. »

dans l'autre chambre. Ce qui donna un caractère violent et précipité à la formation des lois.

La constitution fédérale fit aussi sortir les deux chambres des votes du peuple; mais elle varia les conditions d'éligibilité et le mode de l'élection; afin que si, comme chez certaines nations, l'une des deux branches de la législature ne représen tait pas des intérêts différens de l'autre, elle représentat au moins une sagesse supérieure.

Il fallut avoir atteint un âge mûr pour être sénateur, et ce fut une assemblée déjà choisie ellemême et peu nombreuse qui fut chargée d'élire.

Les démocraties sont naturellement portées à concentrer toute la force sociale dans les mains du corps législatif. Celui-ci étant le pouvoir qui émane le plus directement du peuple, est aussi celui qui participe le plus de sa toute-puissance.

On remarque donc en lui une tendance habituelle qui le porte à réunir toute espèce d'autorité dans son sein.

Cette concentration des pouvoirs, en même temps qu'elle nuit singulièrement à la bonne conduite des affaires, fonde le despotisme de la majorité.

Les législateurs des États se sont fréquemment abandonnés à ces instincts de la démocratie; ceux de l'Union ont toujours courageusement lutté con

tre eux.

Dans les États, le pouvoir exécutif est remis aux mains d'un magistrat placé en apparence à côté

de la législature; mais qui, en réalité, n'est qu'un agent aveugle et un instrument passif de ses volontés. Où puiserait-il sa force? Dans la durée des fonctions? Il n'est en général nommé que pour une année. Dans ses prérogatives? Il n'en a point pour ainsi dire. La législature peut le réduire à l'impuissance, en chargeant de l'exécution de ses lois des commissions spéciales prises dans son sein. Si elle le voulait, elle pourrait en quelque sorte l'annuler en lui retranchant son traitement.

La constitution fédérale a concentré tous les droits du pouvoir exécutif, comme toute sa responsabilité, sur un seul homme. Elle a donné au président quatre ans d'existence; elle lui a assuré, pendant toute la durée de sa magistrature, la jouissance de son traitement; elle lui a composé une clientelle, et l'a armée d'un véto suspensif. En un mot, après avoir soigneusement tracé la sphère du pouvoir exécutif, elle a cherché à lui donner autant que possible, dans cette sphère, une position forte et libre.

Le pouvoir judiciaire est de tous les pouvoirs celui qui, dans les constitutions d'État, est resté le moins dépendant de la puissance législative.

Toutefois, dans tous les États, la législature est demeurée maîtresse de fixer les émolumens des juges, ce qui soumet nécessairement ces derniers à son influence immédiate.

Dans certains États, les juges ne sont nommés que pour un temps, ce qui leur ôte encore

une grande partie de leur force et de leur liberté. Dans d'autres, on voit les pouvoirs législatifs et judiciaires entièrement confondus. Le sénat de New-York, par exemple, forme pour certains procès le tribunal supérieur de l'Etat.

La constitution fédérale a pris soin, au contraire, de séparer le pouvoir judiciaire de tous les autres. Elle a de plus rendu les juges indépendans, en déclarant leur traitement fixe et leurs fonctions irrévocables.

Les conséquences pratiques de ces différences sont faciles à apercevoir. Il est évident, pour tout observateur attentif, que les affaires de l'Union sont infiniment mieux conduites que les affaires particulières d'aucun État.

Le gouvernement fédéral est plus juste et plus modéré dans sa marche que celui des États. Il Y a plus de sagesse dans ses vues, plus de durée et de combinaison savante dans ses projets, plus d'habileté, de suite et de fermeté dans l'exécution de

ses mesures.

Peu de mots suffisent pour résumer ce chapi

tre.

Deux dangers principaux menacent l'existence des démocraties.

L'asservissement complet du pouvoir législatif aux volontés du corps électoral.

La concentration, dans le pouvoir législatif, de tous les autres pouvoirs du gouvernement.

Les législateurs des États ont favorisé le déve

loppement de ces dangers. Les législateurs de l'Union ont fait ce qu'ils ont pu pour les rendre moins redoutables.

CE QUI DISTINGUE LA CONSTITUTION FÉDÉRALE DES ÉTATSUNIS D'AMÉRIQUE DE TOUTES LES AUTRES CONSTITUTIONS FÉDÉRALES.

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La confédération américaine ressemble en apparence à toutes les autres confédérations.-Cependant ses effets sont différens. D'où vient cela? En quoi cette confédération s'éloigne de toutes les autres. Le gouvernement américain n'est point un gouvernement fédéral, mais un gouvernement national incomplet.

Les États-Unis d'Amérique n'ont pas donné le premier et unique exemple d'une confédération. Sans parler de l'antiquité, l'Europe moderne en a fourni plusieurs. La Suisse, l'Empire germanique, la république des Pays-Bas, ont été ou sont encore des confédérations.

Quand on étudie les constitutions de ces différens pays, on remarque avec surprise que les pouvoirs conférés par elles au gouvernement fédéral sont à peu près les mêmes que ceux accordés par la constitution américaine au gouvernement des Etats-Unis. Comme cette dernière, elles donnent à la puissance centrale le droit de faire la paix et la guerre, le droit de lever les

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