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lement terminée, sans les contrariétés, les obstacles et les malheurs que j'ai éprouvés, et qui m'ont fait perdre tant de tems et de travaux.

Dès 1776, je commençai à être fréquemment distrait de mon ouvrage par les sollicitations eț les démarches qu'il fallait renouveler sans cesse pour l'Observatoire, prêt à tomber en ruine et dénué d'instrumens. Une année, j'obtins la réparation des anciens cabinets d'observations; une autre année, on m'accorda quelqu'addition qu'il était indispensable d'y faire; à quelque tems de là, on essaya une réparation partielle des voûtes du grand bâtiment (1). J'arrivai ainsi péniblement jusqu'en 1784, où, à force d'importunités, et secondé par d'heureuses circonstances, je parvins enfin à déterminer le Gouvernement à restaurer complètement l'Observatoire, à le meubler de grands instrumens, à former un établissement utile aux progrès de l'astronomie. La position où je me trouvai au milieu de ces créations nouvelles exigea de ma

(1) Voyez II Mémoire.

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part des soins et des occupations qui ralentirent encore l'avancement de mon histoire céleste. Dans la crainte que j'eus alors de voir sa publication trop reculée, je pris le parti d'en faire imprimer divers fragmens dans mes extraits astronomiques de 1786, 1788, 1789 et 1790. Arriva bientôt cette époque désastreuse de bouleversemens, de persécutions et de terreur dont peu de savans ont senti les effets aussi longuement que moi. Pendant sept mois et demi que je restai en détention en 1794, mes papiers, livrés deux fois à l'examen des révolutionnaires, furent culbutés, dispersés. A peine mis en liberté, je fus obligé de sortir de Paris, de me retirer et de vivre à la campagne. Sorti de l'Observatoire, n'ayant plus ses registres à ma disposition, dénué de livres qu'on ne trouve que dans la capitale, j'ai passé nombre d'années dans la privation des moyens et des secours nécessaires pour poursuivre mon ouvrage. Est-ce au bout de trente-cinq ans, est-ce vers la fin de ma carrière qu'il me sera possible de le reprendre et de le terminer? Sans y renoncer tout-à-fait, je n'ose

m'en flatter: mais j'ai pensé que je pourrais au moins donner quelques fragmens intéressans de l'Histoire de l'Observatoire royal de Paris, dans des Mémoires particuliers tels que ceux que je publie aujourd'hui. Si je ne m'acquitte pas mieux des grands engagemens que j'avais contractés autrefois, si je n'ai pas rendu aux sciences tous les services qu'elles devaient attendre de moi, j'ai la consolation de pouvoir dire que c'est plutôt la faute des circonstances que la mienne. La lecture des Mémoires suivans va, je l'espère, en donner une preuve convaincante.

POUR SERVIR

A L'HISTOIRE DES SCIENCES

ET

DE L'OBSERVATOIRE ROYAL DE PARIS.

PREMIÈRE PARTIE,

PREMIER MÉMOIRE.

Exposé des établissemens et des travaux faits à l'Observatoire royal de Paris, depuis 1784 jusqu'en 1793.

LORSQU'IL 'HL plut à la Convention nationale de décréter, le 30 août 1793, que la direction de l'Observatoire royal de Paris ne serait plus désormais confiée à une seule personne, mais à quatre, qui tour à tour prendraient annuellement le titre et les fonctions de directeur, elle jugea à propos de me mettre du nombre des astronomes choisis par elle; mes élèves furent les trois autres.

Ce choix fut-il fait à dessein de consacrer jusque dans les

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sciences ce fameux système de nivellement, ce grand principe MÉMOIRE. d'égalité, si fort à la mode dans ces tems-là? Eut-on l'intention de me conserver la prépondérance, en me donnant pour collègues mes propres élèves, préférablement à des membres de l'Académie mes confrères, qui cependant avaient toute espèce de droits à cette place, et avec qui j'eusse été plus flatté de partager mes anciennes fonctions? Les évènemens qui ont eu lieu par la suite montrent assez ce que l'on doit en penser. Quoi qu'il en soit, parfaitement informé des intrigues qui avaient amené cet ordre de choses, et de l'esprit dans lequel avaient été rédigés les nouveaux réglemens de l'Observatoire, je crus prudent et indispensable de céder la place et d'envoyer ma démission (1). On me donna pour successeur un jeune homme qui, sans doute, s'est montré depuis digne d'occuper un des premiers Observatoires de l'Europe, mais dont le choix, à cette époque, fut, j'ose le dire, d'autant plus extraordinaire, qu'il y avait à peine six mois qu'il s'occupait d'astronomie.

Ayant eu l'honneur de succéder à trois de mes ancêtres dans cet Observatoire royal, auquel la réputation de mon nom était si intimement liée depuis cent vingt-deux ans, dans cet Observatoire où, presque dès l'enfance, je m'étais consacré à l'astronomie, je devrais peut-être au public et à moimême la justification d'une démarche qui a pu trouver plus d'un censeur mais, pour démontrer évidemment à tout le monde qu'il m'a été impossible de ne pas abandonner l'Observatoire, il faudrait rappeler des souvenirs et révéler des choses que la sagesse et la prudence ordonnent d'ensevelir dans un

:

(1) Je la remis entre les mains de M. Grégoire, le 6 septembre 1793, jour où, accompagné de M. Arbogast, son collègue au comité d'instruction publique, il se rendit à l'Observatoire pour voir l'éclipse de soleil,

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