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sceau de cette célèbre abbaye. Parmi les dignitaires ecclésiastiques, nommons Philippe de Lévis, archidiacre de Pinserais, en 1209, frère de Gui Ier de Lévis, fondateur de l'abbaye NotreDame de la Roche et maréchal de la Foi; Thomas, doyen d'Étampes, en 1222; Michel, doyen de Saint-Marcel de Paris, en 1223; Étienne, archidiacre de Paris, en 1229; Gui de Neaufle, doyen de Saint-Martin de Tours, en 1250; et mentionnons d'une manière spéciale le sceau remarquable de Gilles Fort-Anier, successivement curé de Saint-André de Chartres et de Briis-sous-Forges, en 1249. Enfin, nous indiquerons encore les sceaux des abbayes de Saint-Victor de Paris, en 1192; de Notre-Dame de Longpont, en 1208; de Sainte-Catherine du Val des Écoliers de Paris, en 1454; du Chapitre de Rouen, en 1208 et en 1228, etc., etc.

Les sceaux de justices méritent une mention toute particulière. Nous retrouvons d'abord fréquemment les divers types employés par les officialités des chapitres de Chartres de 1224 à 1261; de Rouen, de 1228 à 1249; de Paris, pendant tout le cours du Xe siècle puis ceux qui servaient aux différentes justices ecclésiastiques du diocèse de Chartres, comme l'officialité de l'archidiacre de Chartres ou grand archidiacre, en 1252; celle du doyen de Chartres, avec ses deux types variés de 1237 et 1258; celle de l'archidiacre de Pinserais, en 1254, etc. Parmi les justices seigneuriales, nous signalerons en première ligne le sceau employé par les officiers de la prévôté de Gisors, en 1283, au contre-sceau duquel l'on rencontre déjà les fleurs de lis royales réduites au nombre de trois; celui de la prévôté de Paris, en 1301; ceux enfin des prévôtés de Vernon, à diverses époques du XIe siècle, portant au revers du type bien connu de la fleur de lis royale les armoiries ou les emblèmes des divers prévôts à la garde desquels il était confié; de Corbeil, en 1279; de Montlhéry, en 1304; de Bruyères-le-Châtel, en 1439, etc.

Une autre partie non moins importante de notre sigillographie, digne à tous égards d'une étude sérieuse, est cette classe nombreuse de petits sceaux entièrement dépourvus d'armoiries et de tout caractère héraldique, que nous n'hésitons pas à nommer sceaux de fantaisie, et qui furent également employés par toutes les classes de la société, par le clergé comme par la noblesse, par les hommes comme par les femmes, par les bourgeois comme par les artisans. Nous avons groupé la plus grande partie de ces sceaux dans notre planche XIo, et plusieurs autres sont disséminés dans les planches IX, X et XII. L'emblème qu'on y rencontre le plus fréquemment est la fleur de lis, mais plus ou moins éloignée de celle qui figure sur le blason et poussant ses variétés jusqu'à l'infini. Ainsi, nous la trouvons cantonnée de quatre étoiles sur le sceau de Thibault de Poivilliers (1249), substituée au blason de famille, à la croix ancrée que présente le sceau de son frère, Étienne de Poivilliers. Tantôt elle est formée d'un faisceau d'expansions végétales, comme sur les sceaux d'Agnès de Tilly (1236), d'Alice de la Porte (1235) et d'Isabelle de Paris (1285). Nous la retrouvons également sur le sceau du clerc Nivelon de Bouchigny, qui préfère ce symbole de candeur et d'innocence aux dix annelets de l'écusson de son frère, Garin de Bouchigny (1248-1275); tantôt elle se présente sous les aspects les plus divers sur les sceaux de Renaud d'Écos (1245), de Jean de la Vigne (1265), de Guillaume et de Pierre Tiremont (1266-67), de Pierre Dehors, bourgeois de Vernon (1275), de damoiselle Alice, veuve de Thomas Estormi (1278); d'Agnès Théroude (1271), de Nicole du Fossé (1262), d'Isabelle la Charonne (1265), de Pétronille la Minière (1266), d'Ameline la Noire-Boële (1260), de Jeanne du Ponceau (1303), etc. Quelquefois, ce sont des rinceaux, des palmettes, de simples fleurons ou rosaces, comme nous les rencontrons sur les sceaux de Richard de la Lande (1278), d'Agnès de Tilly, femme de Pierre de la Cour

(1265), de Robert Loisdart (1285), d'André Bodin, bourgeois d'Attez en Normandie (1264), et de Simon le Closier de SaintMarcel, bourgeois de Paris (1251). Sur le sceau de Mathieu, fils de Jean de Crèvecœur, chevalier, est une molette d'éperon cantonnée de six étoiles, tandis que le père porte sur le sien le sautoir héraldique (1291). Ailleurs, ce sont des étoiles diversement rayonnantes, comme sur le sceau de Denise, femme de ce même Pierre Dehors que nous venons de nommer (1275).

Une autre série de sceaux est plus curieuse encore; nous voulons parler de ceux auxquels l'imagination de leurs propriétaires a fourni des attributs symboliques jouant plus ou moins heureusement sur leur nom ou sur leur profession. Jacques de Grey, prévôt de Vernon, en 1278, joint au sceau authentique de la prévôté, dont il est le garde, son propre contre-sceau, sur lequel est figuré un gril. Pierre du Port, son successeur en 1280, ne craint pas de représenter un porc sur le contre-sceau qu'il applique au sceau de la même prévôté. Nicolas le Tailleur (1266) prend pour emblème de son nom ou de sa profession une paire de ciseaux ouverts; Simon l'Huillier accoste un écu sans armoiries d'un maillet à broyer les olives; Thibault Charpentier porte une hache adossée de deux étoiles (1288); un clerc marié, Thomas Estormi, seigneur de la Queue d'Haye, porte le raffinement d'esprit jusqu'à poser un étourneau (estormel) en regard de son propre buste, comme pour nous apprendre qu'Estormi est le participe du verbe estormier (étourdi), et qu'il n'a pas l'esprit plus grave que l'oiseau qu'il prend pour emblème. Mais le plus étrange de tous ces rébus ou de ces calembours est, sans contredit, celui d'un grave dignitaire ecclésiastique, d'Aubry Cornut, chanoine de Sens et prévôt d'Ingré, que son nom autorise, sans la moindre modestie, à prendre pour emblème Moïse lui-même, le front illuminé de ses cornes traditionnelles, et recevant des mains de Dieu les tables de la loi sur le mont Sinaï.

Il y aurait toute une étude à faire sur les divers types de ces sceaux; il faudrait discuter une à une toutes les figures du champ, il faudrait examiner les variantes de noms que présentent leurs légendes comparés aux chartes elles-mêmes, il faudrait constater les similitudes entre les sceaux employés par des personnages parfaitement distincts de famille et de pays; mais cet examen nous entraînerait au delà des limites que nous nous sommes imposées. Nous terminerons donc en faisant remarquer, qu'à l'exception d'un seul, celui de Simon le Closier, bourgeois de Paris, tous les sceaux bourgeois ou d'artisans que nous avons retrouvés appartiennent à la petite portion de la Normandie qu'embrasse notre Cartulaire. Appelons encore l'attention sur ce fait, que si généralement les bourgeoises des xine et XIVe siècles adoptaient les surnoms de leurs maris, comme Isabelle la Charonne, femme de Pierre le Charon; Pétronille la Meunière, veuve de Durand le Meunier; Jeanne la Groslée, femme de Richard Groslé, etc., il arrivait cependant quelquefois qu'elles conservaient leur nom propre, comme Nicole du Fosé, femme de Raoul l'Anglois, etc.

M. le duc de Luynes, comprenant au reste tout l'intérêt qui s'attachait à la publication de tant de sceaux jusqu'alors inédits, a voulu compléter pour les yeux ce que nous avions tenté de faire pour l'intelligence par ses soins près de cent soixante des principales empreintes ont été reproduites par la gravure, et ces planches forment un atlas, qui renferme en outre, avec un fac-simile de la charte de fondation, une carte topographique de la seigneurie de l'abbaye et une vue des ruines, telles qu'elles étaient avant les derniers travaux de démolition des Vaux de Cernay. Un index sigillographique, joint à l'atlas, offre d'ailleurs une nouvelle désignation sommaire des sceaux gravés dans les planches, et renvoie aux pièces auxquelles ils se rapportent.

Nous quittons la sigillographie, sur laquelle nous ne nous sommes appesantis aussi longtemps qu'à cause de la nouveauté qu'elle présente dans un cartulaire, et nous dirons quelques mots d'une autre question fort curieuse, sur laquelle notre ouvrage jette également une vive lumière, qu'un cartulaire conçu dans l'esprit qui nous a guidés pouvait seul fournir : nous voulons parler de la falsification des chartes. Il paraît fort singulier au premier abord que des moines se soient prêtés à des fraudes semblables à celles que nous avons signalées dans notre publication; mais ce n'est pas là un exemple unique, et il est bien peu d'abbayes dont le chartrier résiste à un examen, je ne dirai pas sérieux et approfondi, mais même léger et superficiel. Car, si quelque chose doit plus étonner que l'idée même de cette tromperie, c'est la manière maladroite et inintelligente avec laquelle elle a été mise à exécution. Par qui a la moindre habitude de l'écriture et du style des différentes époques, une charte fausse sera immédiatement rejetée, et nous devons avoir une bien triste idée des connaissances paléographiques du xvie siecle, lorsque nous songeons que ces pièces apocryphes supportaient l'épreuve des juges et des experts de ce temps-là et sortaient victorieuses de cet examen. Ne condamnons pas trop vite cependant; pensons qu'à cette époque les abbayes presque seules possédaient des titres des XIIe et XIIIe siècles; il n'y avait pas de dépôt public où l'on pût apprendre à connaître l'écriture des siècles précédents, et les moines qui seuls auraient pu fournir des points de comparaison, se gardaient bien de prêter des armes contre eux-mêmes. Les adversaires, dira-t-on, pouvaient tirer de leurs propres archives des pièces authentiques capables de confondre les faussaires; mais souvent c'était contre de simples particuliers que ces pièces fausses étaient produites, ou bien quand c'était contre une autre communauté, comme par exemple dans le procès entre l'abbaye de Thiron et le chapitre

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