considérables, d'user des pratiques qui lui étaient habituelles. Ainsi, lorsqu'une tournure de phrase ne lui paraissait pas très grammaticale, il n'hésitait pas à la modifier; lorsqu'un mot était, selon lui, mal orthographié, il lui rendait la forme qu'il croyait être la véritable. C'est surtout avec les actes du x° siècle qu'il s'est donné beau jeu, et nous mettons le lecteur à même d'en juger par le spécimen que l'on trouvera à la page 46 du tome I, où les deux textes sont mis en présence. Bien qu'il y ait lieu de regretter, au point de vue de la linguistique, que notre compilateur ait fait disparaître ces formes barbares qui nous tiennent au courant des déformations successives de la langue latine, cette perte ne serait que secondaire, car bien d'autres textes nous ont conservé des spécimens du langage, du style et de l'orthographe des xr et XIIe siècles; mais toute autre est l'importance des modifications qu'il s'est permises, s'appliquant à des noms de personnes, et surtout à des noms de lieux. Très souvent ceux-ci ne se rencontrent qu'une fois sous sa plume, et quand il leur a donné la forme en usage à son époque, la science du linguiste se trouve en défaut, si celui-ci ne se met en garde contre la date à laquelle ce mot lui apparaît. Pour corroborer notre dire, il serait facile de produire plusieurs témoignages tirés de notre publication; nous nous contenterons d'un seul, le plus important, il est vrai. Dans le chartrier de Saint-Maixent, le pays d'Aunis porte concurremment deux noms : Pagus Alnisius et Pagus Alienensis, Alianensis ou Alnienensis. La première forme apparaît dans un diplôme de 848 et reste seule à partir de 1081; la seconde se trouve pour la première fois dans un acte de 892 et disparaît à partir de 1010. A première vue, il semblerait que le nom primitif de cette contrée a été Alnisius; mais, si l'on remarque qu'il ne se rencontre que dans les actes tirés du cartulaire, tandis que tous les originaux portent Alianensis, la proposition doit être retournée, et c'est à cette dernière forme qu'il faut attribuer la priorité. Alnisius n'est en somme qu'un mot latin, refait au XIe siècle sur la déformation française de l'ancien nom et devenu d'un usage courant lorsqu'écrivait le rédacteur du cartulaire; ce dernier l'a évidemment mis à la place d'Alianensis, afin de rendre les textes où il le rencontrait plus intelligibles pour ses lecteurs. Ce que nous disons du cartulaire de Saint-Maixent peut s'appliquer à tous, et par ces motifs il s'en suit que nous ne pouvions placer en vedette, en tête de nos volumes, le nom d'un docu ment que nous rejetions toutes les fois que l'occasion s'en pré sentait. Afin de pouvoir nous livrer en toute assurance à des constatations du genre de celle que nous venons de faire, il était indispensable d'avoir des textes aussi purs que possible; c'est à quoi nous avons visé ; mais comme dans notre travail de transcription et de collation, nous ne reproduisons, la plupart du temps, que des copies, nous pouvons seulement garantir la conformité de notre texte avec celui que nous avons eu sous les yeux, et nous ne croyons pas cette affirmation inutile pour ceux qui liront ces actes du xre siècle, dont le latin est tellement barbare que l'on pourrait prendre pour des erreurs de transcription ou de correction ce qui n'est que la reproduction littérale des textes originaux. Du reste, les copies exécutées par D. Fonteneau, ou sous sa direction, offrent les plus grandes garanties, et sauf l'emploi quelquefois trop général du T pour le C et de l'E pour l'E, il y a lieu d'avoir toute confiance dans ses lectures. Nous n'y avons fait que de très rares corrections (toujours indiquées en note), et nous ne nous sommes éloigné de lui que dans la rédaction des résumés placés en tête de chaque acte et dans la détermination des dates. D. Fonteneau n'apportait pas, de même que les autres Bénédictins de son temps, dans les attributions des noms de lieux, cette précision que nous recherchons à juste titre aujourd'hui; on peut dire que les questions géographiques lui étaient étrangères, et c'est justement celles qui nous ont donné le plus de peine à résoudre, vu le manque de dictionnaires spéciaux pour la plus grande partie de la région sur laquelle s'étend nos recherches. Trouvant un nom de lieu dans un acte, il le reproduit généralement dans son sommaire, tel qu'il se présente, soit en latin, soit en vieux français; or, qui ne sait dans quelles erreurs la rencontre simultanée d'un nom de lieu ou les déformations différentes d'une forme latine commune à plusieurs localités, peuvent faire tomber l'écrivain qui n'est pas familier avec la topographie d'une contrée ? Nous avons donc porté toute notre attention sur ce point nous avons en outre donné à nos sommaires plus de rigueur analytique, et, par suite, généralement modifié ceux dus à D. Fonteneau. Enfin, pour ce qui est des dates, lorsque nous étions en présence d'une pièce sans notation chronologique précise, nous n'avons pas suivi son système qui consistait à la placer vers telle époque, nous l'avons renfermée entre deux dates, dont nous avons cherché à diminuer l'écart par tous les moyens d'information qui étaient en notre pouvoir. D. Fonteneau, et nous ne pouvons nous expliquer ce fait, qui a été aussi constaté par M. Rédet dans ses publications des chartes de Saint-Hilaire et de Saint-Cyprien de Poitiers, s'est très souvent trompé dans son calcul des années du règne des rois ou des comtes. Il lui arrive fréquemment de ne compter l'année du règne que lorsque celle-ci est totalement écoulée. Par exemple, pour lui, le mois de mars de la troisième année du règne de Louis d'Outremer répond à 940; or, Louis ayant été couronné roi de France le 19 juin 936, la première année de son règne va jusqu'au 19 juin 937, la seconde jusqu'au 19 juin 938, la troisième jusqu'au 19 juin 939, et par suite le mois de mars de la troisième année de son règne correspond à l'an 939, et non à 940. Lorsque le sens l'indiquait absolument, nous avons complété des mots que son manuscrit ne donnait qu'en partie; mais ces adjonctions sont toujours placées entre crochets, et de même, dans un petit nombre de cas et lorsque nous en étions absolument sûr, nous avons cru devoir rétablir quelques noms de personnes et de lieux, lorsque son copiste, péchant par ignorance, avait pris une lettre pour une autre. Nous avons donc écrit Rainaldus Pilot, Aimeri Roine, au lieu de... maldus Pilot, Aimeri Rome, et encore, Batirau, Chervos, dau Broyl, dau Foyllos, dau Groyes, dau Perron, d'Enterrez, Ermenjos, Janvre, Rigaudan, Rorvre, Savra, Tresseove, Verruia, au lieu de Batitan, Chenios, Daubroyl, Daufoyllos, Daugroyes, Dauperron, Denterrez, Ermenios, Janire, Rigaudau, Rorure, Saura, Tresseone, Verrevia. En outre, comme il s'attachait autant que possible à la reproduction des textes, il mettait fréquemment des majuscules à des noms communs et des minuscules à des noms propres ; cette figuration étant sans aucune valeur, le tout a été ramené à l'orthographe usuelle; nous avons agi de même pour la ponc tuation. Nous avons reproduit scrupuleusement les indications qu'il donne sur l'état des pièces et leur provenance, lorsque celle-ci est étrangère à l'abbaye; mais en ce qui concerne celles tirées de son chartrier, nous n'avons pas cru devoir établir, comme il le faisait, une distinction entre les archives de l'abbé et celles des religieux. Par suite des concordats qui avaient partagé les biens de l'abbaye entre le couvent proprement dit et les abbés commendataires, il avait été constitué deux fonds distincts, dans lesquels D. Fonteneau puisa indifféremment, et auxquels il renvoie pour faciliter la référence. Cette séparation, que l'on retrouve dans la plupart des établissements religieux tombés en commende, n'a plus aujourd'hui sa raison d'être et n'a pas, à juste titre, été conservée dans le classement général des archives départementales, dont la distinction des fonds est pourtant la base; nous n'en avons donc tenu aucun compte aussi, toutes les fois que nous indiquons qu'une pièce est tirée de la collection de D. Fonteneau et publiée d'après le cartulaire ou l'original, il faut simplement << sous-entendrequi se trouvaient dans les archives de l'abbaye de Saint-Maixent ». Les archives des religieux semblent avoir été conservées avec soin après l'introduction de la Congrégation de SaintMaur, mais il n'en a pas été de même de celles de l'abbé, installées au château abbatial de Lort-Poitiers; cet édifice cessa d'être entretenu dès le milieu du XVIIe siècle, quand les abbés ne résidèrent plus, et il était tellement ruiné en 1782 que, le 13 août de cette année, furent délivrées à l'abbé Raimond de Boisgelin des lettres patentes qui en autorisèrent la démolition. Voici, au surplus, ce que dit D. Fonteneau au sujet de ce dépôt, dans une note de la pièce no CIII: « Les lacunes où l'on voit ici des points sont ou déchirées ou < effacées dans le titre. Ces endroits du titre, comme de quantité « d'autres du même trésor, sont même pourris par l'eau qui « est tombée dessus, de façon que ces titres ne peuvent plus < être d'aucune utilité pour les droits de l'abbaye. La plupart des « titres des archives de M. l'abbé de Saint-Maixent ont eu ce sort par la faute d'un agent ou fermier dudit abbé, nommé........, ori«ginaire de........, qui, ne visitant point ledit trésor, ne s'a« perçut pas que la pluie, ayant percé la voûte, tombait sur les << titres et papiers, de façon qu'en 1718 étant tout à fait pourris, « il fut obligé de les jeter à pleins sacs dans les fossés du château « de l'Ort- Poitiers ; c'est ce qui nous a été dit par M. de Courci, « agent de M. de Grimaldi, prince de Monaco, aujourd'hui « abbé de Saint-Maixent, et confirmé par le fermier qui demeure «< au château de l'Ort-Poitiers, et qui nous a assuré avoir vu jeter lesdits papiers et titres comme ci-dessus. La pourri«<ture qui se trouve à la plupart des titres qui sont restés fait <voir que ces MM. disent la vérité, et qu'autrefois il a plu sur les titres. C'est ce qui fait qu'on ne peut pas copier les << titres qui restent, dans leur entier, et qu'on n'écrit que ce qu'on < peut lire. >> Quelques mots nous suffiront pour terminer l'histoire lamentable des archives de l'abbaye de Saint-Maixent, devenues propriété de l'État en vertu de la loi du 14 octobre et du décret du 24 octobre 1790.Le 25 mars 1791, elles furent placées sous scellés, et pendant plusieurs années restèrent en cet état dans les bâtiments de l'abbaye, où avaient aussi été déposées les archives des établissements religieux ou civils supprimés dans le ressort du district de Saint-Maixent. Pendant cet intervalle de temps, à diverses reprises, les scellés furent levés à la requête d'administrations et de particuliers pour retirer des papiers ; c'est ainsi que, sur la réclamation de l'administration des domaines, il lui fut fait remise, le 19 mars 1792, de vingt registres, livres terriers et censiers; un seul a été conservé par elle et se trouve à la recette des domaines de Saint-Maixent; il est intitulé: Liève de tout le revenu du monastère de Saint-Maixent, de 1756 à 1790, reg. in-fo de 160 feuillets. Nous avons aussi pn constater l'existence d'un certain nombre de titres anciens, provenant du chartrier de l'abbaye, entre les mains du comte d'Orfeuille, qui avait entrepris, au commencement de ce siècle, d'écrire l'histoire de la province. C'est de son cabinet que sont sortis les originaux que nous avons retrouvés aux Archives départementales des Deux-Sèvres, à la bibliothèque de Poitiers et à celle des Antiquaires de l'Ouest, et dans la collection de M. Benjamin Fillon. Par décret du 13 messidor an X, l'abbaye devint le chef-lieu de la XII cohorte de la Légion d'honneur. Afin de pouvoir approprier les bâtiments à leur nouvelle destination, le préfet des Deux-Sèvres, M. Dupin, donna l'ordre de vider le dépôt des Archives de Saint-Maixent. Il fallut plusieurs charrettes pour les transporter à Niort, et elles furent entassées dans les greniers du tribunal civil, avec toutes les archives religieuses, judiciaires et administratives du département. Pendant la nuit du 29 frimaire an XII (25 décembre 1805), un tuyau de poêle trop chauffé communiqua le feu à la toiture du bâtiment, et avant que l'on pût y porter le moindre secours, celle-ci fut totalement embrasée en deux heures les richesses historiques de la région centrale du Poitou furent anéanties, on ne put rien sauver, et il ne serait, à proprement parler, rien resté du chartrier de la plus importante  |