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et sur la symétrie de certains organes. Elles étaient le fruit des travaux les plus longs, des dissections les plus fatigantes, des expériences les plus minutieuses. Il ne sortait pas des hôpitaux, opé rait journellement une foule de cadavres dont la maladie avait lésé les organes, et cherchait dans les entrailles mêmes des animaux vivans les secrets de la vie prête à s'échapper. C'est ainsi qu'il prépara ses trois grands et importans ouvrages son Traité des Membranes (1800, in-8°, Paris); ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort (1800, in-8°); et son Anatomie générale, appliquée à la physiologie et à la médecine (4 vol., Paris, 1801). Quelques Mémoires publiés depuis l'hiver de 1797, époque où son professorat commença, avaient précédé ces trois ouvrages, et avaient annoncé le sage réformateur de la physiologie. Dans ces productions, qu'il faut compter parmi les plus belles qu'ait vues paraître le commencement du 19e siècle, Bichat s'est montré créateur. A son génie seul appartient cette doctrine ingénieuse et simple des propriétés vitales, qui décompose la vie, et en explique sans efforts tous les phénomènes, par la distinction si naturelle d'une vie intérieure et d'une vie animale. Il mit dans l'art de combiner les expériences une sagacité dont aucun anatomiste n'avait encore offert d'exemple. Il indiqua les grands ressorts de la machine humaine, puis en analysa les derniers rouages avec la plus minutieuse exactitude. Ce grand homme n'avait que 28 ans, et dé

jà il s'était placé à la tête des plus fameux anatomistes de l'Europe. «Dans six ans, disait le Hollandais » Sandifort, il aura surpassé notre >> Boerhaave. » Cet éloge, arraché au patriotisme, échappant, malgré une espèce de restriction, à la conviction la plus intime, est bien flatteur pour Bichat qui vivait encore, qui avait des rivaux, et qui ne pouvait pas être apprécié dans toute l'étendue de son mérite. Il venait de faire paraître les deux premiers volumes d'un Traité d'Anatomie descriptive (complété depuis par MM. Roux et Buisson), et il s'occupait d'une classification générale des maladies, quand une mort prématurée le ravit aux sciences et à l'amitié, le 22 juillet 1802. Une fièvre putride maligne, suite d'une chute légère et qu'on n'avait pas crue dangereuse, l'enleva en peu de jours. La veuve de son ancien maître recueillit ses derniers soupirs. Les praticiens les plus distingués, et six ou sept cents élèves, accompagnèrent le char funèbre de l'homme qui avait tant de fois interrogé la mort. Un monument fut élevé à l'Hôtel-Dieu, en l'honneur de Bichat et de Dessault, son immortel ami. M. Hersent, dans un tableau exposé au salon de 1818, a représenté les derniers momens de Bichat. On a justement admiré cette composition touchante et si digne du talent de l'artiste; et on regrette vivement qu'elle n'ait point été multipliée, et en quelque sorte rendue populaire, par la gravure. Auteur d'un grand nombre de belles découvertes, ayant préparé plusieurs de celles même qui ont été faites après sa

mort, créateur de vastes et ingénieux systèmes, sage observateur et profond philosophe dans sa manière d'envisager la science de la médecine et celle de l'anatomie, Bichat est sans aucun doute l'un des hommes que la France moderne doit le plus s'honorer d'avoir produits. Les praticiens, les élèves, toutes les personnes studieuses qui désireront juger Bichat dans ses hautes conceptions, le suivre dans ses travaux et dans toute sa vie privée, qui youdront bien connaître cet homme d'un si grand mérite, et par conséquent l'aimer, devront avoir recours à l'excellente Notice historique, publiée par M. Buisson, l'un de ses élèves, à la tête du troisième volume de l'Anatomie descriptive.

BIELECK (N.), l'une des nombreuses victimes de la politique. Homme paisible et père de famille, il occupait la place de professeur à l'école d'artillerie de Vienne, lorsque la conspiration de Hebenstreit éclata. On l'impliqua dans cette affaire. Même en supposant qu'il y ait pris la part indirecte qui lui fut attribuée, le traitement qu'on lui fit subir est horrible. Il fut déclaré déchu de noblesse, exposé trois jours comme un malfaiteur, et condamné à rester cent ans enfermé dans la forteresse d'Olmutz, où il entra le 8 janvier 1798, et où il est encore aujourd'hui.

BIELKE (LE BARON DE), issu d'une des plus anciennes familles de la Suède qui a donné des reines à ce pays, allié à la maison royale de Wasa, n'est guère connu que par sa fin tragique. Le 17

mars 1792, ayant appris dès lo matin l'issue de la funeste entreprise d'ANKARSTROEM (voyez co nom), il prit de l'arsenic à forte dose, et expira dans les plus cruels tourmens, vers les six heures du soir. Ses derniers momens furent affreux. Le chef de la police et ses agens entourèrent son lit de mort, et mirent en œuvre tous leurs moyens, même les plus violens, pour lui arracher des aveux et les noms de quelques complices. Leurs efforts furent vains. On lui envoya enfin un prêtre élevé avec lui au collége et son ami dans sa jeunesse. Les vives instances de cet homme, animé par l'espoir d'un évêché qu'on lui avait promis pour prix de ses soins, et qu'il obtint en effet, n'eurent aucun succès. « Je » ne sais rien, disait Bielke: j'ai »pris du poison, et le plus violent » que j'aie pu me procurer, parce »que j'ai craint d'être arrêté com»me l'ont déjà été tant d'autres » de mes amis, et d'être torturé

jusqu'à la mort. Mes sentimens » sont si connus, ma haine contre »>le despote s'est si fortement pro»> noncée, que j'avais tout à re>> douter. Je suis vieux (il avait » soixante et quelques années), »> d'une constitution faible; j'ai >> craint surtout que la violence » des tourmens ne m'arrachât des » paroles indiscrètes ou menson» gères, et ne me fît compromet» tre des hommes innocens. » Le prêtre redoublant d'efforts, lui représentant sans cesse les cieux ouverts s'il rendait hommage à la vérité, et les flammes éternelles prêtes à l'envelopper s'il s'obstinait à ne rien révélor, Bielke ļuį

dit d'une voix ferme : « Eh! laissez-moi donc mourir en paix; croyez-vous me persuader qu'on ne puisse être bien venu dans l'autre monde qu'à force d'infamies commises dans celui-ci ? » Ce furent ses dernières paroles. Son cadavre, livré aux outrages des agens de la police, fut enfin trainé sur la claie, sans jugement préalable, jusqu'au lieu du supplice des criminels, ainsi que celui du nommé Oerner, bourgeois de Stockholm, qui, à la même époque, s'était étranglé dans sa prison. Bielke avait eu très-jeune le titre de secrétaire du roi, mais n'en avait point exercé les fonctions. Ce titre banal en Suède se donne à qui veut le prendre et à qui n'en trouve point d'autre. Quelques biographes ont dit qu'employé comme secrétaire intime dans le cabinet du roi, Bielke trahissait les secrets de l'état. Le fait est qu'il n'a jamais approché de la personne du narque, ni paru à la cour. Il habitait une terre en Sudermanie, et ne venait à Stockholm que pendant la tenue des diètes. Il se faisait distinguer alors parmi les représentans de la nation par une éloquence énergique, et par un travail assidu dans les différens comités dont il fut souvent le rapporteur. Sa fille a épousé un offieier distingué de l'armée suedoise.

mo

BIENCOURT (LE MARQUIS DE). Député en 1789, par la noblesse du Guéret, aux états-généraux, il fut un des premiers de son ordre qui se réunirent au tiers-état. On doit regretter qu'ayant donné, dans cette ciconstance à la fois si so

lennelle et si importante, des marques d'un esprit éclairé et d'un cœur patriote, le marquis de Biencourt se soit ensuite perdu dans l'obscurité de la vie privée. Il n'en est pas moins digne de figurer dans un ouvrage dont le but est de conserver à la postérité le nom et les actions des hommes qui ont consacré nos libertés politiques, en renonçant aux avantages qu'ils tenaient de leur naissance, et en s'affranchissant de ridicules préjugés.

BIENVENUE (N.), vice-président du tribunal civil de SaintBrieux, membre de la chambre des représentans pendant les cent jours, en 1815. M. Bienvenue a été destitué pour avoir fait partie de cette chambre, et n'a pas même obtenu la pension de retraite, à laquelle il avait droit comme ancien magistrat.

BIERKANDER (CLAUDE), pasteur suédois, s'occupa toute sa vie d'observations sur les insectes. On lui doit plusieurs expériences nouvelles et des remarques intéressantes sur la végétation. Le premier, il ouvrit la route aux découvertes des modernes. sur la transpiration des plantes. Il examina, au milieu des neiges du climat qu'il habitait, l'effet du froid sur les arbres, sur les arbrisseaux et sur les fleurs, et ajouta à ce gracieux système une horloge de Flore, qui marque, par l'épanouissement d'une plante nouvelle, chaque division du jour et de la nuit. Ce savant a donné dans les Mémoires de l'academic de Stockholm, plusieurs dissertations fort intéressantes. Né en 1735, Bierkander mourut

en 1795 à Gresback, en Westrogothie.

BIÈVRE (N. MARECHAL, MARQUIS DE), littérateur, né à Paris vers 1747. C'était un homme remarquable par son esprit, et il en eut beaucoup plus que de bon sens on ne saurait le nier, quand on songe à la prodigieuse quantité de quolibets et de calembourgs sortis de sa plume. Que ces misérables jeux de mots échappent dans la gaieté de la conversation, cela peut se pardonner même à un homme sensé; mais un homme sensé prendra-t-il jamais la plume pour écrire ces plates bouffonneries? Un homme sensé se creusera-t-il la tête pour trouver un moyen de dénaturer tellement le sens des mots que la saine raison n'y puisse rien comprendre? Telle a été cependant l'occupation du marquis de Bièvre, quand il a froidement tracé sur le papier ces trois ou quatre ouvrages, si abondans en calembourgs, que malgré la fécondité de ses nombreux imitateurs, la somme entière des leurs n'y fait pas contre-poids. Le marquis de Bièvre en sottise a fait école; s'il eût vécu jusqu'à l'âge de raison, il en eût été honteux sans doute, ainsi que de sa renommée. Il approchait de cette heureuse époque, quand il donna la comédie du Séducteur, ouvrage qui n'est pas à beaucoup près exempt de défauts, mais dans lequel on trouve souvent l'empreinte du talent. Le style en est quelquefois maniéré, c'est le vice du temps; le comique y est fondé sur une satire assez froide de la philosophie, c'est encore le vice du temps.

Mais on rencontre souvent aussi dans le Séducteur des vers gracieux, des traits touchans et naturels; il y a des scènes bien faites, des situations attachantes; et le mérite en appartient à l'auteur, qui aurait pourtant pu tirer un meilleur parti d'un sujet où les traits les plus heureux de Clarisse, de la Nouvelle Heloise, et même des Liaisons dangereuses venaient se fondre tout naturellement. Le Séducteur, quoi qu'il en soit, obtint assez de succès pour avoir excité l'attention et l'humeur de La Harpe. Les Réputations, autre comédie du marquis de Bièvre, ne furent pas accueillies de même à beaucoup près. La disgrâce qu'elles éprouvèrent, l'empêcha sans doute de livrer au théâtre d'autres ouvrages sérieux qu'il avait en portefeuille, et qui se sont probablement perdus par suite de son émigration. Le marquis de Bièvre était petit-fils de Georges MARECHAL, premier chirurgien de Louis XIV. Il fut quelque temps mousquetaire; son caractère aimable et enjoué lui obtint de grands succès dans la plus haute société, où il plaisait moins pourtant par son esprit que par l'abus qu'il en faisait. Nous ne rivaliserons pas avec les biographes qui ont recueilli tous ses calembourgs, et lui en ont même prêté, à l'exemple de la Biographie universelle, qui, par parenthèse, le fait mourir à Spa, pour lui faire dire, je pars de ce pas. Nous dirons seulement que dans ses nombreux jeux de mots, on trouve quelques bons mots. Le marquis de Bièvre mourut en émigration à Anspach,

me

vers 1792. Ses ouvrages raisonubles ou non, sont: 1° Lettre écrite à M. la comtesse Tation (contestation), par le sieur de Bois-Flottė, étudiant en droit-fil, 1770, in-8°. On rencontre deux ou trois calembourgs dans chaque phrase de cet ouvrage burlesque. 2 Lettre sur cette question: Quel est le moment où Orosmane est le plus malheureux ? Est-ce celui où il se croit trahi par sa maitresse? est-ce celui où, après l'avoir poignardée, il apprend qu'elle est innocente? Cette dissertation, publiée séparément, a aussi été insérée dans le cours de littérature de La Harpe, après l'analyse de la tragédie de Voltaire, qu'elle a pour objet. 3° Vercingentorix, tragédie en un acte, 1770, in-8°. Cette pièce est toute écrite en jeux de mots et ea calembourgs, témoin ces deux vers; ce sont les premièrs de la pièce :

Dans ces lieux (à l'anglaise ) où le sort nous

mene.

Je viens de vos malheurs rompre le cours (Ja reine).

4 Almanach des Calembourgs, 1771, in-18; c'est le recueil des calembourgs que de Bièvre avait mis en vogue. 5° Les Amours de t'ange-Lure (l'engelure), et de la fee-Lure (la félure), 1772, in32. Ce recueil de sottises est devenu fort rare, ce qui prouve que les sots ne le sont pas. 6o Le Séducteur, comédie en cinq actes et en vers, 1783, in-8°. Cette pièce, qu'on attribua à Dorat, réussit parfaitement, tandis que Les Brames, tragédie de La Harpe, éprouvaient un sort tout contraire. Le marquis de Bièvre di

sait à cette occasion, dans son style favori: « Quand le Séduc »teur réussit, les Brames (bras » me) tombent.» Quelques enthousiastes crurent pouvoir mettre le Séducteur en parallèle avec le chef-d'œuvre de Gresset. Vous vous trompez, dit un plaisant qui n'était pas de cet avis Le Séducteur est aussi éloigné du bon que du Méchant. 7° Les Réputations, comédie en cinq actes et en vers, laquelle n'obtint aucun succès, et ne fut jouée qu'une seule fois (le 23 janvier 1788). En 1800, M. Deville a publié, sous le titre de Biévriana (in-18), la collection des calembourgs du marquis. Ce petit recueil a été réimprimé plusieurs fois; enfin la manie du même a été mise en scène sur l'ancien théâtre des Troubadours, dans un Vaudeville intitulé M. de Bièvre, ou l'Abus de l'Esprit. Le titre seul de cette pièce en annonçait le but, qui était d'empêcher cette misérable manie de s'impatroniser dans la conversation. Si la pièce a réussi, ce n'est pas du moins sous ce rapport.

BIGARRE (Auguste-Julien, COMTE), lieutenant-général, commandeur de la légion-d'honneur, etc., est né vers 1775, à Belle-Ile en mer, département du Morbihan. Il se rendit à Saint-Domingue, et entra, en 1791, dans l'artillerie de la marine. De retour en France, il servit à l'armée de l'Ouest comme sous- lieutenant dans le 9me régiment de ligne. Lieutenant en 1795, et capitaine en 1796, il fit, au commencement de 1797, partie de l'expédition d'Irlande, commandée par le général Ho

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